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On pourra trouver la version originale anglaise de ce texte à:
www.darkzen.com

Je remercie Mr Stuart Lachs qui m'a aimablement autorisé à effectuer une version française de son travail.


Moyens de pouvoir:
Etablissement d'une hiérarchie dans le Bouddhisme Ch'an/Zen en Amérique,

par Stuart Lachs[1]

Article révisé à partir d'une présentation faite au Congrès de l'American Academy of Religion, à Boston en 1999.

Représentation idéalisée                   Maître/roshi

Transmission du Dharma                   Lignage Zen

Kôans                                            L'aliénation du Maître/roshi

Notes                                            Résumé


L'aliénation du Maître/roshi

 

Je voudrais maintenant considérer la personne du Maître/roshi et examiner certains des effets qu'a sur le maître et sur l'élève le fait pour le maître d'emprunter un rôle essentiellement idéalisé. Je vais développer la thèse, suivant le modèle de Berger, que le Maître est "aliéné", en usant du mot "aliéné" dans un sens technique précis.[53] Berger décrit l'incorporation des principes institutionnels comme un processus bidirectionnel: "L'ordre institutionnel n'est vrai qu'en autant qu'il est réalisé dans des rôles tenus, et que, d'autre part, ces rôles sont représentatifsd'un ordre institutionnel qui définit leur caractère et d'où ils dérivent leur sens objectif." [54] Il est évident que tous les mondes socialement construits changent parce qu'ils sont le produit historique de l'activité humaine. Quand on considère les subtilités de la façade conceptuelle qui contient tous les mondes particuliers, on peut oublier que la "Réalité est définie socialement. Mais les définitions sont toujours incorporées, c'est-à-dire que des individus concrets et des groupes d'individus servent à définir la réalité."[55] Dans le Zen, le rôle idéalisé du Maître/roshi est l'incarnation de tout ce que revendique le Zen. Le Maître, par ses paroles et ses gestes, ne définit pas seulement la réalité; il sert aussi à donner le ton et la couleur de comment le Zen devra être manifesté dans la vie.

On prend part aux activités de l'institution Zen et on accepte ses croyances essentiellement pour deux raisons: on est autant à la recherche d'un sens à sa propre vie, qu'on recherche une transformation personnelle qui va incorporer ce sens dans sa vie. Il est nécessaire qu'on croie en la possibilité d'une transformation personnelle. Le Maître/roshi Zen est l'incarnation de cette transformation personnelle. Le Zen offre une transformation tellement complète que, telle que les institutions Zen la définissent, elle est au-delà de la compréhension et du jugement humains, ce qui implique aussi une grande liberté ainsi qu'un grand pouvoir; c'est là un idéal qui vaut qu'on s'y attelle. Cependant, les idéalisations sont trop grandes pour remplir réellement leurs besoins institutionnels de Maître incarné, avec un véritable être humain. Pourtant, il faut bien qu'une personne de chair et de sang le joue, ce rôle. Il s'agit alors souvent d'une personne qui sera très éloignée de l'idéal qu'elle est censée incarner. En fait, très rares sont ceux et celles qui pourraient s'approcher du niveau établi par l'idéalisation du Maître Zen. L'enseignant tente de jouer sa partie et ses étudiants en acceptent l'autorité et la spécificité comme on les en a instruits par divers moyens. Mais une grosse institution telle que le Zen requiert de nombreux enseignants, de sorte que la majorité d'entre eux n'incarnent pas complètement la pratique et ne peuvent pas non plus être un exemple vivant de la transformation promise. Dans une société aussi hétérogène et fortement individualiste que la nôtre, et disposant d'aussi peu de moyens sociaux de contrôle, j'ai l'impression que l'idéalisation du Maître est un appel aux problèmes.

La société, grâce aux processus d'extériorisation, d'objectivation et d'intériorisation est le produit de l'activité collective de l'Homme. C'est au moyen de ces trois procédés qu'elle fait face à l'individu sous la forme d'une commodité extérieure, subjectivement opaque et préventive. L'extériorisation et l'objectivation impliquent la production d'un véritable monde social, extérieur à l'individu qui l'habite; l'intériorisation implique que le même monde social ait le statut de réalité à l'intérieur de la conscience de ces individus. Il s'agit d'un processus continu qui accompagne tout individu dans son entrée dans le monde. C'est à travers ces trois processus que l'individu participe et coopère à la réalité de la construction sociale. Ce même monde social garde son caractère d'objectivité au fur et à mesure de son intériorisation dans la conscience. Le pouvoir de persuasion fondamental de la société ne se situe pas dans ses moyens de contrôle social, mais dans sa capacité à s'imposer comme étant la réalité.

