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Anicca, anatta et dukkha

 

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Cette page a été mise à jour le 15 novembre 2006

 

Versione italiana

 

Aujourd'hui, parlons donc d' anicca, de duhkha, et d'anatta.

 

Anicca, c'est l'impermanence. La dernière photo de moi qui apparaissait ci-contre n'était pas vraiment très récente, puisqu'elle remontait à presque dix ans. Depuis, le peu de cheveux qui me reste avait beaucoup blanchi. Et donc, à défaut de vous montrer une photo récente, que je n'ai pas, j'ai pensé vous faire voir le garçon que je m'attends à trouver devant moi, dans mon miroir, tous les matins. Et tous les matins, zut!, je m'aperçois qu'anicca est passé par là! L'impermanence est aussi nommée "seconde loi de la thermodynamique", ou loi d'entropie qui établit que tout ce qui est ensemble constitué est appelé à se désorganiser. Bref, un truc auquel on n'échappe pas, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse.

Le Dhammapada chante :

Sabbe sañkhârâ aniccâ'ti yadâ paññâya passati
Atha nibbindati dukkhe esa maggo visuddhiyâ.

Cette stance dit expressément :

Tous (sabbe) les processus (sañkhârâ) sont inconstants (aniccâ'ti):
Lorsqu'on le constate avec discernement (paññaya),
On se lasse de la souffrance (dukkhe)--
Voilà (esa) la voie (maggo) vers la libération (visuddhiyâ).

Il y a aussi :

Inconstantes sont les choses composées. Leur nature: survenir & disparaître.
Elles se débandent dès leur survenance. Leur arrêt total est bonheur.

Héraclite, au début du V° siècle avant l'Ere courante, disait que "Pour des hommes qui entrent dedans, ces fleuves sont toujours les mêmes, mais d'autres et d'autres eaux toujours surviennent." Rien de ce qui est "même" ne le reste. Même s'il y a un lien de continuité biologique entre ce gamin de 17 ans et le schnock de 53 qui est en train d'écrire ces lignes, ce ne sont pas la même personne.

Evidemment, cette photo date un peu. Elle est contemporaine (1965) d'un autre grand hymne bouddhiste des années '60, puisqu'il parle de duhkha, je veux parler de "Satisfaction" des Rolling Stones. I can't get no satisfaction...

 

Duhkha, c'est l'insatisfaction. La souffrance ontologique, cette sourde angoisse qui nous étreint plus ou moins selon les jours. Certes, elle est variable, selon les moments, les lieux, les saisons et surtout les personnes. Il y en a pour qui duhkha n'est que le stress permanent qui les empêche de profiter de la vie, telle cette actrice québécoise qui, sur les Champs-Elysée marchait vite, sans rien regarder. "Elle pensait déjà au restaurant. Durant le souper, elle était impatiente d'être au théâtre. Puis, au théâtre, elle avait hâte d'être au lendemain . . . ".

Certains croient que l' "ici et maintenant" du Bouddhisme consiste à oublier le passé et à ne pas penser à l'avenir. Mais ce n'est pas vraiment possible, car nous ne ferions alors qu'imiter les bêtes. Et qu'en serait-il alors de cette capacité unique parmi les êtres sensibles, qui est celle des humains à pouvoir aspirer à l'Eveil? Non, il faut entendre cet ici et maintenant comme autre chose. Car les animaux aussi sont soumis à duhkha. Ici et maintenant ne peut donc que signifier que la réalité, tout en participant d'hier et anticipant demain, se passe ici et maintenant. Ce qui est fait est fait, il fallait y penser quand c'était le moment. Ce qui n'est pas encore ne l'est pas, et si on veut que ce ne soit pas trop désagréable, il faut ici et maintenant faire ce qu'il y a à faire. Et ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait.

Dans le Sûtra de la Mise en route de la Roue du Dharma, le Bouddha explique :

"Voici, ô bhikkhus, la noble vérité sur dukkha. La naissance, la vieillesse, la maladie et la mort sont duhkha. L'union avec ce que nous haïssons, la séparation d'avec ce que nous aimons, ne pas obtenir ce que nous désirons le sont aussi. Bref, tout ce à quoi nous sommes attachés est duhkha." (Dhamma Cakkappavattana Sutta, Samyutta nikaya, Sacca samyutta)

En fait, ce qui cause cette souffrance, stress, mal-être, angoisse ou insatisfaction, comme on voudra, c'est que notre esprit est toujours tendu vers le fantasme de ce qui le rendra heureux. Ainsi, cette soif d'autre chose fait que nous ne voyons pas ce qui se présente. Et lorsque le bonheur se présente à nous, nous ne le reconnaissons pas parce qu'il n'est pas habillé comme nous l'avions fantasmé. Il n'a ni la stature, ni la couleur des cheveux, ni l'apparence physique, et encore moins les fringues du "P'tit Bonheur" de notre chanson. C'est pourquoi nous passons notre chemin. Vivre ici et maintenant, c'est savoir voir ce qui est là, et pour ça, il ne faut pas être obnubilé parce que qu'on fantasme.

