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Cette page a été mise à jour le 1 février 2005

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Les enseignements de Gudo Wafu Nishijima Rôshi

Théorie des quatre vues
ou trois philosophies et une réalité

Une collection de conférences de maître Gudô Nishijima

©Windbell Publications

L'Esprit dans le Bouddhisme

Les bouddhistes croient en l'Univers. L'Univers est, selon les philosophes qui se fondent sur l'idéalisme, un lieu de l'esprit. D'autres philosophes qui se fondent sur le matérialisme, disent que l'Univers est composé de la matière que nous voyons devant nos yeux. La philosophie bouddhiste part d'un point de vue qui n'est ni idéaliste ni matérialiste: les bouddhistes ne croient pas que l'Univers ne soit constitué que de matière. Ils croient qu'il y a autre chose. Mais il y a là une difficulté: si nous utilisons un concept tel que celui de l'âme pour décrire cet autre chose que la matière, les gens ont tendance à interpréter le Bouddhisme comme une forme de religion spiritualiste, et donc à croire que les bouddhistes doivent donc croire en l'existence réelle de l'âme. C'est ainsi qu'il devient très important de comprendre le concept bouddhiste de l'âme.

Je fais attention de faire référence à l'âme en tant que concept, parce qu'en fait, le Bouddhisme ne croit pas en l'existence réelle de l'âme. Alors, quel est donc cette autre chose que la matière qui existe en cet univers? Si nous pensons qu'il y a un quelque chose qui existe réellement en dehors de la matière, notre compréhension sera incorrecte; rien de physique n'existe en dehors de la matière.

Les bouddhistes croient en l'existence de l'Univers. Certains expliquent ce dernier comme étant basé sur la matière. Mais il existe aussi quelque chose que nous appelons 'valeur' ou 'sens'. Un univers qui ne consisterait que de matière ne laisserait pas de place à la valeur ou au sens dans les civilisations et les cultures. La matière seule n'a pas de valeur. Nous pouvons bien dire que l'univers est construit de matière, mais il nous faut dire aussi que la matière fonctionne pour un but quelconque.

De la sorte, en comprenant l'Univers, nous devrions reconnaître l'existence d'autre chose que la matière. Nous pouvons appeler cela l'âme, mais si nous le faisons, il faut que nous nous rappelions que pour le Bouddhisme, le mot 'âme' est une expression figurative pour 'valeur' ou 'sens'. Nous ne disons pas que l'âme existe en réalité; nous en utilisons le concept de façon figurative.

Y a-t-il des questions?

&emdash;Valeur et sens sont-ils pareils?

Oui, je m'en sers pour exprimer presque la même chose. Esprit est utilisé en tant qu'expression figurative pour le sens ou la valeur. Les philosophies idéalistes croient en l'existence d'un âme. La philosophie bouddhiste examine l'univers à partir de deux côtés: le côté idéaliste et le côté matérialiste. Ainsi, les deux concepts d'âme et de matière sont des concepts utiles pour explique l'Univers à partir de ces deux points de vue. Le mot 'âme' sert à signifier la valeur ou le sens.

&emdash;Comment l'âme se manifeste-t-il dans le Bouddhisme?

La réponse directe, c'est que le Bouddhisme ne croit pas en son existence. L'Univers est généralement considéré comme étant composé de matière. Mais il ne s'agit pas que de matière: il y a aussi la valeur de nos civilisations et cultures qui provient de la matière. La matière est un concept qui explique en quoi consiste l'Univers. Mais les bouddhistes considèrent que l'Univers est en fin de compte ineffable; c'est-à-dire, au-delà de toute description.

&emdash;Que voulez)vous dire par 'valeur de la matière'?

La matière possède une valeur physique ou économique, mais ce n'est pas sa valeur ultime. Celle-ci est la valeur qu'elle possède pour les êtres humains. Pour ces derniers, manger est très important. Mais cela ne peut en aucun cas devenir le but ultime de l'existence; nous ne pouvons vivre afin de manger. Même si nous mangeons tous les jours, nous ne nous contentons pas de manger. Quoique la valeur économique ou physique soit la base de toutes les civilisations et cultures, la matière donne naissance à une autre valeur en plus de sa valeur physique.

&emdash;Suggérez-vous que les humains ne peuvent se satisfaire chaque jour de la valeur physique seulement, qu'il leur faut une sorte de valeur autre?

Un façon assez jolie d'explorer le sens de la valeur, c'est de regarder l'histoire des civilisations. Pendant des milliers d'années, les humains se sont efforcés de construire quelque chose. Il nous est extrêmement difficile de décrire avec clarté ce qu'était ce quelque chose que nous nous sommes efforcés de créer. Mais si nous révisons l'histoire des derniers millénaires, nous pouvons voir que ce quelque chose que nous avons fait peut être appelé 'valeur'.