Il y a deux points importants, ici. D'abord, il faut noter que la socialisation est toujours partielle et que l'intériorisation oppose une partie de la conscience au reste de cette même conscience. Ensuite, que l'intériorisation implique l'auto-objectivation: une partie du moi est objectivé, non seulement pour les autres, mais pour lui-même. On crée un "moi social" qui est et demeure dans un état d'accomodement instable avec la conscience de soi non-sociale par dessus laquelle on l'a surimposé. Par exemple, le moi socialisé et sa place dans la société peuvent correspondre à un père de famille de classe moyenne qui travaille de neuf à cinq et pourtant cette même personne pourra bien se voir sous les traits d'un Don Juan. Ceci pourrait conduire à toutes sortes de problèmes pour les rapports de cette personne avec sa femme et ses enfants. Cependant, le rôle de père de famille de classe moyenne devient "présence" objective, porteuse d'une forte impression de réalité dans la conscience de l'individu. Comme le processus de socialisation n'est jamais parfait, l'homme produit de l'"altérité" autant au dehors qu'à l'intérieur de lui-même en tant que résultat de la vie en société. La possibilité surgit alors que ce ne soit pas seulement le monde social qui semble étrange à l'individu, mais qu'il se devienne étranger à lui-même dans certains aspects de son moi socialisé. On peut jouer le rôle socialement objectivé de Maître Zen,un rôle porteur de la représentation institutionnelle d'un niveau extrêmement élevé d'idéaux? alors que le moi non-socialisé sur lequel ce rôle s'est trouvé surimposé continue à courir après la gloire, les corps d'accortes élèves, un plus grand groupe de disciples, un plus grand temple et plus de terrain, plus d'argent, ou n'importe lequel des autres objets de désir. Dans une telle situation, il y a une partie de la conscience qui se retrouve dans une situation délicate par rapport à l'autre.

Prière de noter que cette division ou fracture à l'intérieur de la conscience, et qui met le moi social dans cette situation de malaise avec la conscience de soi non-sociale, est nécessaire à un degré ou un autre en tant que caractéristique de l'être social. En d'autres mots, cela fait partie de l'être humain. Cependant, ainsi que le souligne ci-après Berger, on peut procéder par plusieurs biais.

    "Il existe cependant deux façons de procéder pour cette séparation: l'une, au sein de laquelle
    l'éxtranéité du monde et du moi peuvent être réappropriés par le "souvenir" de ce qu'ils sont
    tous deux le produit de notre propre activité; et l'autre, dans laquelle cette réappropriation
    n'est plus possible, et où le monde social et le moi socialisé s'offrent à l'individu comme étant
    d'inexorable artifices analogues aux artifices de la nature. Ce dernier mode peut être appellé
    aliénation. En d'autres termes, l'aliénation est le processus dans lequel la relation dialectique
    entre l'individu et ce monde est perdue."[56]"

L'aliénation est une conscience faussée qui a oublié que ce monde social était et continue à être co-produit par l'individu en tant que participant actif dans l'entreprise collective de la vie sociale.

Il est important de comprendre que l'aliénation n'affaiblit pas nécessairement, par plus qu'elle n'ôte du pouvoir à, l'individu aliéné. En fait, il se pourrait bien que ce soit le contraire &emdash; que cela devienne une source d'un pouvoir considérable, vu qu'elle ôte les doutes et incertitudes qui peuvent causer problèmes et hésitations chez une personne non-aliénée. Pour l'individu aliéné, "le monde social cesse d'être une arène ouverte au sein de laquelle il étend son être dans une activité signifiante, et devient au contraire un aggrégat fermé de réifications détaché des activités présentes et futures." [57] Il est remarquable que la perception du monde socio-culturel en termes d'aliénation sert à maintenir ces mêmes structures pour donner un ordre signifiant à l'expérience, et ce avec une efficace particulière, précisément parce qu'elle immunise contre les innombrables contingences de l'entreprise humaine de construire le monde. Dans le cas que nous étudions ici, c'est-à-dire celui du Maître Zen en Amérique, nous avons observé un certain nombre de cas où peu importe les mauvais résultats dudit Maître, il/elle semble capable, presque comme s'il/elle était aveuglé(e) par ses défauts, de continuer à agir et maintenir sa position de Maître. Il y a une force apparente qui permet au Maître de maintenir sa position, qui est presque totalement séparée de ses actes, malgré la rhétorique du Zen qui accorde une valeur si grande aux activités normales de la vie quotidienne et qui soutient que le moindre acte du Maître surgit de l'Absolu.L'aliénation, dans ces cas, immunise contre les innombrables contingences et déconvenues de la vie quotidienne.

Dans le Zen, l'institution est "incarnée" ou "réalisée" dans le rôle joué par le Maître ou roshi. Un rôle qui est presque nécessairement idéalisé (à quelques rares exceptions) par les mécanismes de la transmission du Dharma, du lignage Zen, des kôans, des mondos et du rituel. Les étudiants qui intériorisent la rhétorique du Zen, s'attendent à ce que l'enseignant réel soit un maître idéal, de sorte qu'ils s'attendent à voir ce maître idéal les guider et les enseigner.[58] Ces idéalisations sont répétées sous une forme ou une autre à travers toute la tradition du Chan. Dans l'un des textes Chan les plus anciens, le Soutra de l'Estrade du Sixième Patriarche, Hongren, le cinquième Patriarche, dit à son successeur Huineng, sixième et dernier Patriarche: "Si vous pouvez éveiller l'esprit de quelqu'un d'autre, il ne sera pas différent de moi". Ce qui est ici implicite, c'est que chaque maître dans la lignée de transmission est égal à tous les autres, et que l'enseignement de chacun est identique à celui qu'ont donné tous ceux du passé. En essence, du moins en autant qu'il s'agit de compréhension, un maître est égal à tous les autres, [59] chacun étant le même que le Bouddha.

