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LE MOI DANS LE BOUDDHISME JAPONAIS AU MOYEN-ÂGE:
EN SE CONCENTRANT SUR DÔGEN
par KIYOTAKA KIMURA
Philosophy East and West,
Volume 41, Numéro 3,
Juillet 1991, pp. 327-340
@University of Hawaii Press


Préface

Par le passé, de nombreux chercheurs et penseurs ont cherché à découvrir un quelconque facteur aux racines profondes qui soit commun à tout le Bouddhisme japonais médiéval, en particulier dans le cas des écoles "Néo-bouddhistes de Kamakura". par exemple, Suzuki Daisetsu (1870-1966), qui a apporté une contribution exceptionnelle à la pensée de l'Occident et de l'Orient ---  surtout pour le Zen --- appelait ce facteur commun "la Spiritualité japonaise" et a fourni le commentaire qui suit:

"Lorsqu'avec l'avènement de l'ère de Kamakura le gouvernement et la culture ont perdu leurs conventions spécifiquement aristocratiques et conceptuelles, et ont pris les qualités de la terre, la spiritualité japonaise s'est éveilllée à elle-même.(1)"

Anezaki (Anesaki) Masaharu (1873-1949), d'autre part, qui a été le premier a composer une Histoire de la Religion japonaise du point de vue de la recherche ppositiviste moderne, a défini la caractéristique générale du Bouddhisme de cette période comme "simple piété" ou "exercice spirituel" et en affirmant que ceci s'accordait avec l'esprit de l'époque, il conluait:

La religion bouddhiste de l'ère nouvelle n'en était pas une de cérémonies et de mystères, mais une religion de simple piété ou d'exercice spirituel. Le dogme avait cédé à l'expérience personnelle, le rituel et le sacerdotalisme à la piété et à l'intuition, et ce nouveau type de religion exerçait son influence au-delà des limites de classe, en montrant de nombreux aspects démocratiques. (2)

Qui plus est, selon Watsuji Tetsuro (1889-1960), connu comme l'un des philosophes les plus représentatifs du Japon moderne, l'ère de Kamakura a vu reconsidérer la nature des dieux traditionnels du japon, une reconsidération qui a été amenée par l'influence du Bouddhisme; à cet égard, Watsuji énonçait:

"En même temps que la montée soudaine de la classe guerrière, il s'est produit
dans les fondations du Bouddhisme un nouveau mouvement de foi, et en même
temps que l'établissement du gouvernement militaire, ceci a conduit au développement
d'un nouveau Bouddhisme de Kamakura. Il faut considérer cela comme la plus grande
réussite de cette période. De même qu'une éthique du sacrifice de soi allait se développer
parmi les guerriers, ainsi une éthique de la compassion universelle est venue à être
fortement favorisée par ces derniers.
(3)

En d'autres mots, Watsuji découvrait la caractéristique de base du soi-disant Néo-Bouddhisme de Kamakura dans la "compassion", correspondant au "sacrifice de soi" du guerrier.

Quel est donc le degré de validité de ces interprétations du Bouddhisme médiéval au Japon, tournée comme elles le sont sur le "Néo-Bouddhisme de Kamakura"? Y a-t-il une quelconque possibilité qu'il puisse exister une autre méthode de généralisation qui possède un plus grand degré de probabilité? C'est en sachant cela que nous voulons tenter de jeter un peu de lumière sur un aspect de l'histoire du Bouddhisme japonais au Moyen-Age, en nous tournant vers Dôgen (4) (1200-1253), considéré comme l'une de ses personnages représentatifs les plus importants, et nous allons effectuer une approche introductive à notre problème par de l'étude du concept de "moi", qui a constitué un point majeur de dispute dans le Bouddhisme depuis ses tout premiers débuts.

I. La conception du Moi

Dôgen, qui était né dans une famille noble de haut rang, a pris la tonsure à l'âge de treize ans et d'abord étudié les doctrines de l'école Tendai. Mais terrassé par ses doutes sur le besoin de cultiver la pratique et sur la signification des rituels ésotériques, il a changé d'affiliation pour le Zen, et à l'âge de vingt-quatre ans, a traversé en Chine. Là, il a continué ses études et a fini par devenir le successeur de son maître Ju-ching (1163-1228), après quoi il est retourné au Japon et a fondé l'école japonaise Sôtô. Bien que les bases de sa compréhension du Bouddhisme eussent été posées au Japon, le sien était un Bouddhisme introduit directement de Chine. En ce sens, aussi, il devrait être évident que la question de savoir à quel point sa pensée était "japonaise" est un sujet qui requiert un examen soigneux.

Lorsqu'on évalue la question du "moi" en ce qui concerne Dôgen, le premier point à remarquer, c'est que, pour lui, "apprendre la Voie du Bouddha, c'est apprendre son propre moi". (5) En d'autres mots, Dôgen avait la conviction qu'il n'existe aucun autre Bouddhisme en dehors de l'étude et de la recherche du "moi", et que ceci constituait la totalité du Bouddhisme. Il doit donc être clair que pour Dôgen la question du "moi" était d'une importance considérable.

