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© Nanabozho (Gichi Wabush)


Le sûtra de la descente au Lanka, est censé avoir été transmis à la Chine par Bodhidharma, dont on dit qu'il s'en servait comme du seau de sa transmission. Cette version a été traduite de l'anglais au français par moi à partir de la version de Daisetz Teitaro Suzuki ainsi que d'autres éléments non identifiés. Je recevrai avec gratitude et humilité les observations des lecteurs.

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka (3°partie)

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Chapitre IV

Parfaite Connaissance ou Connaissance de la Réalité.

Alors Mahâmati demanda au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, des cinq Dharmas, que nous puissions pleinement comprendre la connaissance parfaite?

Le Béni du Ciel répondit: Les cinq Dharmas sont: apparence, nom, discrimination, connaissance correcte, et Réalité. Par apparence on entend ce qui se révèle soi-même aux sens et à l'esprit discriminant et est perçu comme forme, son, odeur, goût, et toucher. De ces apparences se forment des idées, comme l'argile, l'eau, une cruche, etc., par lesquelles on dit : ceci est telle et telle chose et pas une autre &emdash; ceci est un nom. Lorsque les apparences sont contrastées et les noms comparés, comme quand on dit: ceci est un éléphant, ceci est un cheval, une charrette, un piéton, un homme, une femme, ou ceci est l'esprit et ce qui lui appartient &emdash; on dit des choses ainsi nommées qu'elles sont discriminées. Comme on finit par voir ces discriminations comme mutuellement conditionnantes, comme vides de substance autonome, comme non-nées, c'est ainsi qu'on en vient à les voir comme elles sont réellement, c'est-à-dire en tant que manifestations de l'esprit lui-même &emdash; ceci est la connaissance correcte. Par elle les sages cessent de considérer les apparences et les noms comme des réalités.

Lorsque apparences et noms sont mis de côté et que cessent toutes discriminations, ce qui reste est la vraie et essentielle nature des choses et, comme rien peut être prédiqué selon la nature de l'essence, on l'appelle «l'Ainsité» de la Réalité. Cette universelle, indifférenciée, inscrutable «Ainsité» est la seule réalité mais elle est diversement caractérisée par la Vérité, l'Essence mentale, l'Intelligence transcendantale, la Noble Sagesse, etc. Ce Dharma de l'absence d'image dans la Nature-essence de la Réalité ultime est le Dharma qui a été proclamé par tous les bouddhas, et quand toutes choses sont comprises en plein accord avec lui, on est en possession de la Parfaite Connaissance, et on est en route pour l'accession à l'Intelligence transcendantale des Tathagatas.

* * *

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Ces trois natures propres des choses, des idées, et de la Réalité, doit-on les considérer comme inclues dans les Cinq Dharmas, ou selon qu'elles ont leurs propres caractéristiques complètes en elles-mêmes.

Le Béni du Ciel répondit: Les trois natures propres, l'octuple système mental, et la double absence d'existence propre sont toutes inclues dans les Cinq Dharmas. La nature propre des choses, des idées, et de l'octuple système mental, correspond avec le Dharma de l'apparence, du nom et de la discrimination; la nature propre de l'Esprit universel et de la Réalité correspond aux Dharmas de la connaissance correcte et de «l'Ainsité».

