Les civâra
Lorsque le Bouddha comprit ce qu'il avait
si longtemps cherché, il voulut laver la crasse qu'il avait accumulé sur
lui et couvrir la nudité qu'avait commandée son ascétisme excessif. Après
s'être lavé dans la rivière et avoir mangé le riz au lait que lui offrit
une jeune fille, il récupéra des étoffes de rebut, et, les cousant
ensemble, il s'en fit un vêtement qu'il teignit avec de la boue de terre
ocrée (
kasha).
Mais ce vêtement n'était en rien différent de ceux des autres
sramanas,
ces renonçants qui ont toujours existé en Inde, et existent toujours.
C'est pourquoi, plus tard, lorsque la foule de ses disciples était devenue
assez importante pour qu'une telle distinction se révèle nécessaire, il
suggéra que les morceaux de ce vêtement soient cousus en un schéma qui
évoque les rizières, si fréquentes dans cette partie du sous-continent.
Maître Dôgen, dans les fascicules "Den-e" ainsi que "Kesa_kudoku" du
Shôbôgenzô, décrit ce vêtement, qui était statutairement constitué de
trois pièces: l'
antarvâsi, l'
uttarâsangha et le
samghâti.
Dans
antar, avec un peu
d'imagination, vous reconnaîtrez le
under
anglais et le
unter allemand. L'
antarvâsi est donc le vêtement de
dessous, c'est-à-dire le pagne noué autour de la taille, correspondant au
dhôti indien.
De même, dans
uttar , avec
encore plus d'imagination, vous reconnaîtrez non seulement l'anglais
upper et l'allemand
über,
mais même le français
outre (au
sens de
au-delà, en plus). La
syllabe
sam étant celle que
nous avons dans en
semble, as
sembler, ainsi d'ailleurs que dans
l'anglais
same (
même)
et l'allemand
sammeln (assembler,
collectionner), on comprend qu'il est ici fait référence à
l'assemblage des morceaux, et qu'
uttarâsamgha
est le vêtement de dessus.
Quant au
samghâti, il s'agit du
manteau d'hiver qui est doublé, et qui sert aussi de vêtement d'apparât.
Ces vêtements n'étant que des rectangles drapés autour du corps, ils
doivent néanmoins correspondre au gabarit de qui les porte. Sur maître
Nishijima, mes robes traîneraient partout, et je ne pourrais jamais draper
les siennes autour de ma grande carcasse. La mesure sur quoi on se base
pour les dimensions de ces trois vêtements est donc la "coudée": mesure
qui va du coude au poing. Si le poing est fermé, la coudée est petite, si
la main est ouverte, la coudée est grande.
Vous trouverez dans les liens qui suivent des traductions de textes de
maître Dôgen sur le sujet:
Kesa kudoku,
les mérites du kasaya.
Voici aussi quelques indications pour ceux qui voudraient se coudre le
kesa.
1- L'antarvâsi :
Les zenistes aujourd'hui portent souvent une espèce de bavette appelée
rakusu, et qui est une espèce de
miniature symbolique de l'
antarvâsi,
aussi appelé
kesa à cinq bandes.
Ce que je propose ici, c'est comment faire un
vrai
kesa à cinq bandes, que l'on pourra porter avec un t-shirt de la même
couleur, au lieu de l'encombrant attirail folklorique kimono + kolomo.
Pour cela, il importe de commencer par le point. Je sais que maître
Nishijima dit qu'on peut coudre le kesa à la machine, et personne ne vous
en empêchera, si vous ne savez pas faire autrement. Mais coudre soi-même
son kesa à la main est aussi une pratique, car c'est "faire" au niveau le
plus réel, surtout pour ceux qui sont fondamentalement des intellectuels
et pas des manuels.
Le "point
de piqûre"

Il faut piquer en arrière, en-dessous ou au-dessus du fil, de façon à
former une petite "perle".

Il faut essayer d'être régulier, d'avoir toujours la même distance entre
les points.

Sur l'avers, on aura une série de petits points en succession régulière,
et
sur le revers du tissu, on aura une série de petites lignes, qui doivent
être, autant que possible, tout aussi régulières.
Les bandes:

Les bandes sont assemblées l'une sur l'autre, celle qui sera au-dessus est
posée sur celle qui sera en dessous, comme dans la troisième vignette à
droite. Une couture est effectuée sur la ligne supérieure de la bande
étroite (recouvrement des deux bandes). Le bas du morceau A est replié sur
un centimètre, de façon à laisser un espace de 6 cm, et le morceau B est
rabattu. On peut soit le laisser ainsi, décousu, ou le coudre.
Que l'on fasse un
rakusu ou un
antarvâsi, la méthode sera la même:
on fera cinq bandes de deux morceaux, le morceau du dessus étant trois
fois petit et deux fois grand, et vice versa.
(Voir plus
haut).
Si l'on veut se faire un antarvâsi, on devra mesurer comme suit:
D'abord mesurer sa
coudée. Une
coudée est une mesure arbitraire qui est relative à chaque personne. Pour
la déterminer, on pose son coude sur une surface, calé contre un angle
droit, une table et un mur, par exemple. On mesure jusqu'où vont les
doigts (grande coudée) ou le poing fermé (petite coudée). Si vous êtes un
peu fort, ou avez de longues jambes, il vaudra mieux utiliser la grande
coudée.
A partir de là, vous pourrez déterminer les mesures de votre kesa. Il
devra (pour l'antarvâsi) faire 4 coudées de long par 2 coudées de hauteur.
Sachant que le cadre fera 4 cm, et les bandes de recouvrement 6 cm
chacune, vous pourrez calculerla largeur de vos bandes comme suit:
Mesure
a : 2/3 de coudée
Mesure
b : 1 coudée et 1/3
Mesure
c : 4 coudées, moins la largeur des cadres (2 x 4cm),
moins la largeur des bandes de recouvrement (4 x 6cm), le tout divisé par
cinq.
La pièce A: [c + (cadre + 1cm) + (recouvrement + 1cm)] x [a + (cadre +
1cm) + (recouvrement + 1cm)]
La pièce B: [c + (cadre + 1cm) + (recouvrement + 1cm)] x [b + (cadre +
1cm) + (recouvrement + 1cm)]
La pièce C: [c + {2 x (recouvrement + 1cm)] x [a + (cadre + 1cm) +
(recouvrement + 1cm)]
La pièce D: [c + {2 x (recouvrement + 1cm)] x [b + (cadre + 1cm) +
(recouvrement + 1cm)]
En effet, il faut à chaque pièce compter 1 cm de marge au-delà de la
couture.
Donc, si par exemple la coudée mesurait 48 cm , a = 32cm, b = 64cm et c =
[(192cm - 8cm - 24cm) / 5] = (160 / 5) = 32 cm.
L'assemblage des cinq bandes complété, il faudra les assembler en
vertical, selon ce qui suit:
Mettre la pièce A1 sur B1. Tracer une ligne à la craie à 1cm du
bord. En tracer une autre à 6cm de la première. Replier la bordure d'un cm
avec un fer à repasser. Prendre la pièce B2 sur A2. Tracer sur le côté une
ligne verticale à 1cm, puis une autre à 6 cm de la première, du côté
droit. Superposez les dos à dos pour que la deuxième ligne de la première
bande corresponde à la première de la seconde. Bâtir et coudre ensemble.