&emdash;Vous dites que les bouddhistes ne croient pas en un âme qui serait différent de la matière. Mais quelle est la différence entre ce que vous appelez 'quelque chose' et ce que d'autres appellent 'âme'?

Mon 'quelque chose' est inclus dans l'Univers. Si nous considérons l'Univers d'un côté, nous voyons son côté spirituel. Si nous le regardons de l'autre côté, nous trouvons son côté matériel. Il n'est donc pas possible de prouver que l'âme existe réellement pas plus que la matière. Et ceux qui insistent que l'Univers n'est que matière, perdent un côté de l'Univers. Les idéalistes qui disent que l'Univers est âme en font autant. Ces deux idées sont incomplètes. Et en ce sens, elles sont erronées. Dans la philosophie bouddhiste, nous croyons en quelque chose d'autre que la matière; la matière n'est que l'un des aspects de l'Univers. Nous avons un autre aspect sans nom. C'est ça, la situation. On ne peut nier l'existence de cet autre aspect, innommé,

&emdash;Est-ce que la raison pour laquelle nous ne l'appelons pas 'âme' ni la face spirituelle de l'Univers serait parce qu'il s'agit de métaphysique?

C'est parce que l'Univers est une unité. Si nous insistons que l'âme existe de façon séparée de la matière, nous tombons aisément dans une compréhension erronée de l'Univers. C'est pourquoi nous évitons de penser de cette manière. La philosophie bouddhiste dit que l'Univers est en fin de compte ineffable. Evidemment, nous utilisons les concepts de matière et d'âme dans nos explications; mais ce ne sont que des moyens pour expliquer. Ce ne sont pas là la nature ultime de l'Univers. C'est de la pensée bouddhiste fondamentale.

&emdash;Dôgen utilise le mot 'esprit' au sens d'âme, n'est-ce pas? Pensez-vous que 'esprit' soit presque identique avec 'âme'?

Eh bien, 'esprit' est un autre concept qu'on utilise lorsqu'on explique ce que disait Maître Dôgen dans le Shôbôgenzô à l'effet que l'esprit est un oeil avec lequel on peut observer l'Univers. Il utilisait donc ce mot dans ses explications. Mais l'esprit n'existe pas en lui-même en tant qu'entité séparée. Maître Dôgen disait donc: "L'esprit des Bouddhas éternels n'est que clôtures, murs, tuiles et galets." C'est là un concept très important, et les mots eux-mêmes sont très bien connus. Il n'affirmait pas que l'esprit existait en lui-même. L'esprit n'existe que lorsqu'on le confronte au monde extérieur. L'esprit et le monde extérieur ne peuvent exister en tant qu'entités séparées. C'est là la position fondamentale de la philosophie bouddhiste. C'est ainsi que nous pouvons trouver le mot "esprit" dans le Shôbôgenzô, en tant que concept explicatif.

&emdash;Fondamentalement, le Bouddhisme croit en l'unité du corps et de l'esprit. Lorsque notre corps meurt, nous ne pouvons trouver de trace de l'esprit. Cette idée est très différente des idées brahmaniques qui florissaient en Inde avant le Bouddha Gautama. Nombreux sont ceux pour qui il est difficile de distinguer entre Brahmanisme et Bouddhisme. Il y a tant de choses dans l'Univers que nous ne pouvons pas comprendre à ce moment. Mais nous comprendrons un jour si nous pouvons changer notre façon de penser. C'est à mes yeux le problème fondamental...

Je suis d'accord. Nous avons tous nos propres croyances et nos propres religions. Mais les idées religieuses ne pourront jamais être absolues, parce que nos idées progressent et changent au cours des millénaires. Mais nous pouvons croire en une vérité &emdash; nous pouvons croire en notre propre vérité.

&emdash;Mais n'est-il pas possible que les idées dans le Bouddhisme changeront aussi? A mesure qu'une religion vieillit, elle doit changer...

Bien, je pense qu'il y a trois sortes de croyances religieuses: spirituelles, matérielles et en fin de compte, bouddhistes. C'est là ce que je crois. Je crois en cette idée et c'est pourquoi je donne des cours de philosophie bouddhiste. Chacun est libre de croire en sa propre religion. En même temps, pourtant, nous pouvons trouver dans l'histoire un courant d'évolution dans le développement religieux. Dans l'Antiquité et au Moyen-Age, les gens croyaient dans des religions spirituelles. Dans les temps modernes, nous en sommes venus à croire en des religions matérialistes et en la science. Mais au milieu du XIX° siècle, l'histoire des religions est entrée dans une phase nouvelle. Je crois que nous cherchons maintenant un troisième type de religion, qui ne soit ni idéaliste ni matérialiste, une religion de la voie médiane; une religion de la réalité elle-même.