En s'attachant à ce qui est vus par l'esprit lui-même, il y a une activité éveillée qui est perpétuée par l'énergie de l'habitude qui devient manifeste dans le système mental, des activités du système mental provient la notion d'une âme dotée d'une existence propre et de ses possessions; les discriminations, attachements, et la notion d'une âme dotée d'une existence propre, surgissant simultanément comme le soleil et ses rayons de lumière. Par l'absence d'existence propre des choses, on entend que les éléments qui constituent les agrégats de personnalité et son monde objectif étant caractérisés par la nature de maya et dépourvus de quoi que ce soit qui puisse être appelé substance intrinsèque, ils sont donc non-nés et n'ont pas de nature propre. Comment peut-on dire des choses qu'elles ont une âme dotée d'une existence propre? Par l'absence d'existence propre des personnes, on entend que dans les agrégats qui constituent la personnalité il n'y a pas de substance intrinsèque, ni quoi que ce soit qui soit comme an substance intrinsèque ni qui y appartienne. Le système mental, qui est la marque la plus caractéristique de la personnalité, tire son origine de l'ignorance, de la discrimination, du désir et des actes; et ses activités sont perpétuées par le fait de percevoir, de saisir et de s'attacher aux objets comme s'ils étaient réels. La mémoire de ces discriminations, désirs, attachements et actes est emmagasinée dans l'Esprit universel depuis des temps immémoriaux, continue de s'accumuler là où elle conditionne l'apparence de la personnalité et de son environnement, et entraîne des changements et une destruction constants d'un moment à l'autre. Les manifestations sont comme une rivière, une semence, une lampe, un nuage, le vent; l'esprit universel dans sa voracité à tout emmagasiner, est comme un singe qui ne reste jamais au repos, comme une mouche toujours en quête de nourriture et sans partialité, comme un feu qui n'est jamais satisfait, comme une machine à élever l'eau qui continue de tourner. L'esprit universel comme souillé par l'énergie de l'habitude est comme un magicien qui fait apparaître et se déplacer des choses et des gens fantômes. Une complète compréhension de ces choses est nécessaire pour comprendre l'absence d'existence propre des personnes.

Il y a quatre sortes de Connaissance: la connaissance de l'apparence, la connaissance relative, la connaissance parfaite, et l'Intelligence transcendantale. La connaissance de l'apparence appartient aux ignorants et aux simples d'esprit qui sont accros à la notion de l'être et du non-être, et qui ont peur à l'idée d'être non-nés. Elle est produite par la concordance de la triple combinaison et s'attache elle-même aux multiplicités des objets; elle est caractérisée par l'obtensibilité et l'accumulation; elle est sujette à la naissance et à la destruction. La connaissance de l'apparence appartient aux faiseurs de mots qui se régalent de discriminations, d'assertions et de négations.

La connaissance relative appartient au monde mental des philosophes. Elle naît de la capacité de l'esprit à arranger, combiner et analyser ces relations par ses pouvoirs de logique discursive et d'imagination, en raison desquels il peut jeter un regard au sens et à la signification des choses. La connaissance parfaite appartient au monde des Bodhisattvas qui reconnaissent que toutes choses ne sont que manifestations de l'esprit; qui comprennent clairement la vacuité, la "non-né-ité", l'absence d'existence propre de toutes choses; et qui sont entrés dans une compréhension des Cinq Dharmas, la double absence d'existence propre, et dans la vérité de l'absence d'image. La connaissance parfaite différencie les étapes de Bodhisattva, et est la piste et l'entrée dans l'état exalté d'auto-réalisation de la Noble Sagesse.

La connaissance parfaite (jñana) appartient aux Bodhisattvas qui sont entièrement libres du dualisme de l'être et du non-être, de la non-naissance et de la non-annihilation, de toutes assertions et négations, et qui, en raison de l'auto-réalisation, ont gagné une pénétration dans la vérité de l'absence d'existence propre et de l'absence d'image. Ils ne discriminent plus le monde comme étant sujet à causalité: ils considèrent la causalité qui règle le monde comme quelque chose de semblable à la fameuse cité des Gandharvas. Pour eux, le monde est comme une vision et un rêve, il est comme la naissance et la mort de l'enfant d'une femme stérile; pour eux, il n'y a rien qui évolue et rien qui disparaisse.

Les sages qui chérissent la connaissance parfaite peuvent être répartis en trois classes: disciples, maîtres et Arhats. Les disciples ordinaires qui sont séparés des maîtres en tant que disciples ordinaires continuent à chérir la notion d'individualité et de généralité; les maîtres s'élèvent du rang des disciples ordinaires quand, abandonnant les erreurs d'individualité et de généralité, ils s'accrochent encore à la notion d'une âme dotée d'une existence propre, en raison de quoi ils s'en vont d'eux-mêmes dans la retraite et la solitude. Les Arhats se distinguent du lot lorsque l'erreur de toute discrimination est réalisée. L'erreur discriminée par les sages se transforme en Vérité par vertu du «retournement» qui a lieu au sein de la plus profonde conscience. L'esprit, ainsi emancipé, pénètre dans la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.