Cependant, cette conviction de Dôgen est assez différente de l'idée que le moi est déjà en possession de la totalité du Bouddhisme et que donc, "de simplement savoir que le Dharma du Bouddha existe intrinsèquement en soi-même, c'est atteindre la Voie du Bouddha dans sa totalité." (6) En fait, la conception du moi chez Dôgen va directement à l'encontre de cette vue, et il affirme que "si on atteignait la Voie en sachant que le moi est Bouddha, Shakyamuni (le fondateur du Bouddhisme) il y a longtemps, n'aurait pas souffert les difficultés qu'il a rencontrées en guidant les autres vers l'éveil." (7)

Il existe une raison pour la discussion et la critique par Dôgen de l'idée que "le moi est Bouddha", une vue qu'on fait remonter au courant de pensée du Tathâgatagarbha, qui a pris place vers 300 de notre ère en Inde et qui a largement influencé le Bouddhisme d'Asie orientale. C'est que les vues qui mènent à une telle conclusion se retrouvaient d'une part en position centrale dans la pensée Tendai, qui constituait l'essentiel du Bouddhisme japonais de l'époque, (8) et étaient d'autre part aussi, assez prédominantes dans le Zen de Chine que Dôgen avait lui-même étudié, (9) et dans l'esprit de Dôgen, ces idées avilissaient le Bouddhisme et exerçaient une mauvaise influence sur la société.

En ce cas, que veut donc dire Dôgen, lorsqu'il dit que d'apprendre la Voie du Bouddha, c'est s'apprendre soi-même" ? Dans le Genjo Kôan du Shôbôgenzô, cette affirmation est développée comme suit:

"Apprendre le Bouddhisme, c'est nous apprendre nous-mêmes. Nous apprendre
nous-mêmes, c'est nous oublier nous-mêmes. Nous oublier nous-mêmes, c'est
être expérimentés par des myriades de choses et de phénomènes. Etre expérimenté
par des myriades de choses et de phénomènes, c'est laisser tomber nos propres
corps et esprit, ainsi que le corps et l'esprit des autres aussi. "

Cependant, cette explication donne l'impression d'avoir été exprimée en termes trop succints, car il est difficile de comprendre sa pleine valeur telle quelle. En conséquence, nous citerons trois passages supplémentaires qui peuvent être considérés comme reliés en contenu à la citation qui précède. La première provient du Gakudô Yôjinshu:

"Lorsqu'on franchit le portail pour étudier la Voie du Bouddha, on écoute les
enseignements d'un maître érudit et on se cultive en conséquence. On doit
savoir à ce moment les deux enseignements: 1) On ébranle les dharmas et
2) les dharmas ébranlent le moi. Lorsqu'on ébranle bien les dharmas, le moi
est fort et les dharmas sont faibles. Lorsque les dharmas ébranlent le moi, les
dharmas sont forts et le moi est faible. Dans la Voie du Bouddha, il y a toujours
eu ces deux situations. Seuls les authentiques successeurs du Dharma savent cela. (10)

Le second passage provient à nouveau du Genjo Kôan et précède le passage déjà cité plus haut.

Pratiquer et confirmer toutes choses en leur rapportant sa propre existence est illusion:
que toutes choses s'avancent, pratiquent et confirment le moi est éveil. Ceux qui
réalisent totalement l'illusion sont des bouddhas. Ceux qui sont totalement dans
l'illusion à propos de la réalisation sont des gens ordinaires. Il y a encore des gens
qui atteignent une plus grande réalisation en partant de la réalisation. Il y a des gens
qui augmentent leur illusion au milieu de l'illusion. Lorsque les bouddhas sont
vraiment des bouddhas, ils n'ont pas besoin de se reconnaître eux-mêmes en tant
que bouddhas. Néanmoins, ils font l'expérience de l'état de bouddha, et ils continuent
à en faire l'expérience."(11)

Le troisième passage provient du "Keisei sanshoku", également dans le Shôbôgenzô:

Lorsque vous pratiquez correctement, le son de la vallée, la couleur de la vallée,
le son de la montagne, et la couleur de la montagne ne cachent pas leur enseignement
des 84 000 versets (qui expriment la vérité elle-même). Si vous ne mesurez pas votre
corps et votre esprit occupés à rechercher la gloire et la fortune, alors pareillement les
vallées et les montagnes exprimeront tout sans cacher quoi que ce soit. (12)

Si nous considérons le sens de ce que dit Dôgen d' "apprendre son propre moi" à la lumière de ces citations, on remarquera tout d'abord que "d'apprendre son propre moi" est défini comme "oublier son propre moi", ce qui signifie se libérer de toute conscience du moi et de tout jugement discriminant et de communier avec l'incarnation de la vérité qui réside en tout ce qui existe. Si, à ce stage, l'action enracinée dans le moi, incluant toutes formes d'effort, devait toujours prédominer, la vérité ne révèlerait pas sa forme pleine. Mais lorsque le moi cède complètement à la vérité, il est alors confirmé et reconnu par la vérité. c'est ce qui est dit par "confirmé par tous les dharmas", et c'est équivalent de "éveillé" ou "d'effectuer l'abandon de son propre corps et esprit et du corps et de l'esprit des autres". C'est ce qui semblerait être l'essence de la conception de Dôgen.

La même conception est exprimée encore plus fortement sur un ton religieux dans "Shoji", dont on pense qu'il a été composé dans les dernières années de Dôgen; elle y est exprimée comme une reddition du moi au Bouddha.