Nous sommes libres de choisir entre ces trois sortes la religion en laquelle nous voulons croire. J'ai choisi le Bouddhisme. Je n'ai aucun moyen de prouver sa vérité absolue, mais je crois que c'est là la vérité ultime. C'est pourquoi je vous expose mes croyances. La situation repose sur votre croyance. Et le problème de la croyance est au-delà du but de cette discussion: je crois ceci, vous croyez cela, une autre personne croit autre chose. C'est comme ça. Si vous dites ne pas pouvoir croire mes idées, je ne peux pas vous y forcer. Vous avez droit à votre propre opinion. Les croyances religieuses sont liées par ces facteurs. Mais j'ai foi en les idées de Maître Dôgen.

&emdash;Mais cela, c'était il y a sept siècles! Ça fait un bail!...

Oui. Mais pensez à la lumière que nous voyons qui vient des étoiles; la lumière elle-même est partie de l'étoile il y a des millions d'années. En comparaison à cette échelle de temps, la différence de temps entre Maître Dôgen et nous est bien faible.

&emdash;Oui, mais parfois, la lumière que nous voyons vient d'une étoile qui n'existe plus...

Le temps est effectivement très relatif. Mais les idées de Maître Dôgen sont très modernes. Lorsque j'ai u le Shôbôgenzô pour la première fois, j'étais encore un gamin. J'ai été stupéfié de découvrir qu'il contenait des idées presque trop modernes. Quand j'en ai eu lu davantage, j'ai commencé à croire en ses idées. Et j'étudie ces idées en continu depuis plus de quarante ans, maintenant. Et je n'ai désormais plus le moindre doute sur ses idées. C'est pourquoi je crois que la vérité peut surmonter les différences dans le temps. la vérité mérite d'être étudiée.

&emdash;Si nous croyons en l'Ineffable, pouvez-vous expliquer pourquoi il est nécessaire d'étudier les visages intellectuel et matériel de la réalité?

Au cours de l'histoire de la philosophie, deux systèmes de pensée ont émergé: l'idéalisme et le matérialisme. Les idéalistes fondent leur pensée sur l'existence de l'âme et les matérialistes fondent la leur sur la matière. Pour expliquer le troisième système de pensée qu'utilise le Bouddhisme, nous pouvons nous servir de ces deux systèmes existants. Nous étudions ainsi ces deux faces de la réalité.

&emdash;S'agit-il d'un processus qui doit continuer? Par exemple, si quelqu'un croit dans le Bouddhisme, il/elle lit les paroles du Bouddhisme, et décide qu'il/elle deviendra bouddhiste. Sera-t-il alors nécessaire qu'il/elle étudie les aspects spirituel et matériel de l'Univers?

Oui. C'est une méthode d'explication. Il n'est pas essentiel de pouvoir expliquer, mais les deux systèmes philosophiques nous permettent de comprendre et d'expliquer la théorie bouddhiste. Nous nous servons donc des deux systèmes en tant que phases dans notre Théorie des Quatre Vues.

&emdash;Maître Dôgen a-t-il écrit le Shôbôgenzô afin de convertir les gens au Bouddhisme, ou pour les bouddhistes qui croient déjà en l'Ineffable? Prêchait-il aux bouddhistes ou pour convertir les gens au Bouddhisme?

Maître Dôgen disait que le Bouddhisme est la foi en l'Univers et que l'Univers ou Dharma inclut tout. Le Bouddhisme embrasse donc tout l'Univers. Maître Dôgen croyait ainsi que personne ne peut nier la vérité de la philosophie bouddhiste. C'était là sa croyance. Il ne s'est pas efforcé de convertir d'autres gens au Bouddhisme. Il croyait que, comme le Bouddhisme est croyance en l'Univers, croyance en tout, il est donc naturel que nous croyions au Bouddhisme, pour croire en la réalité. C'est comme ça.

&emdash;Quand j'ai commencé à étudier le Bouddhisme, j'ai lu un livre de Shunryu Suzuki, un bonze Sôtô. Il avait l'air de dire que la chose importante c'est seulement de pratiquer Zazen, et que d'étudier l'idéalisme et le matérialisme n'était pas important. Lorsque je vous ai dit cela, vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord avec lui. Je ne comprends toujours pas pourquoi.

La raison pour laquelle nous nous laissons aller à des pensées idéalistes et matérialistes sur le monde, c'est que les humains aiment penser. Pendant des milliers d'années nous avons fait de grands efforts pour arriver à la vérité au moyen de la pensée intellectuelle. C'est là un fait. L'histoire de l'humanité a produit de nombreux systèmes philosophiques. Lorsque nous considérons un problème, nous avons tendance à y penser. Le meilleur moyen est donc de faire usage de notre tendance à penser en étudiant le Bouddhisme. L'usage des idées philosophiques n'est qu'un moyen.