Mais, Mahâmati, si tu soutiens qu'il existe une chose telle que la Noble Sagesse, cela ne tient plus, car quoi que ce soit dont quelque chose est postulé participe en conséquence de la nature de l'être et est donc caractérisé par la qualité de la naissance. L'assertion même: «Toutes choses sont non-nées» en détruit la vérité. Il en va de même des postulats: «Toutes choses sont vides», et «Rien n'a de nature propre» &emdash; tous deux sont intenables quand on les met sous forme d'assertion. Mais quand on fait remarquer que toutes choses sont comme un rêve et une vision, cela signifie que dans un sens ils sont perçus, et que dans un autre sens ils ne sont pas perçus; c'est-à-dire que dans l'ignorance ils sont perçus, mais que dans la connaissance parfaite ils ne sont pas perçus. Toutes assertions et négations étant des constructions intellectuelles, elles sont non-nées. Même l'assertion que l'Esprit universel et la Noble Sagesse sont la Réalité ultime, est une construction intellectuelle et, c'est pourquoi elle est non-née. En tant que «choses» il n'y a pas d'Esprit universel, il n'y a pas de Noble Sagesse, il n'y a pas de Réalité ultime. La pénétration des sages qui se déplacent dans le domaine de l'absence d'image et sa solitude, est pure. C'est-à-dire que pour les sages toutes «choses» sont balayées et que même l'état d'absence d'image cesse d'exister.

 


Chapitre V

Le système mental

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend par l'esprit (citta)?

Le Béni du Ciel répondit: Toutes choses de ce monde, qu'elles soient apparemment bonnes ou mauvaises, défectueuses ou sans défaut, productrices d'effet ou non-productrices d'effet, réceptives ou non-réceptives, peuvent être réparties en deux classes: mauvais écoulements et bien qui ne s'écoule pas. Les cinq éléments de saisie qui constituent les agrégats de la personnalité, c'est-à-dire, la forme, la sensation, la perception, la discrimination, et la conscience, et qu'on s'imagine être bons et mauvais, prennent leur origine dans l'énergie de l'habitude du système mental &emdash; ce sont les mauvais écoulements de la vie. Les réalisations spirituelles et les joies des Samadhis et la fructification des Samapatis auxquelles arrivent les sages grâce à leur auto-réalisation de la Noble Sagesse et qui culminent dans leur retour et leur participation aux relations du triple monde sont appelées le bien qui ne s'écoule pas.

Le système mental qui est la source des mauvais écoulements est constitué des cinq organes sensoriels et de leurs mentations sensorielles concomitantes (vijñanas) qui sont tous unifiés dans l'esprit discriminant (manovijñana). Il y a une succession ininterrompue de concepts sensoriels s'épanchant dans cet esprit discriminant ou pensant, qui les recombine, les discrimine entre eux et passe des jugements sur eux selon leur bonté ou leur méchanceté. Alors s'ensuit une aversion envers eux ou un désir pour eux et de l'attachement et des actes; c'est ainsi que le système tout entier poursuit de façon continue, lié ensemble de façon très compacte. Mais il échoue à voir et à comprendre que ce qu'il voit, discrimine et saisit n'est qu'une manifestation de sa propre activité et n'a pas d'autre base, et c'est ainsi que l'esprit continue de percevoir et de discriminer erronément les différences de formes et de qualités, sans rester tranquille ne fut-ce qu'une minute.