Pour monter dans les institutions Zen, tout comme dans n'importe quelle institution, il faut être bien socialisé dans ses manières et ne pas contester l'ordre institutionnel et ses rôles. Comme le rôle du Maître est relié au Bouddha historique et semi-mythologique par les mécanismes de la transmission du Dharma et du lignage Zen, l'auto-identification du Maître avec son rôle en est encore plus renforcée en même temps que son sentiment d'être, en fin de compte, dans le vrai. Je prétends que les idéalisations associées avec cette position amènent le Maître ou roshi à avoir une vue aliénée du monde. La personne qui endosse le rôle de Maître devient, de par le processus d'intériorisation des privilèges et des qualités incarnées dans son rôle, quelque chose d'autre que lui/elle-même. Le rôle, tel que défini par les institutions Zen, décrit, comme nous l'avons vu, une personne qui actualise la parfaite liberté, libre de schémas répétitifs figés, pas auto-centrée, pleine de simplicité, d'entrain, d'humilité, de perspicacité et de compassion, ou selon une autre description, capable de faire des miracles, et selon une autre description encore, le Maître garde toujours l'esprit pur. Ceci est véritablement une personne étonnante, et même très rare!

Cependant, l'intériorisation du rôle n'est jamais complète, et il reste une partie de la personne qui a toutes les imperfections normales et les doutes, désirs et incertitudes concomitants qui sont ceux des personnes normales. En disant que le Maître/roshi devient quelque chose d'autre que lui/elle, je veux dire que le rôle et ses qualités imputées sont étrangères à, ou en conflit avec ses activités et ses pensées manifestes dans sa vie quotidienne, étrangères à son moi non-socialisé sur lequel le rôle de Maître a été plaqué. Pour la personne aliénée, dans le cas qui nous occupe, le Maître Zen, il y a une "altérité" (le rôle de Maître Zen) qui est produite à l'intérieur de lui/elle-même, qui est formée par le monde social et qui lui est de surcroît étrangère. Elle lui est étrangère parce que le processus de socialisation n'est jamais parfait. Elle reste toujours un d'accomodement difficile avec la conscience de soi non-socialisée et ses divers désirs. "L'aliénation est une surextension du processus d'objectivation par lequel l'objectivité humaine ("vivante") du monde social est transformée en objectivité ("morte") de la nature... Dans le cadre de cette perte de la dialectique sociétale, l'activité elle-même commence à apparaître comme quelque chose d'autre &emdash; c'est-à-dire un processus, une destinée ou une fatalité", [60] ou bien, en terminologie bouddhiste, en tant que karma ou causes-et-conditions. En ce cas, les élèves aussi sont réifiés pour le Maître. Quoique ce ne soit pas nécessairement dans une intention mauvaise, ils deviennent des objets à utiliser et à manipuler insidieusement aux fins du Maître, quelles qu'elles puissent être. C'est insidieux, parce que les actions et les motifs du Maître tels que définis par le rôle institutionnel, sont "bons", fondés sur l'Absolu, provenant d'un esprit pur, servant à répandre le Dharma et afin d'aider tous les êtres sensibles, alors qu'en réalité, ils servent ses propres désirs humains. Simultanément, la pensée critique et la contestation sont explicitement dénigrées par la pire des épithètes Zen, "activité de l'égo".

Une fois que cette sorte de vision du monde aliénée, et presque illusoire, a été acceptée, la porte est ouverte pour toutes sortes d'abus potentiels de la part de la personne qui occupe le rôle de Maître/roshi. Une fracture s'est produite entre la personne qui a le pouvoir et le rôle qu'elle endosse, entre leur responsabilités personnelles et leur titre. Le Maître, qu'on considérait au départ comme un modèle, une personne humaine plus développée ou plus complète que les étudiants, apparaît maintenant à un spectateur qui aurait vu à travers des processus d'idéalisation et de l'aliénation qui en résulte, comme une personne diminuée. La personne vivante a disparu, remplacée par un acteur réifié. L'équilibrage normal des diverses positions et rôles, en plus de la dialectique interne qui va avec et que l'on doit assumer dans le cours d'une vie normale dynamique, sont remplacés essentiellement par un seul rôle, celui de Maître. Malheureusement dans le Zen, ceci est souvent masqué par une rhétorique du non-égo et de la vacuité au sein de laquelle l'aliénation du Maître ne fait que s'enfoncer. A ce point-là, le Centre Zen finit par ressembler à un théâtre, où tous les participants sont contents de jouer leur rôle, chacun(e) pour ses propres raisons. Les étudiants sont pour la plupart réifiés à eux-mêmes en tant qu'étudiants. Un petit nombre en train de faire leur chemin dans la hiérarchie et qui aspirent à enseigner à leur tour peuvent éviter pour un temps la réification de leur position en tant qu'étudiant, qu'ils considèrent comme transitoire.