Lorsque vous abandonnez et oubliez simplement et votre corps et votre esprit et que
vous vous jetez dans la maison du Bouddha, et lorsque le fonctionnement provient
de la direction du Bouddha et que vous êtes en accord avec, alors, sans qu'il soit
besoin de force et sans dépense de pensée, libéré de la naissance et de la mort, vous
devenez Bouddha. (13)

En d'autres mots, selon Dôgen, la pratique de la voie bouddhique ne devient possible qu'en rejetant les "vues erronnées de soi-même et des autres", mais en même temps, par la pratique de la voie bouddhique, toute conscience du moi soutenant cette pratique est dépassée; alors le monde de la réalité se révèle dans toute sa splendeur et on devient un Bouddha. (14) Cependant, il est important de prendre note du fait que le dépassement de la conscience de soi chez Dôgen tel que décrit ci-haut, ne signifie pas la négation de notre propre existence. Ceci devrait être évident, par exemple, du passage suivant dans "Uji":

"Nous nous disposons tous en rangs et considérons cela comme l'univers entier.
Vous devez considérer toutes les diverses choses de tout l'univers comme autant
de temps. Ces choses ne se font pas obstacle entre-elles, pas plus que les temps
ne se font obstacle entre eux. A cause de cela, l'esprit éveille le temps et le temps
éveille l'esprit. Il en est ainsi également de la pratique et de l'éveil de la Voie .
Nous nous disposons en rangs et voyons cela". (15)

Dans une veine équivalent, il y a cette citation tirée de "Komyo":

L'univers entier est le moi et le moi est l'univers entier. On ne peut fuir ce fait, et
même s'il existait un endroit où fuir, ceci se trouve être la voie pour un progrès
ultérieur. Ce corps de sept pieds est la forme et le phénomène du monde entier.
Le monde entier réalisé par la Voie du Bouddha est son corps, sa peau, sa chair,
ses os et sa moëlle. (16)

L'univers entier révélé par la maîtrise de la conscience de soi n'est rien d'autre que l'univers du moi, et il est totalement révélé dans le phénomène individuel d'un moment à l'autre. Il est impossible de tirer une quelconque ligne de démarcation entre le soi et l'univers. Qui plus est, le moi, avec son "corps de sept pieds", qui représente l'univers entier en forme condensée telle qu'en lui-même, est le moi tel qu'en lui-même, et c'est ici que se réalise l'univers entier. En autant que la pensée de Dôgen pointait sur l'établissement d'un moi véritablement indépendant au plan subjectif, on peut dire de lui qu'il s'est correctement emparé du point de vue de base du Bouddhisme par rapport au "moi" et au "non-moi".(17)

II. Conscience du Moi et activité compassionnée

Si la conscience du moi chez Dôgen peut être comprise dans les termes présentés ci-haut, quelle était alors la nature de la compréhension du Bouddhisme par Dôgen, telle qu'elle aurait donné naissance à cette conscience du moi, et à quel mode d'être pour le moi conduisait-elle dans les relations humaines réelles et dans le milieu social? Dans les passages qui suivent, nous aimerions examiner ces points, en nous concentrant sur la "compassion", qui a été signalée par Watsuji comme constituant l'aspect distinctif du Bouddhisme japonais médiéval. (18) En d'autres termes, nous allons considérer le mode réel d'existence de Dôgen à partir de l'aspect de la "compassion".

Comme c'est probablement le cas de tous les pratiquants exceptionnels du Bouddhisme, Dôgen était convaincu que c'était le Bouddhisme qu'il enseignait qui représentait le vrai Bouddhisme. Qui plus est, il considérait qu'il lui avait été donné par transmission directe de maître à disciple depuis le temps de Shakyamuni ou des sept Bouddhas du passé. (19) pour Dôgen, Shakyamuni était tout autant un grand bienfaiteur auprès de qui il était endetté pour la "tradition authentique de la manière exquise d'atteindre la Voie" (20) que, en raison de la transmission directe, une existence familière avec laquelle il était venu en contact direct, avec qui il communiait, et qui se trouvait réalisé dans son être propre. Dôgen décrit ce Shakyamuni et la religion par lui fondée dans les termes suivants:

"La raison pour laquelle Shakyamuni est apparu en ce monde et est devenu un
grand médecin était qu'il a eu pitié des êtres sensibles submergés dans les
profondeurs de l'océan des souffrances. En conséquence, il généra la compassion,
montra de la pitié, et exposa de nombreux enseignements par une variété
d'expédients habiles. C'étaient toutes des méthodes pour administrer une médecine
en rapport avec la maladie et pour aider tous les êtres sensibles à atteindre l'état de
la véritable tranquillité". (21)

Il est évident à la lecture de ce passage que Dôgen considérait Shakyamuni comme ayant été fondamentalement une personne de compassion et qu'il tenait ses enseignements, c'est-à-dire le Bouddhisme, pour un enseignement de compassion. Le Eihei Koroku rapporte un poème de la teneur suivante, dit avoir été composé à l'occasion d'un service en l'honneur de l'éveil de Shakyamuni.

