Le
Bouddhisme japonais et la Restauration de Meiji
La
Restauration de Meiji qui a emporté le
Japon en 1868, bien plus qu'une "restauration"
fut en fait une véritable révolution, qui affecta tous
les niveaux de la société. De puissants états
féodaux, dont le Satsuma (aujourd'hui préfecture de
Kagoshima), le Nagato (aujourd'hui préfecture de Yamaguchi),
le Tosa (aujourd'hui préfecture de Kochi), et le Hizen
(aujourd'hui préfecture de Saga), se liguèrent pour
lever une armée contre le gouvernement Tokugawa de l'époque,
dans le but de prendre la capitale Edo (aujourd'hui Tôkyô).
Une succession de guerres civiles s'ensuivit et le dernier shogun
Tokugawa, Yoshinobu (1838-1913), prit la décision de restaurer
le pouvoir de la maison impériale qui avait dirigé le
Japon depuis la fondation de l'état jusqu'en 1192. Le résultat
fut une révolution dont l'impact sur toutes les facettes de la
vie, culturelles, économiques et politiques, fut sans
précédent.
Haibutsu Kishaku
L'un des slogans de la
Restauration de Meiji fut "Osei
Fukko" : Restaurer la Monarchie. Il
s'agissait d'encourager la population dans son enthousiasme
à détruire toutes les habitudes culturelles et
les institutions qui avaient été
centrales pendant l'ère Tokugawa. Le Bouddhisme n'y
échappa pas. Pendant environ cinq ans à
partir de la Restauration de Meiji fit rage un mouvement populaire
de destruction du Bouddhisme : de nombreux temples
furent détruits et des milliers de moines et nonnes
bouddhistes furent renvoyés de force à la
société civile. Ce mouvement reçut le
nom de "Haibutsu Kishaku".
"Hai" signifie rejeter et
"butsu" », le Bouddha ;
"Ki" veut dire abolir et
"shaku" renvoie à
Shakyamuni (le Bouddha Gautama). "Rejeter le
Bouddha et abolir Shakyamuni !" Ce
mouvement eut un effet irréversible sur le Bouddhisme
japonais, malgré les efforts pour protéger les
traditions. Le flot implacable de l'Histoire balaya tout sur son
passage.
Qu'est-ce que le bouddhisme?
Pour commencer, je voudrais expliquer ce
qu'est le Bouddhisme. On pourrait tirer une image très confuse et vague de ce dont il s'agit si on considère la
situation du Bouddhisme dans le Japon moderne.
Les points de vue sont nombreux et différents, du romantisme
intellectuel d'un D. T. Suzuki, aux
interprétations entièrement
académiques du Bouddhisme basées sur la Mûlamadhyamakâkarikâ
de maître Nâgârjuna, arrivé
par l'intermédiaire du chinois (traduction de Kumarajiva) et
traduit en
japonais en tant que « Churon »,
en passant par les théories du
« rien » de Kitaro Nishida.
L'étude de ces différentes théories japonaises
contemporaines ne donnera jamais une description claire de
ce qu'est le Bouddhisme. Qui plus est, la fin de la seconde Guerre
Mondiale a vu surgir de nombreuses sectes bouddhistes, promettant aux croyants de grands
bénéfices et le bonheur dans leur vie
séculière. Rien de tout cela ne donne une idée claire des doctrines
centrales du Bouddhisme, et on n'y trouve encore
moins d'idée fondamentale qui recevrait
l'agrément de tous.
Quand j'avais 18 ans, j'ai fait la
connaissance d'un moine bouddhiste de l'école
Sôtô du nom de Kôdô Sawaki rôshi. C'est à
partir de là que j'ai été
attiré par les écrits de maître
Dôgen et, en particulier, son Shôbôgenzô. Je
l'étudie maintenant depuis plus de 60 ans et la
compréhension que j'en ai est désormais complète. Je donne
régulièrement, depuis une trentaine de ces
années, des cours à la Young Men's Buddhist Association de l'Université de
Tôkyô, au Centre Culturel Asahi et d'autre
endroits. Ma longue étude du Shôbôgenzô m'a
permis d'arriver à une compréhension claire et
exacte de la philosophie bouddhique. Cependant, j'avais toujours considéré
maître Dôgen comme n'étant que l'un des
nombreux penseurs bouddhistes, et croyais que l'on ne pouvait limiter le
Bouddhisme à sa seule pensée. Pourtant, il y a une dizaine d'années, je me suis mis à
lire en sanscrit la Mûlamadhyamakâkarikâde
maître Nâgârjuna et j'ai ensuite entrepris de le traduire directement en japonais. Au
fur et à mesure qu'en avançait la traduction, j'ai vu que les idées qui y étaient
avancées correspondaient exactement à celles du Shôbôgenzô.
J'en ai conclu que, reliant les nombreuses interprétations
philosophiques du Bouddhisme, existait une théorie authentique que l'on peut appeler
« Shôbô » ou
« Vrai Dharma ». Quoiqu'elle soit
complexe, elle possède une structure particulière mais
rationnelle qui se reflète dans les écrits de
maître Nâgârjuna comme dans les travaux de maître Dôgen. Je suis
convaincu que cette structure théorique décrit exactement ce qu'est le Bouddhisme. Mais étant
très inhabituelle, elle est difficile à
comprendre. C'est une des raisons pour laquelle le Bouddhisme a si souvent
été mal compris par tant de gens.
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