Qui soutiendrait que le Maître est aliéné pourrait prédire que peu importe comment agit le Maître dans le monde ordinaire, il se considérerait toujours comme Maître et continuerait à tenir le rôle. Le Maître tient un rôle qui est idéalisé et surimposé sur un moi qui est ordinaire avec toutes les faiblesses humaines. Les étudiants, socialisés dans une rhétorique Zen et ses mécanismes légitimants voient le Maître comme se rapprochant de l'idéal, comme on les y a endoctrinés. Les membres du groupe Zen d'Amérique dont on a parlé plus tôt dans ces pages, qui s'étonnaient que le Maître puissent montrer de telles faiblesses humaines, n'est que l'un des nombreux exemples qu'on pourrait donner d'individus qui acceptent la rhétorique Zen et la conception idéalisée du Maître. Comme aucune socialisation n'est complète, il demeure une partie du Maître qui est conscient de la fausseté de ses paroles, activités et jeu de rôles. Cet aspect de la conscience du Maître voit bien l'ordinarité qu'il/elle partage avec les membres de base du Centre. Cependant, il/elle voit bien que son troupeau reçoit ses activités à travers le filtre de son rôle idéal. Comme il est conscient de l'aspect "ordinaire" de sa propre conscience, il/elle voit les élèves répondre à ce rôle idéalisé. Comme c'est souvent le cas dans ce type de rencontres, il a donc tendance à les voir comme des dupes, des "pigeons", ou des gogos faciles à berner. C'est-à-dire que le Maître aliéné a peu de respect pour ses élèves, et il/elle est donc enclin à les traiter avec dédain et mépris. Berger dit que:

    "Les gigantesques projections de la conscience religieuse, quoiqu'elles puissent être d'autre,
    constituent l'effort humain le plus important, au plan historique, pour donner un sens à la
    réalité humaine, à tout prix... Le grand paradoxe de l'aliénation religieuse, C'est que c'est ce
    processus de déshumanisation lui-même du monde socio-culturel plonge ses racines dans le
    voeu fondamental que la réalité dans son ensemble accorde une place à l'homme qui ait un sens.
    On pourrait donc dire que l'aliénation elle aussi, est le prix que paie la conscience religieuse pour
    sa quête d'un univers qui ait un sens pour l'homme"[61]

 

Il y a une trop grande disparité entre la vie quotidienne vécue par le Maître avec ses occasions de se tromper, ses désirs et ses doutes, et la présentation idéalisée de la personne en tant que Maître si souvent répétée dans les histoires, les mondos et les kôans. Pourtant, la rhétorique du Zen s'articule sur la doctrine du lignage Zen passé par la transmission du Dharma, et la légitimité institutionnelle et l'autorité du Maître/roshi dépendent de ce modèle. Dit autrement, "une doctrine et la narration de l'origine de cette doctrine sont complètement entrelacées, avec l'historicité des ... événements comme aspect essentiel de la narration de la vérité. Quoiqu'on puisse jouer avec le moment de la transmission dans d'ultérieures dénégations à l'effet qu'en fin de compte, rien n'a été transmis, on ne peut disposer de l'historicité du lignage.[62] C'est-à-dire que le contenu de la transmission n'est pas aussi important que ne l'est la performance, la transmission et la récréation de l'acte social du lignage. Cependant, ce dernier est ignoré à cause de l'emphase mis sur la première. L'école Sôtô au Japon en est un exemple très remarquable. Dans l'Amérique d'aujourd'hui, ainsi que cela a dû être le plus souvent le cas, le maintien de la stabilité et de la continuité institutionnelles est de toute première importance. La famille des bouddhas putatifs se prolonge dans la génération suivante, l'institution est perpétuée, et bien sûr, certains membres "ordinaires" de la communauté peuvent nécessairement être sacrifiés. A cet égard, le Zen n'est pas différent des autres principales institutions religieuses.

Il y a au coeur de la relation maître-à-élève une dynamique du pouvoir nettement visible. Selon le sociologue David Bell, "le Pouvoir implique l'existence d'un objet convoité, a) qui peut être manipulé (c-à-d. augmenté ou diminué par un des acteurs par rapport à l'autre); b) auquel le répondant accorde une valeur; c) qui est relativement rare; d) qui peut être divisé. Tout objet remplissant ces critères peut servir de base à une relation de pouvoir."[63]