"Shakyamuni s'est transformé en fantôme et continue à causer des remous dans
le monde de l'humanité. Comme résultat, nous avons perdu la vue et sommes
incapables de plus chercher quoi que ce soit. Dans un tel monde, le prunier fait
refleurir ses fleurs sur les mêmes branches que l'an dernier. "(22)

Quoiqu'il assume un mode paradoxal d'expression typique du Zen, ce poème déborde de la profonde gratitude et joie ressentie par Dôgen envers Shakyamuni, qui continuait toujours de guider à l'éveil des personnes ordinaires satisfaites de la paix et du bonheur trouvés dans l'illusion et qui délivrait Dôgen de sa propre vision erronnée et ouvrait ses yeux à l'éveil.

Ainsi, selon Dôgen, Shakyamuni, ainsi que les bouddhas et les patriarches qui sont en essence identiques à lui, prenaient en pitié les êtres sensibles et exposaient leurs enseignements par compassion pour eux. Nous sommes donc entraînés sur la Voie du Bouddha et capables d'atteindre l'éveil véritable. Mais est-ce que ça veut dire, donc, que la compassion est, au bout du compte, un attribut des Bouddhas et des patriarches seuls, et qu'elle ne peut jamais devenir une part de nous-mêmes? Dans le cas de Dôgen, la réponse est "Non", d'abord parce qu'il n'y a pas essentiellement de différence entre les Bouddhas et les patriarches d'une part, et avec nous d'autre part: "La forme passée des Bouddhas et des Patriarches est nous, et notre forme future est les Bouddhas et les Patriarches". (23) Subséquemment, même si quelqu'un n'a ni compassion ni sagesse, "si l'on apprend, on peut les obtenir". (24) En fait, l'apprentissage de la Voie bouddhique est lui-même soutenu dès le départ par l'esprit de compassion.

Pour Dôgen, l'apprentissage de la Voie bouddhique peut se résumer à "simplement cultiver le Dharma du Bouddha pour le Dharma du Bouddha," (25), et ceci n'admet aucune sorte de motif égoïste. C'est là une tâche extrêmement difficile pour la majorité d'entre nous, vivant comme nous le faisons des vies auto-centrées, et poursuivant constamment la Gloire et la Fortune. Il faut d'avantage qu'une détermination ordinaire pour aspirer à une telle voie et pour continuer à la suivre. C'est probablement pour cette raison que Dôgen discute des événements quelque peu bizarres qui avaient entouré la renonciation du maître Zen Yen-shou (904-975), qui s'était trouvé avoir détourné des fonds publics pour les donner aux pauvres, lorsqu'il servait en tant gouverneur provincial, avant de devenir moine. (26)

Dans cet entretien, il est mentionné en rapport à la génération de l'esprit d'éveil (de bodhi) ou résolution initiale, en tant qu'impulsion qui mène à l'éveil que l'on "devrait penser peu à notre propre vie, approfondir nos pensées de compassion à l'égard des êtres sensibles et générer un esprit qui cherche à s'abandonner aux principes du Bouddha". A parler grammaticalement, cette phrase permet une variété d'interprétations. Mais quelle que soit celle qu'on choisit, il est clair que pour Dôgen, penser peu à nos propres vies, prendre en pitié les êtres sensibles et nous abandonner aux préceptes du Bouddha n'étaient pas des actes sans relations mutuelles. La raison en est tout d'abord que de prendre les êtres sensibles en pitié résulte naturellement en mépris de notre propre vie, alors que le mépris de notre propre vie approfondit d'avantage encore notre compassion envers les êtres sensibles. Qui plus est, avoir une idée désinvolte de nos propres vies ne signifie rien d'autre en termes concrets que de suivre sans conditions les préceptes du Bouddha et ses enseignements et ceci résulte inévitablement dans la naissance de la compassion envers les êtres sensibles. Subséquemment, lorsqu'il parle de la génération de l'esprit d'éveil, Dôgen souligne parfois la contemplation de l'impermanence en tant que moyen pour minimiser l'importance de nos propres vies et pour nous libérer de l'attachement au moi. Mais toujours on peut dire que la caractéristique essentielle de la génération de l'esprit d'éveil dans le cas de Dôgen doit être recherchée dans la "prise en pitié des êtres sensibles". Ceci devrait se lire clairement dans la discussion par Dôgen du récit concernant Yen-hou qu'on a mentionné ci-dessus, et il élabore directement dessus dans le "Hotsubodaishin" du Shôbôgenzô.

"Générer l'esprit d'éveil signifie souhaiter et s'efforcer de conduire tous les êtres
sensibles sur l'autre rive de l'éveil avant même d'avoir soi-même traversé. Même
si votre apparence est méprisable, si vous générez cet esprit, vous êtes déjà un guide
pour tous les êtres sensibles En toute sincérité, en général, l'esprit d'éveil signifie
s'efforcer sans cesse avec toute notre énergie pour aider tous les êtres sensibles à
générer l'esprit d'éveil et les conduire à la Voie du Bouddha. Se contenter de leur
fournir des plaisirs mondains sans aucun objectif particulier n'est pas considéré
comme faire du bien aux êtres sensibles." (27)

Ainsi, pour Dôgen, l'esprit d'éveil représente un esprit de compassion totalement altruiste et sans discrimination, et il diffère subséquemment de la gratitude ou de l'affection qu'on accorde à quelqu'un en particulier. (28) Dans le même temps, il ne s'agit pas seulement d'une qualité intérieure, spirituelle, mais d'une qualité psychosomatique manifestée en permanence par l'action concrète. Il n'y a aucune limite que ce soit à la sphère de son fonctionnement ou à ses fonctions-mêmes. Subséquemment, la génération de l'esprit d'éveil résulte inévitablement en un mode d'existence qui, même si le mérite nécessaire pour devenir un Bouddha a été épuisé, transfère toujours ce mérite à l'obtention de la bouddhéité par d'autres êtres sensibles.