Il y a dans le système mental trois modes distincts d'activité : les mentations sensorielles qui fonctionnent tout en demeurant dans leur nature originelle, les mentations sensorielles comme produisant des effets, et les mentations sensorielles comme évoluant. Dans leur fonctionnement normal, les mentations sensorielles saisissent les éléments appropriés du monde extérieur, par lesquels sensation et perception se produisent instantanément et par degrés dans tous les organes sensoriels et toutes les mentations sensorielles, dans les pores de la peau, et même dans les atomes qui constituent le corps, par lesquels le champ tout entier est appréhendé comme un miroir reflète les objets, et sans se rendre compte que le monde extérieur lui-même n'est qu'une manifestation de l'esprit. Le second mode d'activité produit des effets par lesquels ces sensations réagissent sur l'esprit discriminant de façon à produire des perceptions, des attractions, des aversions, de la saisie, des actes et des habitudes. Le troisième mode d'activité est en rapport avec la croissance, le développement et la fin du système mental, c'est-à-dire que le système mental est sujet à sa propre énergie de l'habitude accumulée depuis des temps immémoriaux, comme par exemple: l' «oeillitude» dans les yeux qui les prédispose à saisir et s'attacher aux formes et apparences multiples. De la sorte, les activités du système mental évoluant en raison de son énergie de l'habitude entraînent des vagues d'objectivité en face de l'Esprit universel qui, en retour, conditionne les activités et l'évolution du système mental. Les apparences, la perception, l'attraction, la saisie, les actes, l'habitude, la réaction, se conditionnent mutuellement de façon incessante, et c'est ainsi que les mentations sensorielles en fonctionnement, l'esprit discriminant et l'Esprit universel sont liés ensemble. Donc, en raison de la discrimination de ce qui par nature n'est que fausse-imagination irréelle et erronée et semblable à maya , le raisonnement a lieu, l'action s'ensuit et son énergie de l'habitude s'accumule, souillant par voie de conséquence la pure face de l'Esprit universel, avec pour résultat que le système mental se met en marche et que le corps physique prend sa genèse. Mais l'esprit discriminant n'a pas pensé que, par ses discriminations et ses attachements, il conditionne le corps tout entier et qu'ainsi les mentations sensorielles et l'esprit discriminant continuent d'être en relation mutuelle et en conditionnement mutuel de la façon la plus intime et se construisent un monde de représentation des activités de sa propre imagination. De même qu'un miroir reflète les formes, les sens de la perception perçoivent les apparences que l'esprit discriminant rassemble et s'active à discriminer, à nommer et à s'attacher. Entre ces deux fonctions il n'y a pas d'espace, mais elles sont néanmoins mutuellement conditionnantes. Le sens percepteur saisit ce pour quoi il a une affinité, et il y a une transformation qui a lieu dans leur structure en raison de laquelle l'esprit s'active à combiner, discriminer, informer, et agir; alors s'ensuit l'énergie de l'habitude et l'établissement de l'esprit et sa continuation.

L'esprit discriminant, à cause de sa capacité à discriminer, juger, sélectionner et raisonner, est également appelé l'esprit pensant, ou esprit intellectuel. Il y a trois divisions de son activité mentale: la mentation qui fonctionne en connexion avec l'attachement aux objets et aux idées, la mentation qui fonctionne en connexion avec les idées générales, et la mentation qui examine la validité de ces idées générales. La mentation qui fonctionne en connexion avec l'attachement aux objets et aux idées, dérivée de la discrimination, discrimine l'esprit de ses processus mentaux et accepte les idées en provenant comme étant réelles et s'y attache. On arrive ainsi à une variété de faux jugements qui sont multiplicité, individualité, valeur, etc., une forte saisie se produit qui est perpétuée par l'énergie de l'habitude et c'est ainsi que la discrimination continue à se postuler elle-même.

Ces processus mentaux donnent lieu à des conceptions générales sur la chaleur, la fluidité, la mobilité, et la solidité, comme étant caractéristiques des objets de discrimination, cependant que l'attachement tenace à ces idées générales donne lieu à des propositions, des raisonnements, des définitions, et des illustrations, qui mènent toutes à l'assertion de la connaissance relative et à l'établissement de la confiance en la naissance, en la nature propre, et en une âme dotée d'une existence propre. Par la mentation comme fonction examinante, on entend l'acte intellectuel d'examiner ces conclusions générales selon leur validité, signification, et fiabilité. Ceci est la faculté qui amène à la compréhension, à la connaissance correcte et indique le chemin de l'auto-réalisation.