&emdash;Ce n'est donc pas nécessaire?

Non, ce n'est pas nécessaire, c'est vrai. Si nous pratiquons Zazen tous les jours, nous n'avons pas besoin de philosophies, ni de théories. Lorsque nous atteignons la vérité, nous pouvons découvrir comment vivre. Nous pouvons alors trouver le but de notre propre vie et faire nos efforts pour atteindre ce but. Trouver la base essentielle de notre vie est donc la tâche la plus importante que nous ayons. C'est pour ça que je vous invite instamment à pratiquer Zazen et à atteindre la vérité.

&emdash;Mais je pense que nous tendons à penser au problème d'abord, avant de découvrir que Zazen peut nous aider...

Bien , j'expliquerai la situation de cette façon: la pensée, les sentiments, et la pratique de Zazen existent tous au sein de l'Univers. Et lorsque nous pratiquons Zazen, nous faisons l'expérience de l'Univers de l'intérieur. En comparaison, la pensée intellectuelle regarde l'Univers de l'extérieur, comme si elle en était distanciée. Et sentir, c'est percevoir ou recevoir des stimuli du monde qui nous est extérieur. Ce qui fait que nous avons ces trois modes ou attitudes dans lesquels nous faisons l'expérience de ce que nous appellerons l'Univers. Mais il est en fait impossible de dire que l'âme existe ici; il est même impossible de dire que je suis ici avec quelque certitude absolue que ce soit. Quelque chose existe, et les gens disent donc que c'est mon âme ou que c'est moi. Mais ce ne sont que des façons d'expliquer l'existence de ... quelque chose. Nous ne pourrons jamais prouver que ces idées soient vraies ou fausses. C'est ça la situation réelle. Afin de découvrir ce fait, nous pratiquons Zazen. Pendant Zazen, nous sommes incapables de trouver l'âme ou le corps. Nous ne faisons qu'être assis &emdash; ou plutôt, il y a quelque chose qui est juste assis. Dans le Bouddhisme, les situations de ce type sont appelées ineffables. Nous disons donc que ce quelque chose est l'Ineffable. Nous pouvons dire que de pratiquer Zazen, c'est rechercher l'Ineffable. C'est très certainement un état de choses très étrange, mais c'est là la véritable situation de nos vies.

&emdash;Dans le Bouddhisme, il n'y a pas de soi, il n'y a donc évidemment pas d'âme. Mais vous dites que l'Univers inclut quelque chose qui n'est pas matière. Au moment de la mort, ce quelque chose cesse-t-il aussi d'exister?

Non, je pense qu'après ma mort l'Univers continuera d'exister. Je ne crois pas qu'après ma mort, l'Univers cessera.

&emdash;Qu'en est-il de la vie avant la naissance?

Le Bouddhisme affirme la situation au moment présent. Selon la philosophie bouddhiste, il est impossible de découvrir les origines du monde. C'est là l'attitude fondamentale du Bouddhisme. C'est pourquoi, lorsque le Bouddha Gautama s'est fait demander par ses disciples s'il y avait un début à ce monde, il n'a pas répondu. Il s'est contenté de sourire. C'était là son attitude, parce qu'il savait que de tels problèmes sont au-delà des capacités intellectuelles des humains. Le philosophe allemand Emmanuel Kant a aussi confirmé ce fait. Il en a conclu que de telles questions métaphysiques sont au-delà de l'intellect. Le Bouddha Gautama le savait et c'est pourquoi il ne répondit pas à ces questions. C'est là une attitude très intéressante.

&emdash;Pensez-vous que Maître Dôgen était aussi très intellectuel?

Oui, il l'était. Mais en même temps, il reconnaissait l'existence d'un autre monde que celui de l'intellect. Nos contemporains sont très intelligents. Ils croient généralement qu'ils vivent dans le monde dans lequel ils existent dans leur idée. Mais le Bouddhisme suggère qu'un autre monde existe en plus du monde de nos pensées. C'est là un point très important. Maître Dôgen était donc très intelligent, très intellectuel. Mais il avait trouvé un autre monde. Je suppose qu'il se pourrait que c'est parce qu'il était aussi intellectuel qu'il fallait qu'il trouve un autre monde pour survivre. De la même manière, l'homme moderne est très intellectuel. Il a donc besoin de trouver l'existence d'un monde en plus de celui de l'intellect. C'est, je crois, la situation dans le monde d'aujourd'hui.

&emdash;Si on ne pratique pas Zazen, il nous est très difficile de trouver un standard, n'est-ce pas?