Si on use des critères susmentionnés, la pénétration et la compréhension des kôans ainsi que le Bouddha Dharma peuvent servir de base à une relation de pouvoir entre l'élève et le Maître Zen. La lutte se livre dans ce domaine sur au moins deux sujets, le désir de l'élève d'être reconnu en tant qu'ayant réalisé la véirté du Zen, et l'autorisation à l'élève de devenir enseignant à part entière. On peut voir un exemple de cette dynamique dans un événement qui s'est produit il y a quelques années dans un groupe Zen qui subissait une tension. Un élève alla voir le Maître et lui dit qu'il y avait de l'insatisfaction et de la tension dans le groupe. L'enseignant répliqua que le problème venait de ce qu'il ne faisait pas passer les élèves facilement sur leurs kôans. Ne pas passer les kôans signifie que les élèves ne sont pas reconnus pour leur pénétration, pour leur Eveil, et aussi, pour ceux qui avancent dans leur cursus de kôans, cela signifie qu'on les retient de terminer leur cursus et donc qu'on les empêche de devenir eux-mêmes enseignants. C'est-à-dire d'obtenir leur transmission du Dharma et donc que leur entrée dans une lignée Zen officielle est bloquée. Ce que signifiait "ne pas faire pas passer les élèves facilement" dit sur l'étude des kôans et ce que signifie réellement "passer un kôan" ne sera pas traité ici. Malheureusement, la véritable source d'insatisfaction et de tension tenait à ce que le maître, marié et père de famille, était secrètement impliqué dans une relation avec deux de ses élèves femmes, et qu'aucune des deux n'était son épouse.

 

Afin de maintenir l'apparence de l'autorité spirituelle, la personne choisie pour remplir le rôle de Maître/roshi est presque forcée par les idéalisations attribuées au rôle par l'institution Zen, à vivre dans un état de fausse conscience, c'est-à-dire de vivre dans le mensonge. En même temps, il y a chez les élèves une détermination à élever et à idéaliser le Maître en tant qu'exemple de l'enseignement et des principes enchâssés dans la tradition du lignage. Les gens veulent un enseignant exceptionnel, personne ne veut un maître moyen ou médiocre. La rhétorique du Zen s'alimente au désir de l'élève d'avoir un maître exceptionnel en tant que modèle, en déterminant que le Maître est, par définition, exceptionnel, ou, ainsi que trois enseignants cités au début de cette conférence nous en ont informés, "au-delà de votre compréhension", capable d'accomplir des miracles et en possession d'une qualité de vie qui est extraordinaire. Ces sortes de mots nourissent l'élève d'une collection de suggestions et de colles qui stimulent leur fantasmes de pureté et de réalisation spirituelle exceptionnelle.

Cette pression des étudiants est une forme de complicité avec l'institution dans l'acceptation du titre de Maître/roshi; ils se lient aux descriptions de la position établie à l'intérieur de la tradition, et attribueront ces qualités à quiconque est détenteur du titre. En fait, les qualités imputées au rôle de Maître sont peut-être tout ce que verra l'étudiant. Il existe une collusion entre le Maître et l'élève, une relation symbiotique qui joue sur la position confortable pour l'élève d'avoir un sentiment de certitude par rapport à un modèle idéalisé; et en même temps, le Maître est élevé au niveau de figure d'autorité idéalisée qui, dans certains cas extrêmes, devient presque sectaire, ainsi qu'on peut l'observer autour de certains centres Zen.

Ceux qui viennent au Zen sont dans une grande mesure attirés par le sens, ou l'ordre, qu'il donne à l'expérience de la vie. Comme nous l'avons vu, cette structure et cet ordre dans le Zen sont incarnés dans le maître. Les certitudes de l'enseignant sur son rôle, qui sont en grande partie résultat de l'aliénation, imposent la hiérarchie. Le maître, apparemment immunisé contre les doutes, les défauts et les erreurs des êtres humains normaux, se tient bien au-dessus des élèves et de leur sentiment de précarité, de remise en cause et de doute. Dans un sens, on peut dire que l'étudiant coopère avec l'aliénation du maître afin de maintenir le sens que le Zen donne à sa vie, sens que le maître "incarne" et pour lequel languit l'étudiant, presque avec la force d'un instinct. [64] La hiérarchie même qu'implique l'aliénation du maître impose une structure qui est une sorte d'ordre de second niveau. On a désormais l'institution Zen, système comprenant des rites et une hiérarchie dans lesquels on peut insérer sa vie, on a le Maître/roshi, vu comme une figure de proue idéale, des moines, des nonnes et des "anciens" etc. Cette structure offre un canal aux aspirations au progrès personnel, et satisfait le désir d'un monde ordonné et sensible. On peut s'établir dans une hiérarchie bien comprise. Chacun y trouve sa place, que ce soit en tant que nouvel élève ou à un quelconque niveau d'élève plus ancien et plus sage, ou on peut se faire ordonner, chacun avec le statut et les privilèges correspondants. On entre dans un groupe restreint d'initiés avec son langage spécial, une certaine manière de s'exprimer, des comportement rituels spécifiques, et une pénétration dans la compréhension du monde qui va au-delà de la compréhesion du reste de la société ordinaire.

