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Le sûtra du diamant, (T235.8.748c-752c), traduit en chinois par Kumarajiva (T235), traduit en anglais par Charles Patton, version 1,3, [révision du 5 février 1998], traduit de l'anglais au français par MP

Vajracchedika Prajna Paramita

Sûtra du Diamant

 

(1) Ainsi l'ai-je entendu. A une époque, le Bouddha[1] se trouvait près de Shravasti dans le bosquet de Jeta de la propriété d'Anathapindika avec une grande compagnie de mille-deux-cents-cinquante moines. A midi, l'Honoré du Monde mit son kasaya, prit son bol à aumônes et s'en alla dans la grande cité de Shravasti pour mendier. Dans cette ville il mendia avec succès et puis rentra dans son lieu de résidence pour manger son repas. Ayant rangé son kasaya et son bol, et lavé ses pieds, il prépara son siège et s'assit.

(2) A cette époque, le vénérable Subhuti faisait partie de cette grande assemblée. Il se leva alors de son siège, dénuda son épaule droite, posa le genou droit en terre, et, pressant ensemble les paumes de ses mains, il s'inclina devant le Bouddha. "Elle est extraordinaire, Honoré du Monde, l'habile bienveillance de l'Ainsi Venu[2] pour les bodhisattvas et son habile confiance en eux. Honoré du Monde, à quoi les bons fils et les bonnes filles qui aspirent à la suprêmement inégalée bodhicitta[3] doivent-ils se tenir? Comment devraient-ils régler leurs pensées?"

Le Bouddha répondit, "Excellent, excellent! Subhuti, comme tu l'as dit, l'Ainsi Venu est habilement bienveillant pour les bodhisattvas, et habilement confiant en eux. Si maintenant tu écoutes attentivement, je vais t'expliquer à quoi les bons fils et les bonnes filles qui aspirent à la suprêmement inégalée bodhéité devraient ainsi se tenir, et comment ils devraient ainsi régler leurs pensées."

"Oui, Honoré du Monde, j'écouterai avec joie."

(3) Le Bouddha dit à Subhuti, "Les bodhisattva-mahasattvas devraient ainsi régler leurs pensées: 'là où il y a toutes sortes d'êtres -- qu'il s'agisse de créatures formées dans une matrice ou écloses d'un oeuf; qu'elles soient nées dans l'eau ou proviennent d'une transformation; qu'elles possèdent ou pas une forme; qu'elles possèdent la pensée ou pas; qu'elles ne soient ni dépourvues ni pourvues de pensées -- je ferai en sorte qu'elles entrent toutes dans le nirvâna non-résiduel, les libérant ainsi. En libérant ainsi les innombrables êtres sans limites, en réalité, il n'y a pas d'êtres qui atteignent cette libération'. Quelle en est la raison? Subhuti, si un bodhisattva croit qu'il y a un égo, une personne, des individualités séparées ou une âme; dans ce cas il n'est pas un bodhisattva."

(4) "De surcroît, Subhuti, un bodhisattva dans le Dharma ne devrait s'attarder nulle part lorsqu'il agit avec compassion. C'est-à-dire ne pas s'attarder dans les formes de la compassion; ni s'attarder dans le son, l'odeur, le goût, la sensation ou l'idée de la compassion. Subhuti, un bodhisattva devrait ainsi faire preuve de compassion, sans s'attarder à de telles apparences. Pourquoi cela? Si un bodhisattva ne s'attarde pas aux apparences de la compassion, sa sainte vertu ne peut pas être calculée.

"Dis-moi, Subhuti. Peux-tu mesurer le ciel de l'orient?"

"Non, Honoré du Monde".

"Peux-tu mesurer tout l'espace qui se trouve au sud, à l'ouest, au nord, les quatre directions entre zénith et nadir?"

"Non, Honoré du Monde".

"Subhuti, la sainte vertu d'un bodhisattva qui ne s'attarde pas aux apparences de la compassion est de cet ordre, encore une fois, elle est telle. Subhuti, les bodhisattvas devraient ne s'en tenir qu'à cette instruction".

(5) "Subhuti, qu'en penses-tu? Est-il possible de décrire l'Ainsi Venu? Peut-il être reconnu par les caractéristiques corporelles?"