Oui, Zazen nous enseigne tous. C'est là la situation. Nous comprenons donc que la théorie bouddhiste n'est pas la chose la plus importante: goûter le Bouddhisme est ce qui est le plus important. Aimeriez-vous avoir un zafu?

&emdash;Il y a différentes sortes de gens; certains sont calmes et d'autres sont nerveux. Suggérez-vous différentes choses; par exemple, différents temps de pratique pour ces personnes différentes?

Ce qui est malheureux, c'est que seuls ceux qui croient au Bouddhisme pratiquent Zazen. C'est la situation réelle. Je vous exhorte à pratiquer Zazen, mais vous êtes libres de décider si vous le ferez ou pas. Je vous recommande sincèrement de le faire.

Merci .


L'Esprit dans le Bouddhisme II

Lors de ma dernière conférence, j'ai expliqué l'idée bouddhiste d'âme. Il me semble qu'il y a quelque ambiguïté dans mon explication, c'est pourquoi je voudrais expliquer le concept cette fois encore. Je crois que ambiguïté surgit de deux points; l'une, c'est que j'ai dit que les bouddhistes ne croient pas en l'existence de l'âme lui-même, mais en même temps, j'ai fréquemment utilisé le mot. Le second, c'est que je n'ai pas fait usage du système bouddhiste des quatre philosophies dans mon explication. Je pense qu'il est impossible d'exposer pleinement la théorie bouddhiste, sans se servir de la logique des quatre philosophies. Je voudrais donc aujourd'hui expliquer le problème du concept d'âme en utilisant les quatre philosophies.

Du point de vue idéaliste, les gens croient que l'âme existe réellement. C'est là la base des philosophies idéalistes. Les idéalistes tendent aussi à croire que l'esprit existe en tant qu'entité autonome. On peut dire que le concept d'esprit forme le centre des philosophies idéalistes. dans le Bouddhisme, le concept d'esprit est utilisé dans les explications sans que cela entraîne une croyance en son existence autonome. On utilise ces concept purement en tant que moyen d'expliquer les problèmes philosophiques de ce monde. Les gens qui croient en l'existence d'une âme ne sont pas bouddhistes. Au premier stade de la logique des quatre philosophies, l'approche idéaliste, le Bouddhisme emploie des concepts tels qu'âme et esprit à fins explicatives, mais nie leur existence en tant qu'entité réelle.

Du point de vue matérialiste, les gens croient en l'existence de la matière. Les philosophies matérialistes sont fondées sur la matière. Mais dans le Bouddhisme, la matière est utilisée en tant que concept pour expliquer le monde; les bouddhistes ne croient pas en l'existence de la matière en tant qu'entité séparée et autonome. Les matérialistes expliquent l'esprit en tant que partie du monde physique. Mais ils ne croient pas en l'existence de l'âme. Dans la seconde étape, celle matérialiste de la logique des quatre philosophies, les bouddhistes non plus n'y croient pas.

Du troisième point de vue, nous considérons le problème sur la base de l'action réelle et de l'expérience. Ici, l'action s'explique en tant que contact entre l'esprit et le monde extérieur. L'action ne peut être séparée entre esprit et matière. Lorsque nous agissons, il n'y a pas le temps de considérer si l'action se divise entre esprit et matière ou pas. Il n'y a donc pas de place pour la croyance en l'existence de l'esprit dans cette troisième phase.

Le point de vue ultime transcende toutes les philosophies. Nous vivons dans la réalité, et nous nous fions à la pratique de Zazen pour nous maintenir conscients de ce fait. En pratiquant Zazen, nous faisons l'expérience de cet état dans la réalité elle-même. Et cette expérience de ce qu'est la réalité forme la base des croyances bouddhistes. De sorte que dans la phase ultime, nous croyons en la réalité de l'Univers. Nous ne pourrons jamais prouver que ce dont nous faisons l'expérience EST la réalité; aucun mot ne peut expliquer l'expérience. Notre seule attitude envers l'existence de la réalité, c'est la seule croyance. De ce point de vue ultime, le Bouddhisme est une sorte de métaphysique, une sorte de religion. Etre bouddhiste, c'est croire en cette réalité de l'Univers. Nous croyons en l'existence de la réalité, mais nous ne la divisions pas en deux parties : âme et matière ou esprit et forme. Ainsi, dans la phase ultime, les Bouddhistes ne peuvent croire en l'existence de l'esprit; nous nions son existence.

Y a-t-il des questions?

&emdash;La réalité qui forme la base de notre croyance, cette réalité forme-t-elle la base de notre croyance après que nous en faisions l'expérience en Zazen, ou y a-t-il croyance préalable?