Il y a des années, (et je m'en voudrais encore, si je n'avais pas compris l'inutilité de la chose), j'étais en voyage dans l'Ouest de la France. A un moment donné, mon voyant d'huile s'est allumé. Comme je craignais un problème électrique, je me suis énervé, croyant voir allumé le voyant d'électricité. J'ai donc roulé pendant (trop) longtemps, obnubilé par ce problème d'électricité. Quand je me suis rendu compte que c'était en fait un problème d'huile, et que c'était en fait le voyant d'huile, il était trop tard, j'avais descendu mon vilebrequin. Donc, ici, duhkha provient d'une observation incorrecte et inattentive, et d'une mauvaise acceptation de la réalité. On ne donne pas prise à duhkha, lorsqu'on ne regrette rien (il n'y a rien à regretter) et qu'on n'espère rien (il n'y a rien à espérer). Et n'allez pas croire que "ne rien espérer" soit la même chose que de donner lieu au désespoir. Il n'y a pas lieu de désespérer simplement parce qu'on n'espère rien. Car, paradoxe, on n'espère rien quand on a une totale confiance dans l'Univers. A cela, on peut voir que l'espérance aussi est duhkha (Cela dit, voir le Post Scriptum)

Ma foi, il nous reste plus qu'à trouver quelque chose pour illustrer anatta, mais je crains que ça ne soit pas si facile...

En attendant une brillante suggestion de l'un ou de l'autre de mes innombrables lecteurs/trices, je ne saurais trop insister sur la nécessité de sourire, grand antidote de duhkha. Comme le disait ma grand-mère maternelle, "smile, and the world smiles with you; cry, and you'll cry alone", (souriez et le monde sourira avec vous; chialez, et vous chialerez tout seuls)...

 

Anatta, c'est l'inexistence d'un soi séparé. Souvent, on lit ou on entend des gens, parfois très respectable (le Pape, tel historien de l'Académie Française, ou autre) venir nous dire que le Bouddhisme croit que rien n'existe. Encore une citation tronquée. Certes, le problème est ancien, puisque les documents nous montrent qu'il semble bien qu'il se soit toujours trouvé des gens pour le penser. C'est l'hérésie du nihilisme, dont un des représentants modernes les plus importants est le japonais Nishida Kitaro (1870-1945). Mais ce que dit anatta, ce n'est pas que rien n'existe. C'est plutôt que rien n'existe de façon isolée, hors contexte. C'est, quoique dans une perspective chrétienne et catholique, ce qu'exprime John Donne, prédicateur anglais du XVII° siècle (après avoir été poète libertin), dans sa Méditation XVII, "Pour qui sonne le glas". C'est aussi ce qu'illustre le Révérend Martin Luther King Jr, dans l'extrait qui suit :

"Que nous en ayons ou non conscience, chacun de nous est endetté pour l'éternité. Nous sommes les débiteurs perpétuels d'hommes et de femmes connus et inconnus. Nous ne pouvons achever notre petit déjeûner sans nous être rendus dépendants de plus de la moitié du monde. En nous levant, le matin, nous allons à la salle de bains où nous saisissons une éponge que nous procure un insulaire du Pacifique. Nous utilisons un savon fait par un français. La serviette nous vient d'un turc. A table, nous buvons un café fourni par un sud-américain, du thé par un chinois et du cacao par un africain. Avant de partir à notre travail nous sommes redevables à plus de la moitié du monde. En un sens trés réel, toute vie est en inter-relation avec les autres, tous les hommes sont pris dans un réseau inévitable de réciprocité, entraînés dans une destinée commune.Tout ce qui atteint directement l'un, atteint tous les autres indirectement."

Anatta, c'est le rappel constant que nous ne pouvons pas prétendre faire abstraction de notre environnement, qu'il soit physique, social ou humain. Quelqu'un a pu dire que "rien de ce qui est humain ne (lui était) étranger". Mais le bouddhiste lui, dira que rien ne lui est étranger, point à la ligne. Nous ne faisons qu'un avec les trois mille mondes, quelque ténu que puisse nous paraître le lien qui nous relie à certains de leurs éléments. Notre actuel dérèglement climatique nous le montre bien.

C'est pourquoi il est chanté dans le Dhammapada :

Sabbe dhammâ anattâ'ti yadâ paññâya passati
Atha nibbindati dukkhe esa maggo visuddhiyâ.

Cette stance dit expressément :

Tous (sabbe) les phénomènes (dhammâ) sont sans existence propre (anattâ'ti):
Lorsqu'on le constate avec discernement (paññaya),
On se lasse de la souffrance (dukkhe)--
Voilà (esa) la voie (maggo) vers la libération (visuddhiyâ).

 

Mxl

 

P.S.: J'ai déjà rencontré l'accusation de fatalisme, par rapport au Bouddhisme. Cette accusation mérite d'être réfutée. Le fatalisme, c'est être dans l'esprit que rien de ce qu'on dira et rien de ce qu'on fera ne sert de rien, car tout est déjà écrit. Le Bouddhisme ne peut pas être un fatalisme, car il dit que ce qu'on fait est le porteur des germes de ce qui sera. Donc, il faut bien être, dans une certaine mesure, fataliste par rapport à ce qui se produit ici et maintenant, car il n'est pas en notre pouvoir de le modifier. Mais comme ce qui sera ne l'est pas encore, car il dépend ET de ce qui est aux racines de ce qui vient tout juste de se produire, et est en train de se produire, ET de nos agissements dans ce contexte précis. Si on fait bien ce qui est à faire, dans le contexte global de ce qui est, il est en notre pouvoir que ce qui sera demain soit positif ou négatif. Ceci est en fait le sujet du Karma, qui fera l'objet d'un article prochain.


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