"Non, Honoré du Monde; il n'est pas possible d'obtenir la vision de l'Ainsi Venu par le moyen des signes corporels. Quelle en est la raison? L'Ainsi Venu a expliqué que les signes corporels ne sont pas des signes corporels [de l'Ainsi Venu]". Alors, le Bouddha dit, "Subhuti, les signes possédés par les mortels sont tous vides et illusoires. Si l'on voit que ces signes ne sont pas des signes [de l'Ainsi Venu], alors on peut voir l'Ainsi Venu".

(6) Subhuti demanda au Bouddha, "Honoré du Monde, ne peut-on se demander s'il y aura-t-il toujours des êtres en qui surgira une foi authentique à entendre les mots de cet enseignement?"

Le Bouddha répondit à Subhuti, "Ne dis pas ça. Dans les derniers cinq-cents ans [de l'ère du Dharma] après la mort de l'Ainsi Venu [4], ceux qui maintiendront ces préceptes et cultiveront la sainteté pourront, grâce à ces passages, donner naissance à l'esprit fidèle, parce qu'ils sont sincères. Il faut savoir que ces gens [de cette époque] n'auront pas été avec un bouddha, ni deux, ni trois, quatre ou cinq bouddhas lorsqu'ils planteront leurs bonnes racines. Ils auront accompli cette plantation avec d'incommensurables dizaines de millions de bouddhas. En entendant ces passages, ne fut-ce qu'en une seule récitation, il donneront naissance à une foi pure. Subhuti, l'Ainsi Venu sait et voit pleinement ceci dans tout être qui atteint ainsi une aussi incommensurable vertu. Et pourquoi? Parce que ces êtres ne retomberont pas dans les obstructions, la perception d'un égo individuel, celle d'une existence séparée, celle d'une âme, ni celle d'une personne. Ils seront libres de la perception des dharmas tout autant que de celle des non-dharmas. Pourquoi cela? Si les esprits de ces êtres devaient appréhender les apparences, ceci créerait l'attachement à un égo individuel, à une existence séparée, à une âme, et à une personne. Si elles devaient assumer l'apparence des dharmas, ceci créerait l'attachement à un égo individuel, à une existence séparée, à une âme, et à une personne. Si elles devaient assumer l'apparence des non-dharmas, ceci créerait l'attachement à un égo individuel, à une existence séparée, à une âme, et à une personne. C'est pourquoi on ne devrait pas percevoir les dharmas, et c'est pourquoi on ne devrait pas percevoir les non-dharmas. C'est ce que veut dire l'Ainsi Venu lorsqu'il déclare, 'O moines! Sachez que mon Dharma ainsi exposé est comme un radeau de bambou. Le Dharma honoré doit être abandonné, et bien plus encore ce qui n'est pas le Dharma' ".

(7) "Subhuti, qu'en penses-tu? L'Ainsi Venu a-t-il atteint la suprêmement inégalée bodhéité [l'Illumination Parfaite qui Transcende les Comparaisons]? Dispense-t-il un enseignement du Dharma?"

Subhuti répondit, "Ainsi que je comprend l'enseignement précis du Bouddha, il n'existe aucun Dharma précis qu'on appelle la 'suprêmement inégalée bodhéité'. De plus, il n'y a aucun Dharma précis que puisse exposer l'Ainsi Venu. Pourquoi cela? De tous les dharmas exposés par l'Ainsi Venu, aucun ne peut être perçu ni exprimé, puisqu'il n'existe ni dharmas ni non-dharmas. Pourquoi est-ce le cas? Tous les Sages, par le moyen du Dharma inconditionnel, opèrent des discriminations"

(8) "Subhuti, qu'en penses-tu? Si une personne remplissait les trois mille mondes avec les sept trésors -- or, argent, lapis-lazzuli, cristal, agathe, perles rouges et cornaline -- pour en faire l'aumône, les mérites de cette personne seraient immenses, n'est-ce pas?"

Subhuti répondit, "Immenses au-delà de toute imagination, Honoré du Monde. Même si, en vérité, il n'y a pas d'existence séparée sur laquelle les mérites puissent s'accumuler. C'est pour ça que l'Ainsi Venu a dit que ces mérites seraient immenses".

"Si donc, encore une fois, il y a une personne qui reçoit et soutient ce qui se trouve dans ce sûtra, ne fut-ce que quatre vers, et qu'elle l'explique à une autre personne, les mérites de cette personne dépasseraient l'exemple précédent. Pourquoi cela? Subhuti, chacun des bouddhas qui atteint le Dharma de la suprêmement inégalée bodhéité est le produit de ce sûtra. Subhuti, ce qu'on appelle le Dharma du Bouddha n'est donc pas le Dharma du Bouddha".