La hiérarchie apparentée à la relation symbiotique entre l'autorité du maître et les membres du groupe Zen est rehaussée de bien des façons différentes. Le port de robes de cérémonies de même que la place spécifique et les courbettes réservées au Maître durant les services, les accoutrements emblématiques tels que les cloches et clochettes, les sceptres de fonction, les ustensiles, les accents et l'encens servent tous à localiser la source de l'autorité. [65] Dans certains centres Zen, les conférences données par le Maître sont entourées de beaucoup de pompe et de cérémonie. A d'autres endroits, la représentation de l'autorité et de la hiérarchie peut prendre la forme d'un comportement stylisé tel que de se tenir ou de tenir les mains d'une manière spécifique ou de parler ou de répondre dans des formes prescrites ou stylisées. Ailleurs, l'autorité peut être mise en évidence par la distance et la réserve que garde le maître par rapport aux membres ordinaires. Et encore ailleurs, la hiérarchie peut être montrée dans les activités cérémonielles réservées au Maître et aux ordonnés. Par tous les moyens, l'autorité et la hiérarchie sont localisées, établies, et renforcées.

On a présenté le Zen en Amérique d'un manière extrêmement simpliste, de sorte qu'on est porté à croire que la terminologie du Zen est "pure", que le Zen et donc la terminologie qui le décrit se situent, selon les mots de D.T.Suzuki, au-dessus de la scène de bassesse et d'inquiétude mondaines." [66] Le bonze Rinzai Ichikawa Hakugen fait remarquer que les concepts que nous identifions tellement avec le Zen ont tous été des facteurs qui lui permis de s'unir au militarisme et à l'autoritarisme japonais &emdash; des termes tels que, harmonie, non-résistance, tolérance, l'expression de Dôgen "abandonner corps et esprit", karma, non-égo, le concept de dette et de gratitude, interdépendance de toutes choses, la doctrine de la Voie du Milieu, l'accent sur la paix intérieure plutôt que sur la justice, et enfin, la caractéristique de "tel que c'est" qui peut mener à une perspective esthétisante et statique, à une harmonie détachée et subjective avec les choses.[67] Ces expressions peuvent être naïvement considérées comme pures et directes, l'essence du Zen, mais si l'on y repense dans une perspective historique, on peut voir qu'elles n'ont aucun sens en dehors de la culture dans laquelle elles sont serties, ou plus précisément, de qui dans cette culture les utilise et quand. En 1966, Berger l'a joliment exprimé ainsi: "Pour le dire un peu crument, il est essentiel de continuer à repousser les questions du "Quoi?" abstrait vers le sociologiquement concret "Qui le dit?"[68]


Notes

[53] Cf: The Sacred Canopy, chapitre 4, "Religion and Alienation," pp. 81-101.

[54] Berger, Peter L. et Thomas Luckmann. The Social Construction of Reality, Anchor Books, 1996, pp. 78 - 79.

[55] The Social Construction of Reality, p.116

[56] The Sacred Canopy, p.85.

[57] The Sacred Canopy, p.86.

[58] Cette idée m'a été suggérée par, Mysticism and Kingship in China, Julia Ching, Cambridge University Press, 1997, p. 209.

[59] "Fathering Your Father and Other Literary Privileges in the Platform Sutra," 1998, pp. 24-25.

[60] The Sacred Canopy, pp.85-86.

[61] The Sacred Canopy, pp.100-101.

[62] "Fathering Your Father and Other Literary Privileges in the Platform Sutra," 1998, p.9.

[63] Bell, David , "Power Influence and Authority, An Essay in Political Linguistics," pp.82-83, cité dans Christopher Collins, Authority Figures: Metaphors of Mastery From the Illiad to the Apocalypse, Rowman and Littlefield, 1996, p.5.

[64] The Sacred Canopy, P.22.

[65] Collins, Christopher, Authority Figures, Rowman and Littlefield, 1996, p. 4. Voir aussi chapitre 1, "The Glamour of Authority" (Le Prestige de l'Autorité) pour un regard très intéressant sur le pronom personnel en rapport aux systèmes d'autorité.

[66] Suzuki, D. T., Introduction, Zen in the Art of Archery (Le Zen et l'Art du Tir à l'Arc), Eugen Herrigel, Random House, 1983, p.VII.

[67] Zen At War, pp.166-174.

[68] The Social Construction of Reality, p. 116.


Résumé

 

Dans cet article, nous avons considéré la façon dont le Chan/Zen a été présenté à l'Amérique d'une manière très idéalisée. En particulier, nous avons vu comment les expressions de transmission du Dharma, de lignage Zen, de Maître/Roshi sont entrelacés de façon à former un réseau sans couture qui, avec l'adjonction des kôans et d'un comportement ritualisé, élève faussement l'enseignant Zen, peu importe le titre qu'on lui donne, à un statut qui est, de façon paradoxale, humain, mais en même temps au-delà de l'humain. J'ai montré qu'il n'est pas nécessaire qu'un enseignant donné prétende avoir obtenu l'Eveil, ou un niveau quelconque d'élévation spirituelle, car les institutions Zen répètent cette prétention, sous une forme ou sous une autre, pour la personne qui s'est assise à la place du maître Zen. Nous avons vu que ces expressions définissantes, ainsi que la plupart des éléments de l'auto-définition du Zen, ont été acceptées sans esprit critique en Amérique et en Occident de façon générale. De plus, comme on décourage les élèves de se servir de tout cadre de référence théorique non-Zen pour soumettre les institutions Zen à l'examen critique, un membre qui tente cet examen critique est rejeté dans la terminologie Zen, qui ne fait que renforcer l'autorité du maître. Dans cet article, j'ai proposé un cadre de référence théorique pour examiner les institutions Zen, c'est-à-dire celui du sociologue américain Peter L. Berger. Il doit bien y en avoir d'autres et j'espère que les étudiants du Zen les chercheront.