* * *

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, quelle est la relation de la personnalité dotée d'une existence propre avec le système mental?

Le Béni du Ciel répondit: Pour l'expliquer, il est d'abord nécessaire de parler de la nature propre des cinq agrégats de la saisie qui constituent la personnalité, quoique, comme je l'ai déjà montré, ils sont vides, non-nés, et sans nature propre. Ces cinq agrégats de la saisie sont: la forme, la sensation, la perception, la discrimination, la conscience. Parmi celles-ci, la forme appartient à ce qui est constitué de ce qu'on appelle les éléments primaires, quoi qu'ils puissent être. Les quatre agrégats qui restent sont sans forme et ne doivent pas être conçus comme quatre, parce qu'ils se fondent imperceptiblement l'un dans l'autre. Ils sont comme l'espace qu'on ne peut pas compter; ce n'est que du fait de l'imagination qu'ils sont discriminés et assimilés à l'espace. Comme les choses sont dotées des apparences de l'être, des marques caractéristiques, de la perceptibilité, de la demeure, du travail, on peut dire qu'ils sont nés de causes productrices d'effets, mais on ne peut pas dire cela de ces quatre agrégats intangibles car ils sont sans aucune forme de marques. Ces quatre agrégats mentaux qui constituent la personnalité sont au-delà de la calculabilité, ils sont au-delà des quatre propositions, ils n'ont pas à être prédiqués comme existants ou comme non-existants, mais ensemble ils constituent ce qu'on connaît comme l'esprit mortel.

Ils sont encore plus de la nature de maya et oniriques que ne le sont les choses, néanmoins, en tant qu'esprit mortel discriminant, ils obstruent l'auto-réalisation de la Noble Sagesse. Mais ce n'est que par les ignorants qu'ils sont énumérés et pris pour une personnalité dotée d'une existence propre; ce n'est pas ce que font les sages. Cette la discrimination des cinq agrégats qui constituent la personnalité et qui servent de base pour une âme dotée d'une existence propre et d'appui pour ses désirs et intérêts propres doit être abandonnée, et à la place, il est préférable d'établir la vérité de l'absence d'image et de la solitude.

* * *

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, de l'Esprit universel et de sa relation au système mental inférieur?

Le Béni du Ciel répondit: Les mentations sensorielles et leur esprit discriminant centralisé sont en relation au monde extérieur qui est une manifestation de lui-même et qui se laisse aller à percevoir, à discriminer, et à se saisir de ses apparences de la nature de maya. L'Esprit universel (Alaya-vijñana) transcende toute individuation et toutes limites. L'Esprit universel est absolument pur dans sa nature essentielle, subsistant inchangé et exempt des défauts de l'impermanence, imperturbé par l'égoïsme, non troublé par les distinctions, les désirs et les aversions.

L'Esprit universel est comme un grand océan: sa surface est ridée par des vagues et des lames de fond mais ses profondeurs restent à jamais impassibles. En lui-même il est dépourvu de personnalité et de tout ce qui y appartient, mais en raison des souillures à sa surface, il est comme un acteur qui joue une variété de rôles, entre lesquels a lieu un fonctionnement mutuel qui fait surgir le système mental. Le principe de l'intellection se divise et l'esprit, les fonctions de l'esprit, les mauvais écoulements de l'esprit, prennent leur individuation. La septuple gradation de l'esprit apparaît: c'est-à-dire, l'auto-réalisation intuitive, la discrimination pensante et désirante, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher, et toutes leurs interactions et réactions prennent leur envol.

L'esprit discriminant est la cause des mentations sensorielles et leur support, et avec elles, il est maintenu en fonctionnement alors qu'il décrit et s'attache à un monde des objets, et alors, au moyen de son énergie de l'habitude, il souille la face de l'Esprit universel. L'Esprit universel devient donc le magasin et le débarras de tous les produits accumulés de la mentation et de l'action depuis des temps immémoriaux.