(9) "Subhuti, qu'en penses-tu? Celui-qui-entre-dans-le-courant (srota-apanna) peut-il produire cette pensée 'J'ai mérité la récompense de celui-qui-entre-dans-le-courant'?" Subhuti répondit, "Non, Honoré du Monde. Pourquoi donc? 'Celui-qui-entre-dans-le-courant' est le nom de celui qui entre dans le courant [de la vie sainte], qui n'entre nulle part: il n'entre pas dans les formes, ni dans les sons, ni les odeurs, les goûts, les sensations ni les idées. Celui-là est appelé 'Celui-qui-entre-dans-le-courant' "

"Subhuti, qu'en penses-tu? Celui-qui-ne-doit-renaître-qu'une-fois (sakrdagama) peut-il produire cette pensée -- 'J'ai mérité la récompense de celui-qui-ne-doit-renaître-qu'une-fois'?" Subhuti répondit, "Non, Honoré du Monde. Pourquoi donc? 'Celui-qui-ne-doit-renaître-qu'une-fois' est le nom pour une arrivée de plus [dans ce monde mortel], et en réalité, il n'y a pas d'arrivée future. Celui-là est appelé 'Celui-qui-ne-doit-renaître-qu'une-fois' "

"Subhuti, qu'en penses-tu? Celui-qui-ne-doit-pas-revenir (anagamin) peut-il produire cette pensée -- 'J'ai mérité la récompense de celui-qui-ne-doit-pas-revenir'?" Subhuti répondit, "Non, Honoré du Monde. Pourquoi donc? 'Celui-qui-ne-doit-pas-revenir' est le nom pour celui qui ne doit pas renaître, et il n'y a en réalité aucune non-renaissance. C'est pourquoi on l'appelle 'Celui-qui-ne-doit-pas-revenir' "

"Subhuti, qu'en penses-tu? Un arhat peut-il produire cette pensée -- 'J'ai atteint l'éveil de l'arhat'?" Subhuti répondit, "Non, Honoré du Monde. Pourquoi donc? En réalité, il n'existe pas de dharma appelé 'arhat'. Honoré du Monde, si un arhat devait produire cette pensée -- 'J'ai atteint l'éveil de l'arhat', ce serait alors à cause de l'attachement à un égo individuel, à une existence séparée, à des êtres sensibles, à une âme.

Le Bouddha a déclaré que j'ai atteint, sans discussion, un samadhi qui est parmi les meilleurs. C'est le meilleur parce que j'ai renoncé au désir d'être un arhat. Je ne formule pas la pensée -- 'J'ai renoncé au désir d'être un arhat'. Honoré du Monde, si, de moi-même, je formulais la pensée -- 'J'ai atteint l'Eveil de l'arhat' -- l'Honoré du Monde n'aurait pas dit de Subhuti qu'il est cet heureux pratiquant forestier [5], parce qu'en réalité, Subhuti ne pratique nulle part. Et c'est pourquoi on l'appelle 'Subhuti, l'heureux pratiquant forestier'."

(10) Le Bouddha dit, "Subhuti, qu'en penses-tu? Dans le passé, quand l'Ainsi Venu se trouvait avec le bouddha Dipankara, le Pleinement Illuminé, a-t-Il appris quelque doctrine de lui?"

"Non, Honoré du Monde. Quand l'Ainsi Venu se trouvait avec le bouddha Dipankara, il n'y avait en réalité aucune doctrine à apprendre".

"Subhuti , qu'en penses-tu? Les bodhisattvas sont-ils l'ornement des terres du bouddha? [6]

"Non, Honoré du Monde. Pourquoi cela? L'ornement des terres du bouddha est un non-ornement. C'est appelé 'ornement'."

"C'est pour ça, Subhuti, que les bodhisattva-mahasattvas devraient vraiment expérimenter l'esprit pur. Un tel esprit ne discrimine pas et ne porte pas de jugement sur les formes : il ne discrimine pas et ne porte pas de jugement sur les sons, les odeurs, les saveurs, les sensations ou les idées. Un bodhisattva doit développer un esprit qui ne forme aucun attachement ou aversion pour quoi que ce soit.

"Subhuti, suppose qu'un homme soit doté d'un corps aussi grand que le mont Sumeru. Qu'en penses-tu? Son existence personnelle serait-elle grande?"

Subhuti répondit, "Incroyablement grande, Honoré du Monde. Et pourquoi donc? Parce que le Bouddha a déclaré qu'un non-corps est un grand corps".