Qu'est-ce qui, en termes concrets, donc, est réellement considéré par Dôgen comme constituant une pratique enracinée dans l'esprit d'éveil? On peut trouver une discussion d'ensemble des conceptions de Dôgen sur ce sujet dans le "Bodaisatta shishobo". (29) Le Bodaisatta shishobo ou "Quatre méthodes de conversion des Bodhisatttvas" représente quatre formes de pratique pour les Bodhisattvas du Mahâyâna exposées dans la littérature de la Prajñapâramitâ et autres ouvrages. Elles consistent en "don", discours aimable", "action bénéfique" et "identification", et l'on dit du bodhisattva qu'il convertit les êtres sensibles par ces moyens.

Par exemple, l' "identification", selon l'interprétation de Dôgen, signifie ne pas s'opposer ni à soi-même ni aux autres; c'est, spécifiquement, une pratique dans laquelle le moi et les autres sont dans un état d'harmonie totale. La façon dont l'océan reçoit les eaux de n'importe quelle rivière est un exemple de cette "identification". Mais Dôgen fait remarquer qu'il faut aussi se rendre compte que les rivières possèdent la vertu de ne montrer aucune aversion pour l'océan. En d'autres mots, la façon dont le moi et l'autre, changeant constamment avec le passage du temps, agissent en tant qu'amis et partenaires l'un avec l'autre, afin de créer un seul monde harmonieux représente l' "identification". Mais la pratique réelle de ceci n'est en rien chose facile. Il est probable que Dôgen, lui-même, était bien conscient de ce fait, car il écrit qu'il "va sans dire qu'un peut d'abord harmoniser les autres à soi-même avant de s'harmoniser aux autres", suggérant ainsi la direction de la piste qui mène à un tel monde, et en tant que démarche initiale concrète, ou forme fondamentale de pratique, il dit que "nous devrions simplement tout affronter avec une douce contenance."

Mais bien sûr, une telle pratique de la compassion n'est pas toujours correctement comprise comme telle par les autres, et Dôgen était bien conscient de ce fait, également, comme il est indiqué par un commentaire sur Genshin(924-1017; il a posé les bases pour l'essor des enseignements sur la Terre Pure au Japon, et a composé le Ojoyoshû). Genshin avait déjà été critiqué pour avoir un jour ordonné de battre et de chasser des cerfs qui broutaient l'herbe du jardin, mais Dôgen fait remarquer que Genshin avait fait chasser les cerfs non parce qu'il leur reprochait de brouter l'herbe, mais parce qu'il craignait qu'ils ne fussent tués par quelque personne mauvaise, et Dôgen ajoute en plus:

Battre les cerfs peut sembler une forme de traitement qui manque de compassion, mais il est évident que, dans ses motivation intérieures, Genshin débordait de compassion. (30)

Dôgen lui-même a-t-il donc fait des efforts pour fouler cette même piste de la pratique compassionnée? Pour énoncer d'abord notre conclusion, la réponse est bien absolument "Oui". Par exemple, il a composé le poème suivant:

Ceux qui sont égarés, Loin et près dans les six sentiers Sont mon père et ma mère. (31)

En d'autres termes, les compagnons d'existence qui se trouvent dans les six sentiers des transmigrations représentaient tous pour Dôgen son père et sa mère. Comme il devrait être évident à la lecture de la compréhension du Moi par Dôgen, telle qu'on l'a exposé dans la section qui précède, le bien-être de tous les êtres sensibles doit avoir été pour Dôgen un sujet du plus grand intérêt personnel. Subséquemment, conscient de ses propres faiblesses, il a pu écrite en guise d'auto-admonition:

"Quoique pas un Bouddha,
je voudrais, fou que je suis,
être un moine qui conduit
les êtres sensibles sur l'autre rive,
et prier jour et nuit
pour la réalisation de la voie altruiste du bodhisattva.
Que je sois debout ou assis dans ma hutte de paille,
ce pour quoi je prie,
c'est que je puisse conduire les autres avant moi-même."

On peut dire de ce poème qu'il exprime ce genre de sentiments.

C'est pour cette raison que Dôgen demandait aussi à chacun de ses disciples qui vivaient ensemble avec lui de se traiter les uns les autres avec des pensées de compassion, comme il est indiqué par le passage suivant:

Si tous les moines en résidence demeurent dans la pensée qu'ils ont des relations en tant que parents, frères, cousins, maîtres et bons amis, s'ils sont compassionnés les uns envers les autres, s'ils ont pitié les uns des autres, si au fond de leurs coeurs ils maintiennent la pensée de combien il est difficile de se rencontrer, alors, assurément il y aura des relations amicales et harmonieuses entre eux. (32)

