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La moto et la pratique du Zen

 

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Cette page a été mise à jour le 1 avril 2002

 

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Impermanence (re!)

Nouvelle étape dans le cycle de l'impermanence: le printemps, première étape du cycle annuel. Printemps, été, automne, hiver, et ça recommence, toujours pareil, jamais pareil. Toujours le même fleuve et jamais le même.

J'ai enfin une photo récente à vous proposer. Elle date de samedi 23 mars [2002]. Cette moto, je l'[avais] depuis 20 ans. La moto occupe une grande place dans mon cheminement bouddhiste. Car bien avant que je n'achète cet engin, le livre de Robert M Pirsig, Le Zen et l'Art de l'Entretien de la Motocyclette avait été déterminant pour infléchir ma vie dans cette direction, comme je le mentionne ci-après. Le paradoxe étant ici que la moto (celle-ci) est venue APRES le Zen...

Piloter une moto est en soi un exercice propice au Zen. Evidemment, on peut rouler en moto comme n'importe quel imbécile grisé par le vent et la vitesse et le danger. Ça m'est même arrivé. Mais, en moto, si on tient à rouler longtemps, et avec tous ses morceaux, il vaut mieux faire attention aux trois poisons. L'ignorance, parce qu'elle entraîne de nombreux désagréments, qui vont de la simple panne à l'accident plus ou moins grave. La haine parce qu'elle entraîne la colère, d'où perte de sang-froid et donc de contrôle, ce qui nous ramène à l'accident. Et elle a souvent lieu de surgir, parce que les comportements imbéciles sur la route, surtout d'automobilistes, mais aussi d'autres motards, sont trop fréquents. Et l' avidité (comment je vais la caser, celle-là?) parce qu'elle se traduit en désir de "toujours plus", dans le cas qui nous occupe, la vitesse. On se laisse vite griser par la vitesse et on en oublie volontiers qu'elle a besoin d'être dosée.

Enfin, concentration et attention, esprit vide de tout parasitage intérieur, sont impératifs sur la route. Il faut assurer sa posture sur l'engin, être actif dans une posture assise, poser le regard, car on va là où on regarde, et ne penser à rien, ne même pas penser à la conduite de façon discursive (du genre "là, je vais faire ceci ou cela), mais ne faire qu'un avec la moto et la route, de sorte que la réaction nécessaire soit presqu'un automatisme. Mais pour ça, il vaut mieux avoir travaillé sur l'ignorance.D'ailleurs, pour illustrer ce point, autant raconter une anecdote personnelle.

J'ai commencé à pîloter cette moto avec un permis québécois. Autant dire, sans savoir grand-chose sur les particularités de la moto. Une bisbille entre les gouvernements français et québécois m'a obligé à repasser le permis moto en France. Fort heureusement, je l'ai passé avec une structure FFMC, une AFDM où on ne se limite pas à te "faire passer le permis". On y insistait beaucoup sur une particularité physique de la moto, qui est qu'au-delà d'une certaine vitesse, les règles de la conduite s'inversent. Pour tourner à droite, on ne tourne plus le guidon vers la droite, mais au contraire, vers la gauche. Et vice-versa.

Or, chaque fois que le moniteur me répétait de "pousser à droite" (ou à gauche), j'avais beaucoup de mal à simplement comprendre ce que ça voulait dire. Puis, je me suis rappelé d'un incident. J'arrivais une peu vite dans une courbe à droite, sans visibilité, et je me suis aperçu que je déportais sur ma gauche. J'ai tenté de tourner le guidon vers la droite et je me suis déporté encore plus à gauche. Heureusement, il n'y avait personne en face. Alors, en passant par-dessus mes réticences, j'ai commencé à accepter ces instructions du moniteur, et à appuyer sur le guidon du côté où je voulais tourner, et ça a marché.

Souvent, en discutant avec des gens, je mentionne exprès ce problème du contre-braquage (c'est le terme technique), et je constate trop souvent une incompréhension fondamentale. En effet, n'importe qui peut constater qu'à basse vitesse, que ce soit en vélo ou en moto, pour tourner à droite, on tourne le guidon vers la droite, et pour tourner à gauche, on tourner le guidon vers la gauche. La difficulté vient du changement de niveau. Passé une certaine vitesse (et cela vaut aussi pour un vélo) le comportement change, et tourner le guidon dans une direction équivaut à faire pencher la moto de l'autre côté. Or -- et cela reste valable peu importe la vitesse-- en courbe, le deux-roues penche du côté où il tourne. Ergo, si on tente de tourner le guidon à droite, on ira à gauche.

Les pilotes d'avion ont eu le même problème dans les années 1950. Toutes les tentatives de dépasser la vitesse du son se terminaient en catastrophe, et beaucoup de pilotes d'essai y laissèrent la vie. Jusqu'à ce jour où un de ces pilotes, une fois passé le mur du son, sentant son avion vibrer, et se mettre à se comporter de façon aberrante, eut l'idée d'agir lui aussi de manière aberrante ; et il inversa ses commandes, faisant comme pour descendre afin de monter, et ainsi de suite. C'est ainsi qu'il fut le premier à ramener son avion au sol, en un seul morceau.

Deux leçons à tirer de ces choses: quand on change de niveau, il faut changer de réflexes. La difficulté est de se rendre compte qu'on a changé de niveau, voire même d' admettre qu'on a changé de niveau. L'autre, c'est qu'on peut bien entendre quelque chose au niveau de l'intellect, mais que ça ne rentre bien que par la pratique.

Mxl


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