(11) "Subhuti, suppose qu'il y avait autant de fleuves Gange qu'il y a de grains de sable dans le lit du Gange lui-même. Qu'en penses-tu? Est-ce que l'ensemble de leurs grains de sable serait nombreux?"

"Nombreux, certes, Honoré du Monde. Il serait impossible de compter tous les fleuves Gange, et encore moins le total combiné de tous les grains de sable dans eux tous!"

"Subhuti, je vais te dire une grande vérité. Si de bons fils et de bonnes filles, eux-mêmes aussi nombreux que les sables de ces fleuves Gange, remplissaient trois mille mondes avec les sept trésors pour en faire l'aumône, il en découlerait de nombreux mérites, n'est-ce pas?"

"Incroyablement nombreux, Honoré du Monde". Ne fut-ce que tous ces fleuves Gange seraient si nombreux qu'il en seraient innombrables. Combien plus encore le seraient leurs sables?"

Alors le Bouddha déclara, "Pourtant, Subhuti, si un bon fils ou une bonne fille ne devait recevoir et retenir que quatre lignes de ce sûtra, et l'expliquer à quelqu'un d'autre, le mérite de cette personne surpasserait l'exemple qui précède".

(12) "Qui plus est, Subhuti, là où ce qui est dit dans ce sûtra est respecté, même s'il ne s'agit que de quatre lignes de vers, il faut faire savoir que tous, dans chaque monde, qu'il s'agisse de dieux, d'hommes ou de titans, devraient faire des offrandes de soutien à cet endroit tout comme si c'était un sanctuaire bouddhique. Et combien plus encore si quelqu'un peut le recevoir, le garder, le lire et le réciter entièrement!"

"Subhuti, il faut qu'on sache que cette personne accomplira le plus haut, le meilleur et le plus extraordinaire des dharmas Si ce sûtra canonique se trouve en sa maison, celle-ci serait comme celle du Bouddha, si elle est honorée par les disciples."

(13) Alors Subhuti demanda, "Honoré du Monde, par quel nom ce Discours devra-t-il être connu? Comment devrons-nous le recevoir et le conserver?"

Le Bouddha répondit, "Ce Discours devra être connu comme Vajracchedika Prajna Paramita -- Le Coupe-vitres en Diamant de la Sagesse transcendentale [7]-- C'est avec les mots de ce titre que vous devriez le recevoir et le conserver. Pourquoi donc? Subhuti, le Bouddha dit que c'est la perfection de la sagesse, de sorte que ce n'est pas la perfection de la sagesse".

"Subhuti, qu'en penses-tu? L'Ainsi Venu dispense un enseignement du Dharma, n'est-ce pas?"

Subhuti répondit au Bouddha, "Honoré du Monde, l'Ainsi Venu ne dispense aucun enseignement".

"Subhuti, qu'en penses-tu? Les atomes des trois-mille mondes sont nombreux, n'est-ce pas?"

Subhuti réplica, "Incroyablement nombreux, Honoré du Monde".

"Subhuti, l'Ainsi Venu a dit que les atomes ne sont pas des atomes. Ils sont appelés 'atomes'. L'Ainsi Venu a expliqué que les mondes ne sont pas des mondes. Ils sont appelés 'mondes'. Subhuti, qu'en penses-tu? Peut on voir l'Ainsi Venu par le moyen des trente-deux signes?"

"Non, Honoré du Monde. On ne peut pas obtenir la vision de l'Ainsi Venu par le moyen des trente-deux signes. Pourquoi donc? L'Ainsi Venu a expliqué que les trente-deux signes ne sont pourtant pas des signes. Ils sont appelés les 'trente-deux-signes'."

"Subhuti, suppose qu'il y ait de bons fils et de bonnes filles qui, avec leurs vies aussi nombreuses que les sables du Gange, faisaient l'aumône; et suppose encore qu'il y ait une personne qui, ne comprenant et ne retenant que quatre lignes de ce sûtra, l'expliquerait à quelqu'un d'autre, son mérite serait incomparablement plus grand".