Cependant, comme on ne pouvait que s'y attendre, Dôgen met un accent spécial sur la compassion par ceux qui ont des positions d'autorité. par exemple, dans le "Tenzo Kyokun", Dôgen décrit l'attitude mentale qui doit être assumée par tous les fonctionnaires monastiques et ceux qui sont responsables d'une charge particulière lorsqu'ils entreprennent une tâche en termes des "trois esprits", c'est-à-dire un "esprit joyeux", un "esprit âgé" et un "grand esprit". Pour le dire simplement, un "esprit joyeux" est celui qui se satisfait de sa condition présente, un "esprit âgé" est celui des parents, et un "grand esprit" est celui qui embrasse tout et sans discrimination. Au regard de l' "esprit âgé":

L'ainsi nommé "esprit âgé" est celui des parents? Par exemple, de même que les parents pensent à leur enfant, de même vous gardez en tête les Trois Trésors comme si vous pensiez à votre propre enfant. Il est impossible à quelqu'un qui n'a pas un enfant à lui de comprendre la nature des pensées de ceux qui, riches ou pauvres, s'occupent d'aimer et d'élever leur enfant. Ce n'est que lorsq'on devient père ou mère qu'on peut comprendre ceci. Sans penser à leur richesse ou pauvreté, les parents ne désirent que la croissance de leur enfant. Sans considérer leur propre inconfort, ils enveloppent leur enfant chaudement quand il fait froid et le mettent à reposer à l'ombre lorsqu'il fait chaud. On peut décrire ceci comme la parfaite expression de l'amour parental le plus profond. Ceux qui suscitent un tel esprit peuvent comprendre ceci, et ceux qui apprennent un tel esprit le réalisent. Donc, lorsque vous regardez l'eau ou le grain, il vous faudrait toujours garder l'esprit chaleureux et compassionné qu'il faut pour élever un enfant. Le grand maître Shakyamuni a sacrifié vingt ans de sa vie pour nous aider à nous, des futures générations. Quel était son objectif en ce faisant? Il montrait tout simplement un esprit parental. (33)

Il est clair à la lecture de ce passage que, au regard de la direction dans laquelle la compassion fonctionne, Dôgen avait une compréhension profonde des sentiments parentaux, qu'il considérait l'exercice de cet "esprit âgé" envers toutes choses comme pratique du Bouddha, et qu'il a demandé la réalisation de cette attitude spécialement à ceux de ses disciples qui occupaient des positions d'autorité. Cependant, cette pratique de la compassion telle que décrite ici ne semble pas avoir été un sujet facile même pour Dôgen lui-même, ainsi qu'on peut le déduire des deux poèmes suivants:

Que je dorme ou que je veille dans ma hutte de paille,
Ce que je dis, c'est "Hommage au Bouddha Shakyamuni!
Qu'il ait pitié de moi'"

Sur les pics et les crêtes, loin dans les montagnes
Les cigales du soir annoncent la tombée de la nuit
Avec leurs chants
(comme si elles pleuraient pour ma vie quotidienne qui passe en vain). (34)

Le portrait de Dôgen tel qu'il se réflète bien candidement dans ces vers est celui de quelqu'un qui s'est rendu compte que sa culture sérieuse et incessante de la voie de bodhisattva, c'est à dire la pratique de la compassion, était par nature toujours incomplète et inadéquate, et quelqu'un qui faisait donc toujours attention, et qui recherchait l'assistance du Bouddha. En ce sens, Dôgen n'était en rien un surhomme distant, pas plus qu'il ne prétendait en être un. Il était plutôt une personne qui était très consciente de ses propres faiblesses, et qui était capable de les reconnaître. Lorsque Dôgen exalte celui qui a vraiment atteint la Voie dans les termes suivantz, c'est-à-dire:

Toute personne capable de pratiquer le Dharma du Bouddha et d'exposer le Dharma du Bouddha, même une fille de sept ans, est un guide pour tous, moines ou laïcs; il ou elle représente un père compassionné pour tous les êtres sensibles, (35) ces mots de lui peuvent être considérés comme indissolublement liés à sa conscience de ses propres insuffisances.

Conclusion

Dans ce qui précède, nous avons examiné la révélation du moi chez Dôgen. Bien que notre discussion ait été à peine suffisante, on peut au moins y voir que Dôgen, fidèle au point de vue officiel du Bouddhisme, a abordé le problème du moi de tout son être, et que non seulement il a présenté une image logique du monde en tant que personnalité et de la personnalité en tant que monde, saisie au travers de sa propre expérience religieuse, qui était enracinée dans la pratique de la méditation pure de "simplement s'asseoir", mais dans sa vie quotidienne réelle, il était aussi pleinement conscient de ses propres insuffisances et cherchait à revenir à ce mode véridique d'existence du moi, un mode d'existence qui se manifeste comme compassion ou action pour le bien-être des autres. Cette compassion n'est pas, cependant, un sacrifice de soi mais plutôt une réalisation de soi, et en ce sens elle diffère de l'éthique médiévale du "sacrifice de soi" chez Watsuji. Chez Dôgen, nous voyons un exemple représentatif d'une personne qui vit dans le Japon médiéval, qui fait face carrément à ses réalités, qui élucide la vérité de la transcendance de ces réalités à sa propre manière, et qui s'efforce en plus d'agir en accord avec cette vérité. En ce sens, on peut dire que les caractéristiques de la "simple piété" ou de l' "exercice spirituel" remarquées par Anesaki existent dans le Bouddhisme de Dôgen sous une forme unique. Mais c'est un point sujet à controverse de savoir jusqu'à quel point sa pensée et son style de vie étaient en rapport avec la société du Japon médiéval, et réussissaient réellement à influencer les gens autant à cette époque que plus tard. Quoique Dôgen soit rentré au Japon avec le sentiment de "transporter un lourd fardeau sur ses épaules" et avec le désir de "répandre le Dharma et sauver les êtres sensibles", (36) les événements ne travaillèrent pas en sa faveur, et il fut finalement forcé de laisser la capitale loin derrière et de se retirer dans les montagnes de l'Echizen (moderne préfecture de Fukui). En plus, en l'espace de quelques décennies après sa mort, la nature de son point de vue philosophique et religieux a commencé à être modifiée, et un schisme s'est produit dans la communauté monastique qu'il avait fondée. A la lu=ière de ces éléments, on peut dire que dans la pensée et le style de vie de Dôgen, les éléments super-historiques et super-nationaux qu'on pourrait aussi bien appeler cosmopolites ont assumé un plus grand poids que les éléments nationaux et historiques. A l'inverse, ceci signifie qu'il y a relativement peu de choses chez Dôgen qu'on pourrait dire "japonaises" au sens du terme "spiritualité japonaise" utilisé par Suzuki. (37) Ceci est peut-être l'une des raisons fondamentales pour lesquelles Dôgen aujourd'hui fascine tant d'intellectuels autant au Japon qu'à l'étranger