La croyance provient de Zazen, de la réalité telle que ressentie en Zazen. C'est pourquoi la pratique de Zazen est l'origine de la croyance bouddhiste en la réalité.

&emdash;Pouvez-vous expliquer ce qu'on peut retirer de Zazen aux plans psychologique ou spirituel?

Oui. A l'origine, ce qui motive ceux qui se mettent à pratiquer Zazen, c'est souvent un sentiment qu'il n'y a rien de valeur dans leur vie, rien sur quoi on puisse se fier. Ce genre d'état d'esprit dans la vie des gens est l'une des raisons pour lesquelles ils peuvent se mettre à croire au Bouddhisme et à pratiquer Zazen. A partir de là, l'expérience de Zazen elle-même commence à fournir la motivation.

J'utilise généralement la théorie du système nerveux autonome pour expliquer l'action de Zazen sur notre corps et notre esprit. Le système nerveux autonome contient deux sous-systèmes, le système nerveux sympathique le système nerveux parasympathique. Ils sont tous deux construits pour travailler en opposition. Lorsqu'il y a équilibre entre ces deux systèmes, nous nous sentons en paix. C'est là notre état naturel. Mais nous vivons habituellement avec un certain niveau de tension en tant que résultat d'un déséquilibre en faveur du système nerveux sympathique. Lorsque nous travaillons, nous sommes généralement en état de tension. Mais cette tension n'est pas notre état naturel. Si nous voulons vivre naturellement, il nous faut revenir à notre état naturel. La pratique de Zazen accomplit cela; elle permet aux deux systèmes de s'équilibrer, et ainsi nous revenons à notre état naturel. Lorsque nous sommes assis en cet état naturel, nous pouvons ressentir tout l'univers ou toute la réalité avec tout notre corps et tout notre esprit. C'est le sens de Zazen.

&emdash;Est-ce que la réalité qu'une personne perçoit par la pratique de Zazen est la même que celle que perçoit une autre personne?

Oui. Nous pouvons dire de la réalité qu'elle est universelle. Nous pouvons donc appeler l'Univers 'réalité'.

&emdash;Il n'est donc pas relatif à l'esprit humain?

J'utilise parfois le mot esprit pour expliquer notre expérience, mais comme je l'ai dit, je n'aime pas utiliser ce mot parce qu'il suggère que je croirais en l'existence de l'esprit lui-même. En philosophie bouddhiste, ce mot sert à expliquer; certains disent 'âme' dans un sens similaire, mais je crois que le mot esprit vaut mieux dans les discussion de philosophie bouddhiste.

&emdash;Pouvez-vous nous dire quelque chose sur le sens du mot esprit, dans le Bouddhisme?

L'esprit est une sorte de miroir qui reflète le monde extérieur. Dans la troisième phase de la philosophie bouddhiste, la philosophie de l'action, l'esprit est vu comme étant identique au monde extérieur lui-même. Autrement dit, l'esprit et le monde extérieur sont une unité inséparable. Mais dans la première phase de la philosophie bouddhiste, où on considère le problème d'un point de vue subjectif, on utilise le concept d'esprit pour expliquer ce monde d'un côté du sujet. Parfois, l'esprit renvoie à notre conscience, également. C'est le point de vue bouddhiste.

&emdash;Pouvez-vous nous parler de vos expériences en Zazen?

Oh, vous voulez que je vous parle de ce qu'on appelle l'Eveil?

&emdash;Eh bien, pouvez-vous partager votre expérience de Zazen avec nous?

OK, je vais vous dire ce qui arrive dans mon cas lorsque je pratique Zazen. En général, au début, je pense sans être très conscient que c'est ce que je fais. Alors, après quelques minutes, je reconnais que j'étais en train de penser à quelque chose, de ruminer, si vous voulez. Je commence alors à faire des efforts pour cesser de penser. Dans cet état, parfois je pense, et parfois non. Ces deux états inter changent encore et encore. Alors, en général après une trentaine de minutes, j'entre dans un autre état; dans cet état, je n'ai pas besoin de faire d'efforts pour cesser de penser, je suis juste assis. C'est là un état très confortable, paisible et naturel.

Donc, au début, je pense inconsciemment. Ensuite, je me rends compte de ce que je suis en train de penser. Puis, je commence à faire un effort pour cesser de penser. Enfin, j'entre dans un état où je n'ai plus besoin de faire d'effort pour cela. Ce sont là mes quatre états habituels pendant mon Zazen.

&emdash;Lorsque vous pénétrez l'état final, avez-vous un quelconque désir de revenir à l'état d'origine?

L'état ultime est un état très ordinaire. Revenir à l'état naturel est le but de Zazen. L'état dans lequel nous sommes lorsque nous pensons à quelque chose n'est pas toujours notre état naturel. En fait, l'état dans lequel nous agissons est notre état naturel. C'est là la base fondamentale de la philosophie bouddhiste. Nous vénérons l'action elle-même.