(14) A ce moment, en entendant prononcer ce sûtra, Subhuti obtint tout soudain une profonde compréhension de sa signification. Alors, en essuyant ses larmes, il s'adressa au Bouddha en disant, "Il est extraordinaire, Honoré du Monde, que le Bouddha expose un discours canonique si incroyablement profond! Il y a longtemps que mon oeil de sagesse a été ouvert; mais de ce jour jusqu'à celui-ci, jamais je n'avais entendu une aussi merveilleuse explication de la nature de la Réalité Fondamentale. Honoré du Monde, si jamais une autre personne entend ce sûtra d'un esprit pur et confiant, alors en elle naîtra le signe de la réalité. Il faut savoir que cette personne aura entièrement accompli le mérite le meilleur et le plus extraordinaire. Honoré du Monde, ce signe de réalité est en effet le non-signe. C'est pourquoi l'Ainsi Venu a dit qu'il est appelé le 'signe réel'. Honoré du Monde, ayant ainsi entendu ce sûtra canonique, et l'ayant sincèrement compris, le recevoir et le conserver ne présente plus aucune difficulté. S'il doit venir au monde dans les derniers cinq-cents ans [de l'ère du Dharma] des êtres qui entendent ce sûtra avec foi et compréhension, qui le reçoivent et le préservent, quel remarquable accomplissement que sera cette liberté! Pourquoi cela? Ces personnes seront libres de l'idée d'une entité-égo, libres de l'idée d'une âme personnelle, libres de l'idée d'un être individuel ou d'une existence séparée. Pourquoi donc? Parce que l'idée d'une entité-égo est ce non-signe. L'idée d'une personne, d'un être sensible et d'une âme sont ce non-signe. Pourquoi? Parce que laissant là toutes les apparences, on les appelle des bouddhas.[8]"

Le Bouddha dit à Subhuti, "Oui, oui! S'il y a encore une personne qui entend ce sûtra et n'est ni étonnée, ni alarmée ou effrayée; il faut savoir que cette personne deviendrait très extraordinaire. Pourquoi donc? Subhuti, l'Ainsi Venu a expliqué que la première perfection n'est pourtant pas la première perfection[9]. On l'appelle la première perfection. Subhuti, la perfection de la persévérance (kshanti), comme l'a dit l'Ainsi Venu, n'est pas la perfection de la persévérance. Pourquoi donc? Subhuti, lorsque dans le passé mon corps a été coupé en morceaux par le roi Kalinga, j'étais à l'époque libre d'attachement à un égo individuel, à une personne, à une existence séparée, et à une âme. Pourquoi cela? Lorsqu'à cette époque j'avais été coupé en morceaux et démembré, s'il y avait eu un attachement à un égo individuel, à une personne, à une existence séparée, et à une âme, la colère et l'indignation seraient montées en moi. Qui plus est, Subhuti, je me rappelle que dans les dernières cinq cents incarnations, j'avais été un ascète pratiquant la persévérance. Dans cette incarnation, j'étais libre d'attachement à un égo individuel, à une personne, à une existence séparée, et à une âme. Subhuti, les bodhisattvas doivent quitter tous les signes lorsqu'ils entreprennent la suprêmement inégalée bodhéité. Ils ne doivent pas s'attacher aux formes lorsqu'ils formulent cette pensée. Ils ne doivent pas s'attacher aux sons, aus odeurs, aux saveurs, aux sensations, ou aux idées lorsqu'ils formulent cette pensée. Ils ne doivent s'attacher à rien lorsqu'ils forment cette pensée. S'ils devaient avoir un attachement dans cette pensée, alors il deviendrait un non-attachement. C'est pourquoi le Bouddha a dit que les pensées du bodhisattva ne doivent pas s'attacher aux formes de l'aumône. Subhuti, c'est en faisant en sorte de sauver tous les êtres sensibles que les bodhisattvas doivent faire l'aumône. Le Ainsi Venu a dit que tous les signes sont donc le non-signe. De plus, il a dit que tous les êtres sensibles ne sont donc pas êtres sensibles. Subhuti, les discours de l'Ainsi Venu sont véridiques, vrais, et donc ni faux ni contradictoires. Subhuti, le Dharma que l'Ainsi Venu a atteint n'est ni vrai ni faux. Subhuti, si les pensées d'un bodhisattva s'attachent aux dharmas lorsqu'il fait l'aumône, ce serait comme une personne qui entrerait dans l'obscurité, et serait ainsi incapable de rien voir. Si les pensées d'un bodhisattva ne s'attachent pas aux dharmas lorsqu'il pratique l'aumône, ce serait comme une personne qui, grâce à la luminosité du soleil, verrait toutes les différentes formes. Subhuti, s'il devait se produire dans le monde que de bons fils et de bonnes filles soient en mesure de recevoir, retenir, lire et réciter ce qu'il y a dans ce sûtra, alors ils deviendront des Ainsi Venus. Par la sagesse transcendante du Bouddha qui voit et connaît pleinement ces gens, je puis dire que tous obtiendront la réalisation complète de ce mérite incommensurable.