NOTES

Cet essai a été présenté à l'origine au Tokyo-Stockholm Symposium, Izu, Japon, 1er au 3 novembre 1988.

1 - Japanese Spirituality, trad. N. Waddell (Japan Society for the Promotion of Science, 1972), p. 70. (retour)

2 - Histoire de la Religion japonaise (Charles E. Tuttle Company, 1963), p. 168. On dit que le manuscrit original de l'ouvrage fut le résultat des conférences de l'auteur à l'Université de Harvard pendant les années 1913-1915. (retour)

3 - Nihon rinrishisoshi (Une histoire de la pensée éthique japonaise), vol.1; Oeuvres complètes de Watsuji Tetsuro, vol. 12 (Iwanami Shoten, 1962), p. 304. (retour)

4 - La raison pour laquelle nous insistons sur Dôgen dans cet essai n'est en rien dû à ce que nous considérerions sa pensée comme représentative du Bouddhisme de Kamakura ou du Bouddhisme japonais du Moyen-Age; ni non plus parce que nous considérerions la branche du Bouddhisme qu'il a fondée, c'est-à-dire l'Ecole Sôtô du Zen (même si Dôgen lui-même était fortement opposé à toute appellation sectaire), comme étant particulièrement importante dans un sens social ou historique. La raison n'en est rien d'autre que parce que nous le considérons comme ayant été, parmi les chefs bouddhistes du Japon médiéval, l'un de ceux qui ont réfléchi le plus profondément sur l'essence du moi et ont honnêtement cherché à donner une expression concrète dans leur vie aux conclusions de leurs réflexions. (retour)

5 - Shôbôgenzô 1, "Genjo koan". Lorsqu'on ne le mentionne pas autrement, toutes les citations du Shôbôgenzô sont tirées de l'édition en 75 chapitres, et les traductions anglaises ont été essentiellement faites en référence à celles de N. Waddell et M. Abe dans The Eastern Buddhist, nouvelle série (Kyôto, 1971- ) (retour)

6 - "Bendowa". (retour)

7 - Ibid. (retour)

8 - Par exemple, le Shinnyokan attribuait à Genshin (Nihon shiso taikei 9: Tendai hongakuron (Iwanami Shoten, 1973)) les passages suivants: "Autant le Moi que les autres représentent originellement le principe de la simple et réelle ainsité, "et il n'y a aucune distinction entre l'enfer et la vie animale Si, lorsqu'on bouge, lorsqu'on est "debout, lorsqu'on est assis ou couchés ou n'importe quand lorsqu'on agit, on pense êttre identique "avec l'ainsité, alors on deviendra éventuellement Bouddha "Parce qu'en cette manière le moi autant que les autres et tous les êtres sensibles en général sont "ainsité, ils sont Bouddha. Cela étant, l'herbe et les arbres, les tuiles et les cailloux, les montagnes "et les rivières, la terre, l'océan et l'espace sont tous ainsité. "Il n'existe donc rien qui ne soit pas Bouddha." [retour]

9 - Dans le Shôbôgenzô 5, "Sokushin zebutsu", par exemple, Dôgen considère et réfute la conception qui voudrait que "les facultés mentales des êtres sensibles dans lesquelles l'esprit d'éveil n'a pasencore été généré sont équivalentes à celles du Bouddha". (retour)

10 - Gakudo yojinshu: "Le besoin de pratiquer le Zen pour ceux qui cultivent le Dharma du Bouddha et désirent l'émancipation". Cf. Y. Yuasa, The Body, trad. S. Nagatomo et T. P. Kasulis (State University of New York Press, 1987) , pp. 114-115. (retour)

11 - Shôbôgenzô 1, "Genjo koan". (retour)

12 - Ibid., 25, "Keisei sanshoku". (retour)

13 - Shôbôgenzô en 95 chapitres, 92, "Shoji". (retour)