Dans notre vie quotidienne, notre action nous sauve; lorsque nous nous tracassons pour quelque chose, notre état n'est pas paisible; lorsque nous recevons des stimuli du monde circonstant, nous ne sommes pas toujours heureux. Mais lorsque nous sommes plongés dans l'action, nous sommes heureux et en paix. C'est un fait fondamental de la vie. C'est pourquoi la philosophie bouddhiste dit que nous devons nous vouer à l'action; c'est la base du Bouddhisme.

&emdash;Comment traduire l'expérience de Zazen dans la vie quotidienne?

Vous voulez dire, comment pouvons-nous entrer dans l'état naturel lorsque nous ne pratiquons pas Zazen?

&emdash;Bien, si on est vraiment consciencieux à pratiquer Zazen, autant à la maison que dans un temple, si nous voulons traduire cette expérience autant que possible dans les moments où nous ne sommes pas en train de pratiquer...

Oui, en pratiquant Zazen, la chose la plus importante, c'est la pratique quotidienne et régulière. Pratiquer Zazen tous les jours, même si c'est peu de temps, est la meilleure façon de rendre réelles les croyances du Bouddhisme. Même lorsque nous sommes très occupés, il faut que nous trouvions une brève période pour pratiquer Zazen. C'est le point de départ fondamental de la vie bouddhiste.

&emdash;Mais lorsqu'on pratique tous les jours, y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire lorsque nous ne sommes pas en train de pratiquer Zazen, afin de...

Laissez-moi illustrer cette situation avec un exemple. Lorsqu'on pratique Zazen en se levant le matin, notre corps et esprit entre dans l'état naturel. Alors nous déjeunons dans l'état naturel. Nous travaillons au bureau dans l'état naturel. Nous étudions et lisons dans l'état naturel. Après avoir pratiqué Zazen, nous pouvons tout faire dans l'état naturel; c'est l'effet de la pratique de Zazen. C'est pourquoi je vous encourage vivement à pratiquer Zazen régulièrement, tous les jours.

&emdash;Vous avez décrit votre propre expérience en Zazen, et avez parlé de réaliser qu'on est en train de penser et de commencer à faire des efforts pour cesser. Je pense que, pour quelqu'un qui est nouveau à Zazen, cet effort a l'air un peu mystérieux. Nous ne savons pas comment faire d'efforts pour cesser de penser. Comment y arrivons-nous?

Avez-vous besoin de faire des efforts pour cesser de penser pendant votre Zazen?

&emdash;Je suppose, mais la technique... nous pensons généralement qu'il doit y avoir une façon de faire pour y arriver. Lorsque vous dites "faire un effort", nous ne comprenons pas exactement de quelle sorte d'effort vous parlez. Comment ne pas penser?

Au cours de Zazen, j'ai généralement quelques images à l'esprit et elles sont une sorte de penser. Donc, lorsque je reconnais que j'ai des images à l'esprit, je fais des efforts pour m'en débarrasser. Avez-vous des images en pratiquant Zazen?

&emdash;Oui j'en ai. Mais ce ne sont pas les images qui posent problème; c'est que parfois nous ne comprenons pas comment nous en défaire. Y a-t-il une méthode particulière pour s'en débarrasser?

Bien, je pense que votre état durant Zazen est très naturel et paisible. Vous avez l'état naturel dès le début de votre pratique.

&emdash;Mais lorsque vous parlez de faire des efforts pour cesser de penser, en général, si je fais des efforts pour cesser de penser, je pense à quelque chose. Je pense à faire un effort, ou mon esprit passe d'une pensée à l'autre. Et en fait, je n'arrête pas de penser du tout. Je suis juste pris dans une sorte différente de pensée.

Bien, en ce cas, je focalise en général ma conscience sur le fait de garder le bas de ma colonne droit et vertical. Je concentre mon esprit sur le fait de garder l'échine droite. Cet effort met fin à mes pensées.

&emdash;Donc, en un sens, ceci est votre méthode, votre technique?

Oui, c'est exact.

&emdash;Je trouve que, si je ne reste pas conscient de la position de mon corps tout le temps, je devient plus tard conscient que mon corps a bougé jusqu'à une mauvaise position. Donc, est-il possible, après des années de pratique, de ne plus avoir à penser à son corps?

Après avoir pratiqué Zazen pendant de nombreuses années, nos muscles se perfectionnent. On n'a donc plus besoin de se concentrer continuellement sur la posture correcte. Mais la plupart du temps, on a besoin de se focaliser la conscience sur le fait de tenir la colonne droite.