[aller à la seconde partie]

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Notes

1. Veuillez consulter le Glossaire des Termes Bouddhistes pour une définition et une explication des termes sanscrits qui apparaîssent dans cette traduction. [paragraphe]

2. J'ai choisi de traduire littéralement le terme Tathagata, comme le fait Patrick Carré (Le Sûtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Hui-Neng, Point, Sagesses), considérant le fait que c'est ce que fait le chinois avec le terme Nyorai. [paragraphe]

3. Le terme sanscrit complet est "anuttara-samyak-sambodhicitta". "Anuttara-samyak-sambodhi" était habituellement translittéré par les traducteurs de textes bouddhistes, lorsqu'ils les donnaient en chinois, même s'ils auraient pu facilement le traduire. Xuanzang, par exemple, pensait qu'il aurait fallu le traduire, même s'il a choisi par expédient de suivre la convention bien établie de la translittération dans ses propres oeuvres. Dans le but de rendre le terme moins encombrant et plus compréhensible, le traducteur a choisi de traduire "anuttara-samyak-sam" ("suprêmement inégalée") et de laisser "bodhi" et "bodhicitta" tels quels. Pour leurs significations, voir le Glossaire. [paragraphe]

4. En exprimant l'impermanence de la pratique du Dharma dans le monde, le Bouddha a décrit dans d'autres écritures comment celle-ci deviendrait progressivement superficielle au fur et à mesure que l'intention originale de ses enseignements serait oubliée. Il a divisé la période de décadence du Dharma en périodes de cinq-cents ans, la pratique se corrompant toujours plus au passage du temps. Une fois que le Dharma aurait complètement disparu, il y aurait une longue période sans, et puis un nouveau Bouddha réaparaîtrait dans le monde pour le rétablir. Parmi les écoles bouddhiques chinoises et japonaises, ce schéma a été compris très littéralement, et les écoles de la Terre Pure et de Nichiren l'on incorporé dans leurs enseignements, en prétendant que les pratiques vertueuses d'"auto-contrôle" n'avaient plus d'efficacité à cause de l'état avancé de détérioration du Dharma dans le monde. Les persécutions gouvernementales en Chine, de même que l'écroulement social et la corruption sévissant dans le sangha lors de la période féodale au Japon, leur servirent à le démontrer. Il nous faut noter que ce passage du Sûtra du Diamant semble réfuter cette interprétation, en prétendant que même lors des derniers temps du Dharma, il y aura des gens capables de pratiquer avec vertu et d'atteindre l'Eveil. [paragraphe]

5. "Heureux praticant forestier" est un autre nom pour un ascète. L'ascétisme en Inde représente un paradigme concurrent de la prêtrise brahmanique, dans lequel des gens quittent la vie familiale et deviennent des mendiants vagabonds, qui pratiquent le yoga et développèrent dans le passé une grande variété de philosophies (Voir aussi, plus près de nous, le cas de Diogène le Cynique). Le Bouddha lui-même était un ascète et avait adopté l'ascétisme pour sa propre communauté monastique durant sa carrière d'enseignant. Parce que les ascètes évitaient les villes et se retiraient dans la solitude des lieux sauvages, on les appellait parfois les "heureux pratiquants forestiers". [paragraphe]

6. On dit des bodhisattvas qu'ils purifient la terre du Bouddha dans laquelle ils existent, par leur pratique et leur activité. Par terre du Bouddha, on veut dire une terre dans laquelle un bouddha existe actuellement ou dans un passé récent, et a ainsi établi un sangha de bodhisattvas et/ou de moines. [paragraphe]

7. Kumarajiva a traduit le titre "Vajracchedika Prajnaparamita Sutra" simplement par "Vajra Prajnaparamita Sutra"'. Le traducteur a corrigé ce détail par esprit de précision. [paragraphe]

8. Cette affirmation contient la signification essentielle de ce sûtra et est l'un des principau x messages des sûtras de la Prajnaparamita de façon générale. [paragraphe]

9. La première perfection (paramita) est l'aumône (dana). Les autres cinq de ces six perfections sont: la vertu (sila), la persévérance (kshanti), la vigueur (virya), la méditation (dhyana),et la sagesse (prajna). [paragraphe]


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