14 - Cette façon de penser ressemble fortement à la pensée de Shinran (1173 - 1262), le fondateur de la Jodo Shinshu, et d'Ippen (1239-89), le fondateur de l'école Ji, tous deux plus ou moins contemporains de Dôgen. Cf. Yuishinsho-mon'i (Notes on "Essentials of Faith Alone") (Kyôto, 1979), et Ippen Shonin goroku I: "Hyakuri kugo", "Shosoku hogo". (retour)

15 - Shôbôgenzô 20, "Uji". p.339 (retour)

16 - Ibid. 15, "Komyo". (retour)

17 - Une des doctrines de base du Bouddhisme, c'est la doctrine du "non-soi" (anattan). On peut la considérer comme une doctrine qui s'est développée à l'origine à partir de la quête pour élucider le mode d'existence de l'homme, caractérisé comme il l'est par l'illusion et la souffrance, et donc cette doctrine est très liée à la conception qui considère l'homme comme étant composé des cinq éléments, connus comme les "cinq agrégats", c'est à dire la forme, (ruupa), la perception (vedanâ), la conception (saññâ), la volition (sa.mkhâra), et la "conscience" (viññâ.na). Dans notre conclusion, le concept de "non-soi" représente une méthode d'observation qui est apparentée de très près à la compréhension bouddhiste de l'impermanence et de la souffrance, et deuxièmement, son objectif de liberté de "possession de soi" et d' "attachement à soi". Bien qu'il soit vrai que le Bouddhisme nie l'existence d'un qulconque "moi" (attan) au plan empirique, ceci ne veut pas nécessairement dire que le Bouddhisme cherche à démontrer la non-existence du "moi" dans un sens métaphysique. C'est pour cette raison qu'il a été possible pour le Bouddhisme d'employer le même terme *attan* pour encourager l'établissement d'un moi subjectivement indépendant. Cf. Sa.myutta-nikâya 12.15 (III, p.22); Mahâvagga 1.6.38f (Vinaya-pi.taka I, p. 13f); Dîgha-nikâya XVI.2.26; et Dhammapada 157-166 (retour)

18 - Pour de plus amples détails, voir Kimura Kiyotaka, "Dôgen no jihi" (Compassion chez Dôgen), in Nihon Bukkyo 56-57 (1983). (retour)

19 - Cf. Shôbôgenzô 51, "Menju", etc. (retour)

20 - "Bendowa." (retour)

21 - "Eihei Gen Zenji goroku." (retour)

22 - "Eiheiji goroku." (retour)

23 - Shôbôgenzô 25, "Keisei sanshoku." (retour)

24 - Shôbôgenzô zuimonki 6. (retour)

25 - Gakudô yôjinshu: "Admonition contre le fait de cultiver le Dharma du Bouddha avec des pensées de réalisation". (retour)

26 - Shôbôgenzô zuimonki 2. (retour)

27 - Shôbôgenzô en 95 chapitres, 70, "Hotsubodaishin." (retour)

28 - Shôbôgenzô 16, "Gyoji" 1 contient le passage suivant sur la gratitude et l'affection: "Les Bouddhas et les patriarches ont eu jadis des sentiments de gratitude et d'affection, et pourtant "ils les ont abandonnés. Les Bouddhas et les patriarches ont jadis vécu dans les diverses relations "humaines, et pourtant, ils les ont abandonnées. Quels que soient les sentiments d'attachement que "nous ayons, les relations entre soi et les autres ne vont pas demeurer dignes pour toujours; si nous "n'abandonnons pas les sentiments de gratitude et d'affection, au contraire, c'est eux qui vont "fonctionner pour nous abandonner. Pour considérer les sentiments de gratitude et d'affection, "considérez -les. Considérer les sentiments de gratitude et d'affection, c'est les abandonner." On peut décrire ceci comme une explication appropriée aux raisons de l'abandon par un religieux des liens basés sur la gratitude et l'affection séculières. (retour)

29 - Shôbôgenzô en 95 chapitres, 45, "Bodaisatta shishobo." (retour)

30 - Shôbôgenzô zuimonki 1. (retour)

31 - "Sansho doei"; les poèmes suivants proviennent également de la même source. (retour)

32 - "Shuryo shingi." (retour)

33 - "Tenzo kyokun." (retour)

34 - "Sansho doei." (retour)

35 - Shôbôgenzô 28, "Raihai tokuzui." (retour)

36- Bendowa (retour)

37- Mais ceci ne veut pas dire que Dôgen ait perdu sa position d'autorité en tant que chef religieux dans la société japonaise récente. Au contraire, son prestige agraduellement augmenté avec les changements qui ont pris place dans l'école Sôtô, et il est devenu une grande figure religieuse révérée par tous les niveaux de la société. En d'autres termes, Dôgen a atteint une position d'autorité presque transcendentale, virtuellement sans rapport avec ses propres pensée de base et mode de vie, qui ont perduré jnusqu'à aujourd'hui. Lorsqu'on le considère en relation avec l'interprétation sus-mentionnée que fait Suzuki du Bouddhisme japonais médiéval, on peut dire que c'est ce phénomène-même qui est en relation avec une prédisposition générale et fondamentale qu'on trouve chez les Japonais, et il n'est pas seulement lié au problème d'une tendance générale du Bouddhisme japonais à se transformer en formes de Bouddhisme patriarcal, mais aussi à des questions telles que la déification des guerriers héroïques et des génies culturels, et à la continuation du système impérial.



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