&emdash;Au début, fait-on intentionnellement un effort pour ne pas penser? Est-il possible de faire un effort pour ne pas penser en même temps qu'on garde son corps dans la posture correcte?

Je pense que se concentrer sur le fait de garder la colonne droite et verticale est la meilleure façon de se débarrasser de nos pensées. C'est là ma méthode.

&emdash;J'entends souvent recommander qu'on se concentre sur la respiration. Si je me concentre sur mon dos, mon dos se met à me faire mal. Si je me concentre sur ma respiration, le corps devient plus contrôlé.

Oui, certains recommande qu'on se concentre sur sa respiration: observer de près comment on respire. Mais rien dans mon expérience ne me montre que j'ai besoin de régler ma respiration. Celle-ci est heureusement toujours tranquille durant Zazen, de sorte que je n'ai pas besoin de la réguler. Je ne connais pas la base de la théorie selon laquelle il faut régler sa respiration.

&emdash;Certaines personnes recommandent, de la même façon dont vous dites que vous êtes conscient de votre colonne, d'être conscient de sa respiration. Il ne s'agit donc pas de régler sa respiration, mais juste de focaliser son esprit sur la respiration.

Je ne recommande pas la méthode selon laquelle il faut compter ses respirations. C'est une sorte de pensée, et de telles pensées dérangent la pratique de Zazen. Lorsque j'ai besoin d'une respiration profonde durant ma pratique, je prends une respiration profonde. Une ou deux fois suffit.

&emdash;Je ne comprends pas ce qu'est la troisième phase, la philosophie de l'action.

La philosophie de l'action est spécifique au Bouddhisme. On ne peut pas la trouver ailleurs, dans l'histoire de la philosophie. Les philosophies européennes comprennent beaucoup d'idées splendides sur des bases matérialistes et idéalistes, mais pas de philosophie de l'action.

Le Bouddha Gautama a découvert que nous vivons dans la réalité. La réalité n'est pas seulement le côté mental de la vie, mais aussi le côté matériel. Il a donc considéré que de penser le monde sur la base d'un seul côté, qu'il s'agisse du côté idéaliste ou du côté matérialiste, était insuffisant. Il a trouvé un autre point de vue, une autre position philosophique: la philosophie de l'action. L'action est le contact entre l'esprit et le monde extérieur. En se servant des concepts d'esprit et de monde extérieur, nous pouvons expliquer le monde, ou réalité. Mais la réalité n'est pas seulement ce qu'elle semble de l'intérieur, et pas non plus seulement ce qu'elle semble de l'extérieur. Pour expliquer la situation réelle, il nous faut un troisième point de vue, une troisième position philosophique.

Ce troisième point de vue est le secret du Bouddhisme; c'est ce qu'il y a de précieux dans le Bouddhisme. Pour trouver ce troisième point de vue, il nous faut étudier le Bouddhisme. Mais le troisième point de vue n'est pas encore la réalité elle-même; c'est toujours une philosophie. De sorte qu'à le phase finale, ou quatrième, nous avons la réalité elle-même. pas de la théorie, mais des faits. C'est, par exemple, la pratique de Zazen.

&emdash;La troisième phase peut donc s'expliquer, mais pas la quatrième?

Oui. C'est la nature de la réalité elle-même. La réalité est ineffable. Reconnaître l'ineffabilité de la réalité est une sagesse importante dans le Bouddhisme. Les gens pensent en général que tout peut être compris avec le cerveau, mais ce n'est pas vrai. On ne peut jamais expliquer la réalité avec des mots. C'est ça, le fait, et c'est ça la sagesse des enseignements du Bouddha Gautama: reconnaître qu'il y a quelque chose qu'on ne pourra jamais expliquer avec des mots. Comprendre cela, c'est mettre la philosophie dans sa véritable perspective. La philosophie et les faits divergent. Reconnaître cette différence est de grande importance.

&emdash;Lorsque nous luttons avec nos pensées pendant Zazen, lorsque nous nous relaxons, nous avons des pensées différentes, des intuitions différentes de quand nous luttons intensément. Avez-vous différentes intuitions sur les choses que vous avez enseignées hier?

Non. En Zazen, nous n'avons aucune compréhension. Nous faisons l'expérience de la réalité. Nous ressentons quelque chose à travers notre corps/esprit tout entier. Ce n'est pas penser, ce n'est pas percevoir. C'est le stade ultime de Zazen. L'état d'esprit pendant Zazen est difficile à décrire; ce n'est pas de la conscience, et ce n'est pas non plus de l'inconscience. C'est l'état de pure action. On ne peut pas être sûrs si on est conscients ou inconscients. C'est comme ça. Alors, pratiquons donc Zazen encore une fois, maintenant.

Merci beaucoup.


La suite: La matière dans le Bouddhisme


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