Le Zen prétend s'occuper de l'absolu, de l'Esprit vrai, de voir sa propre nature originelle. Et pourtant, la définition de soi des écoles Zen et leurs structures institutionnelles sont essentiellement fondées sur l'idéalisme, la fausseté et la tromperie au service de certains intérêts institutionnels et de ceux qui jouent des rôles légitimés par les institutions Zen. Mais on pourrait demander :"A quel prix?" Les Maîtres eux-mêmes paient un prix exorbitant. Elevés par la rhétorique du Zen et par l'intériorisation de cette même rhétorique par les étudiants, jusqu'à une position qui surpasse très largement leur propre réalisation, ils se retrouvent forcés de jouer un rôle plutôt qu'une fonction, au contraire des humains normaux qui occupent des positions d'enseignants. Ceci situe le Maitre dans la position peu enviable soit de vivre un mensonge, soit de renier, ou au mieux d'éviter de se compromettre avec la rhétorique de cette institution-même qui légitime son rôle. Il s'agit d'une situation intenable. Trop souvent, l'enseignant choisit d'intérioriser le rôle social, en opposant un aspect de la conscience au reste, au lieu de remettre en question ce qui légitime et donne le pouvoir, c-à-d. la terminologie et la rhétorique Zen. En même temps que l'intériorisation entraîne une auto-obtectification, l'enseignant s'identifie en tant que Maître ou Roshi, un rappel d'image de soi qui se fonde sur une convention idéalisée, c'est-à-dire la transmission d'esprit à esprit qui remonte à un Bouddha historique à demi mythologique, ce qui est une convention qui n'a aucun rapport avec la propre vie de cet enseignant. Cet auto-tromperie du Maître conduit à son aliénation, ce qui est le processus par lequel la relation dialectique entre le monde et l'individu est perdue. [69] Ce qui le conduit souvent à considérer les élèves comme des objets à utiliser, en tant qu'êtres inférieurs qui méritent le dédain ou le mépris.

 

Les élèves aussi paient un prix. Pour dire le moins, toute sorte de pensée critique étant découragée, les facultés critiques de chaque élève se retrouvent dévaluées de sorte qu'un aspect important de ce que cela signifie que d'être humain est annullé. D'être coupés de la pensée critique place aussi l'élève dans la position de ne considérer le monde du Zen qu'à travers la lorgnette de ce dernier. Sont inhérents à cette façon de voir de très forts éléments de hiérarchie et d'autorité qui sont en fait très largement immérités pour les raisons que je viens de mentionner. Ceci a permis, à des degrés divers, toutes sortes d'excès, et à la folie de passer inaperçue, ou comprise de façons qui préservent à tout prix l'institution, ses idéalisations et sa hiérarchie.

Un autre aspect de l'instauration d'une hiérarchie irréelle, se situe dans la retour de pouvoir nécessairement inverse, c'est-à-dire le dénigrement ou la minoration de l'étudiant autant par le professeur que par l'élève lui/elle-même. On peut voir ceci dans le manque à remettre l'enseignant en question, ce qui, si ça se produit, est rejeté autant par l'enseignant que par les autres élèves, en tant que comportement égocentrique, surtout si ces derniers sont correctement socialisés dans la rhétorique Zen ou dans l'adoration presque sectaire de l'enseignant qu'on retrouve communément dans les centres Zen. Une phrase trop souvent entendue dans ces centres, c'est "roshi dit..." ou "sensei dit (ou disait...)". Il s'agit le plus souvent d'une réponse à une question, à un désaccord ou à quelqu'un qui résiste à un ordre ou qui remet en cause l'un quelconque des aspects du fonctionnement du Centre. La nette implication de ce "roshi dit", c'est que quoi que ce soit que dise le roshi est indiscutable, tout simplement parce que le roshi l'a dit, et parce que les roshis n'ont, par définition, jamais tort. L'esprit se referme à mesure qu'il intériorise la rhétorique Zen et qu'il élève et idéalise l'enseignant. On ne questionne plus les assertions ou les situations problématiques, de crainte d'être déplacé dans une remise en question de la figure l'autorité, de peur de se faire rétrograder ou de perdre ses privilèges dans l'organisation ou de crainte que tout l'édifice s'écroule; une construction de laquelle on a fini par dépendre pour donner un sens à sa vie et au monde, ce qui est la position la plus terrifiante de toutes.

