Dans le chapitre Ikka-no-myoju (Une perle
brillante) de son ShôbôgenzôKeiteki, maître
Bokuzan donne son interprétation de Une perle brillante: "dans
le cas du Bouddha Gautama, l'univers entier dans les dix
directions peut être interprété comme le Dharma du Véhicule unique, soit toutes les choses et les phénomènes qui sont forme véritable.
C'est ainsi, en somme, qu'il [Gensa] nomme les situations qui sont vues
en un seul coup d'oeil comme le monde du Dharma sans limites, comme
perçant du passé éternel jusqu'au futur éternel, rien au dessus, rien en
dessous, résolvant la différence entre le dedans et le dehors,
manifestant l'unité du monde du Dharma, et mettant un terme aux
discussions de pratique et d'expérience, ou d'illusion et
d'illumination".
Dans ce commentaire, maître Bokuzan affirme clairement l'existence
réelle de ce monde comme Dharma.
(2) Réfutation de la sasvatadrsti et de l'ucchedadrsti
Dans le chapitreBendôwa (Propos
sur le discernement de la Voie) du Shôbôgenzô Keiteki, Bokuzan
affirme queDan autant queJosont des concepts non-bouddhiques.
Danest une
abbréviation de Danken-gedô. Dansignifie
couper, Kensignifier voir,Ge
signifie dehors, etDôest la Voie
bouddhique.Danken-gedôrenvoie donc à
l'idée non-bouddhique qui nie que la continuation du bonheur ou du
malheur soit liée à la conduite morale. Il s'agit de la traduction
chinoise du sanscritucchedadrsti, qui fait
référence aux systèmes philosophiques matérialistes de l'Inde ancienne.
Jo est une abbréviation de Joken-gedô.
Josignifie constant, Kensignifie
la vue, Gedôcomme précédemment.
L'expression renvoie donc à l'idée non-bouddhique qui croit en
l'éternité de l'âme et interprète toutes choses et phénomènes en
fonction de l'esprit. Joken-gedôest la traduction chinoise du sanscritsasvatadrsti, l'ancienne philosophie
indienne qui croyait en l'éternité de ce monde et en celle de l'Esprit.
Maître Bokuzan réfute l'un autant que l'autre dans les passages suivants :
"Les idées
non-bouddhiques se résument aux deux idées deDanet deJo, qui sont ce qui est formellement interdit
dans le Bouddhisme.DanetJo,
sur lesquels les
non-bouddhistes et les gens ordinaires insistent, signifient penser le
grand mécanisme du monde selon leur propre esprit étroit, et comme ils
se servent d'illusions et de considérations, ils utilisent parfoisDan,
et parfoisJo.
Ces idées
s'opposent à la forme véritable du Dharma, sont totalement néfastes et
vont à l'encontre de la nature. Subséquemment, ce qu'ils appellentDanetJon'est pas ce
qu'ils ressentent en synthétisant divers dharmas matériels et mentaux,
mais ce qu'ils pensent au plan intellectuel à propos de ces divers
dharmas matériels et mentaux. C'est ainsi qu'on peut dire de leursDanetJoqu'ils sont
relatifs"
Ceci montre
clairement que, pour maître Bokuzan, le Bouddhisme n'a rien à voir avec
une philosophie idéaliste comme celle de Senika, ou des philosophies
matérialistes comme celles des « Six penseurs
non-bouddhistes » qui vivaient au temps du Bouddha Gautama.
(3) Les quatre couches philosophiques.
Nous avons
examiné les quatre croyances fondamentales de la Mûlamadhyamakâkarikâet les quatre points de vue philosophiques
duShôbôgenzô.