Ce sont des raisons socio-historiques qui ont amené le Chan/Zen à construire une mythologie et une rhétorique fondées sur l'idéalisation et de fausses prétentions. Il importe d'opérer une réévalutaion, si on veut que le Zen s'adapte à la culture moderne, une culture fondée sur des idées libérales et démocratiques à l'opposé des longues traditions de hiérarchie, d'obéissance et d'autoritarisme des cultures extrême-orientales d'où proviennent les institutions et les usages du Zen. Comment pouvons-nous considérer le Zen d'une façon qui soit plus conforme à notre culture moderne, une culture ouverte à l'investigation critique, avec une conception de l'individu et de ses chefs qui soit enracinée dans notre propre cadre culturel et son sens de l'individualisme, de la liberlé et de l'ouverture, tout autant que ses dilemmes et ses craintes, au lieu de tenter de fonctionner à l'intérieur d'idéalisations institutionnelles rigies et de vieux mythes qui correspondent à des cultures d'Extrême Orient? Comment situons-nous carrément dans le domaine des humains un Zen qui s'occupe des problèmes humains d'humains en chair et en os, et non pas de découpes en carton de projections de rôles fantasmatiques? Pouvons-nous y arriver et quand même garder le respect pour les institutions Zen du passé qui ont maintenu la tradition en vie? Pouvons-nous trouver des formes d'organisation et de langage qui résonne avec des gens modernes, qui vont droit à leurs préoccupations et leurs craintes et peuvent instiller la vie de signification et de sens?

Peut-être nous faudrait-il regarder du côté de l'ancienne idée bouddhiste du kalyana-mitra, c'est-à-dire l'idée de l'ami spirituel. Dans cette conception, le kalyana-mitra n'est pas idéalisé ni élevé à une position au-delà de l'humain et de la fragilité humaine, mais est simplement concu comme ayant plus d'intuition, plus d'expérience, plus de savoir, comme faisant preuve de patience et de capacité à écouter, les mérites de l'instruction couplés avec une bonne connaissance de la méditation et un entendement plus profond, et qu'un collègue de pratique peut consulter pour le guider, le conseiller, et l'aider, comme un mentor. On est un kalyana-mitra en se mettant en relation avec quelqu'un d'autre ou d'autres. Il s'agit d'une relation entre amis qui ont un intérêt commun, bien qu'une personne puisse avoir plus de connaissance et d'expérience que les autres. La relation est de la responsabilité des deux amis et les deux y apportent quelque chose.

Cependant, dans le Zen, les élèves ne sont pas amenés à comprendre leur responsabilité ni à poser des jugements ou des distinctions. En fait, dans le Zen, nous avons vu que l'on dit à l'élève qu'il/elle ne peut pas comprendre l'enseignant, parce que ce dernier fonctionne à partir d'un endroit qui est au-delà de sa compréhension. le kalyana-mitra fonctionnerait dans le contexte d'un compagnon de route plus expérimenté, un compagnon sur la Voie sans l'extrême hiérarchie et "altérité" inhérentes à la conception idéalisée proférée par les institutions Zen. L'ami spirituel ne fonctionnerait pas comme un exemple de bouddhéité, mais au contraire pour montrer les qualités qui nous manquent et en tant que rappel de nos propres ressources.

Une autre région qu'il nous faudrait examiner, que j'ai mentionnée auparavant, est celle d'un accent sur l'allégeance à la communauté des pratiquants, des compagnons de recherche, plutôt que sur la dépendance et la loyauté presque complètes à un enseignant donné et à une institution. Robert Buswell a fait valoir que les moines Zen coréens, en ne maintenant aucune allégeance à un maître spécifique, à une pensée bouddhiste et à une pratique données restent séparés de la personne du maître. On apprend de nombreux enseignants, mais on ne prend pas la version du Dharma d'une personne en particulier comme la version définitive [70] Au moins en théorie, ceci est bien plus démocratique, et maintiendrait un sentiment d'indépendance qui permettrait un flot de dialogues et d'idées plus dynamique.

Finalement, je crois qu'il est nécessaire de s'ouvrir à un examen critique de ce que nous appellons le Zen. A ce niveau, les travaux des chercheurs peuvent servir d'atout inestimable à la communauté Zen américaine - la connaissance qu'ont les chercheurs des précédents et développements historiques est au moins aussi inestimable que leur capacité à traduire les textes. C'est grâce à leur travaux que nous pouvons commencer d'examiner la formation et le développement de la tradition Zen, en les considérant au moins partiellement à partir du contexte des cultures dans lesquelles il s'est formé et développé, mais aussi à partir du point de vue de notre propre culture, de nos propres préoccupations et conceptualisations. Les chercheurs peuvent aussi nous servir de vérificateurs pour les hagiographies qu'on écrit de nos jours sur des Maîtres récemment décédés tout autant qu'encore vivants. Ces hagiographies, tout comme par le passé, ont pour but de rehausser le prestige et l'autorité des Maîtres/roshis vivants de nos jours. Malheureusement, pour le moment, les chercheurs sont surtout considérés comme une menace par la communauté Zen américaine. On peut espérer que cela changera dans un avenir proche.

 

Fin

 

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