Pouvons-nous
maintenant trouver la même structure en quatre phases dans l'oeuvre de
maître Bokuzan ? Le passage qui suit est tiré du chapitreBussho(La nature de
Bouddha) duShôbôgenzô
Keiteki:
"Les
montagnes sont hautes et l'océan profond ; un homme marche debout
et un rat court sur une poutre. Tout cela est du ressort de
philosophies superficielles. Même le mont Fuji peut être détruit et
même l'océan peut être enseveli si nous le voulons. Ce que nous voyons
devant nous relève tout entier de philosophies séculières et manifeste
une forme superficielle. S'il est un moment quelconque où le ciel et
la terre changent tout entiers, il n'est rien qui puisse être dit
immuable pour l'éternité. Il n'y a ici aucun fait qui puisse être
décrit par : 'le Tathâgata est toujours constant et il n'y a ni
changement ni transformation'. Ce sont toutes des philosophies
superficielles. Les concepts sont donc eux aussi superficiels. Et
c'est pour cela que les gens sont tout le temps en train de réitérer
[leur croyance dans le concept] de « vacuité ». Dans de
telles situations, lorsque nous pensons aux faits et à la forme, même
s'ils ne sont théoriquement que forme vide, ils sont simplement la
véritable existence de toutes choses et phénomènes en forme réelle. De
ce fait, lorsqu'on les considère en théorie, ils sont des formes de la
vacuité, mais lorsqu'on les considère factuellement, ils sont
inévitablement existence réelle. C'est pour cette raison que nous
disons qu'en réalité, l'existence et la non-existence sont toutes deux
des concepts superficiels. Et nous disons donc que ce qui est
différent de la non-existence et de l'existence est la Voie du Milieu.
Cette dernière n'est pourtant rien d'autre qu'un nom. Si on oublie
l'existence/non-existence, il n'y a rien qui s'appelle la Voie du
Milieu. Mais en abandonnant l'attachement à l'existence/non-existence,
nous les considérons tous comme la Voie du Milieu. En vertu de cela,
dans la théorie de Tendai on dit : « aucun des deux n'est la
Voie du Milieu, mais les deux l'illuminent ». Là où nous nions
que celle-ci soit différente de l'existence comme de la non-existence,
la [vraie] existence tout comme la [vraie] non-existence sont
directement la Voie du Milieu. Celle-ci est directement la Nature de
Bouddha".
Ce passage
nous montre que maître Bokuzan accepte l'existence et la non-existence
en tant que concepts, mais les tient pour superficiels, n'étant autres
que des pensées dans nos cerveaux et des résultats de nos perceptions.
Il affirme que la Voie du Milieu est ce qui est réel et différent des
concepts, et il l'identifie avec la nature de Bouddha.Dans le Gyôbutsu-yuigi
(L'attitude digne du Bouddha agissant) du Shôbôgenzô
Keiteki, maître Bokuzan écrit :"'Comme les bouddhas se trouvent dans l'état de vérité de
bouddha, ils ne recherchent pas l'illumination'. Illumination signifie
ici l'illumination équilibrée ou illumination splendide, mais il est
inutile d'attendre l'effet bouddhique d'illumination équilibrée ou
d'illumination splendide. Dire qu'il n'est pas nécessaire de s'attendre
au résultat de l'illumination, est la pensée du Maître à l'effet que les
bouddhas du passé, du présent et du futur sont tout simplement le
Bouddha agissant. 'Maîtrise de l'action dans l'état de vérité ascendant
de Bouddha'... Les bouddhas ne demeurent pas à la place des bouddhas, et
on décrit cette situation comme étant l'état ascendant de Bouddha. Nous
y replacer s'appelle maîtrise de l'action. Maîtriser l'action dans
l'état ascendant de Bouddha, ou entrer directement dans la condition de
Bouddha n'est que rencontrer Bouddha nous-mêmes ici et maintenant, et il
est impossible pour nous [d'y arriver] lorsque nous nous contentons d'en
discuter. Sur quoi devrons-nous nous appuyer ? Nous nous appuyons
sur le Bouddha agissant. Il est donc nécessaire de comprendre ce
dernier; là où nous agissons, il apparaît aussitôt. Quand nous
pratiquons Zazen d'un pouce, nous pouvons devenir bouddha d'un pouce. Le
Bouddha n'a pas de défaut. Vouloir devenir bouddha n'est qu'une
illusion. Au lieu d'y penser, contentons-nous de pratiquer Zazen :
là existe directement le Bouddha."
Ces phrases montrent la maîtrise qu'avait maître Bokuzan de
l'action et de Zazen.
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