Entre l'Esprit universel et l'esprit discriminant individuel, il y a l'esprit intuitif (manas) qui dépend de l'Esprit universel pour sa cause et son soutien et entre en relation avec les deux. Il participe de l'universalité de l'Esprit universel, partage sa pureté, et comme elle, est au-dessus de la forme et de la transitoriété. C'est par l'esprit intuitif que se fait jour le bien sans écoulements, qu'il est manifesté et réalisé. Il est heureux que l'intuition ne soit pas momentané, car si l'éveil qui provient de l'intuition était momentané, les sages perdraient leur «sagesse» ce qui n'est pas le cas. Mais l'esprit intuitif entre en relations avec le système mental inférieur, partage ses expériences et réfléchit sur ses activités.

L'esprit intuitif ne fait qu'un avec l'Esprit universel, en raison de sa participation à l'Intelligence transcendantale (Arya-jñana), et il ne fait qu'un avec le système mental de par sa compréhension de la connaissance différenciée (vijñana). L'esprit intuitif n'a pas de corps propre ni aucune des marques par lesquelles il pourrait être différencié. L'Esprit universel est sa cause et son soutien mais il a évolué avec la notion d'un existence propre et de ce qui lui appartient, notion à laquelle il s'accroche et sur laquelle il réfléchit. C'est par l'esprit intuitif, par la faculté d'intuition qui est un mélange, et de l'identité, et de la perception, que l'inconcevable sagesse de l'Esprit universel est révélée et rendue réalisable. Comme l'Esprit universel, il ne peut pas être la source de l'erreur.

* * *

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend par cessation du système mental?

Le Béni du Ciel répondit: Les cinq fonctions sensorielles et leur fonction discriminante et pensante ont leurs apparitions et leur fin complète d'un moment à l'autre. Elles sont nées avec la discrimination comme cause, et avec la forme, l'apparence et l'objectivité étroitement liées ensemble comme condition. L'envie de vivre est la mère, l'ignorance est le père. L'avidité est multipliée par l'établissement de noms et de formes, et c'est ainsi que l'esprit continue d'être mutuellement conditionnant et d'être conditionné. L'erreur apparaît, la fausse-imagination en raison du plaisir et de la douleur apparaît, et la voie de l'émancipation est bloquée par l'attachement aux noms et aux formes, parce qu'on ne se rend pas compte qu'ils n'ont pas plus de fondement que les activités de l'esprit lui-même. Le système inférieur de mentations sensorielles et l'esprit discriminant ne souffrent pas réellement le plaisir et la douleur &endash; ils s'imaginent seulement le faire. Plaisir et douleur sont les trompeuses réactions de l'esprit mortel lorsqu'il se saisit d'un monde objective imaginaire.

Il y a deux manières de cessation du système mental: en ce qui concerne la forme, et en ce qui concerne la continuation. En ce qui concerne la forme, les organes sensoriels fonctionnent par interaction de la forme, du contact et de la saisie; et ils cessent de fonctionner quand ce contact est rompu. En ce qui concerne la continuation, quand cessent ces interactions de la forme, du contact et de la saisie, il n'y a pas plus de continuation de la vue, de l'ouïe et d'autres fonctions sensorielles; avec la cessation de ces fonctions sensorielles, les discriminations, saisies et attachements de l'esprit discriminant cessent; et avec leur cessation, les actes, les faits et leur énergie de l'habitude cessent, et il n'y a plus d'accumulation de souillures karmiques sur la face de l'Esprit universel.

Si l'esprit mortel évoluant était de même nature que l'Esprit universel, la cessation du système mental inférieur entraînerait la cessation de l'Esprit universel, mais ils sont différents car l'Esprit universel n'est pas la cause de l'esprit mortel. Il n'y a pas de cessation de l'Esprit universel dans sa pure et essentielle nature. Ce qui cesse de fonctionner n'est pas l'Esprit universel dans sa nature essentielle, mais bien la phénomène des souillures productrices d'effets sur sa face, causées par l'accumulation d'énergie de l'habitude des activités de l'esprit mortel discriminant et pensant. Il n'y a pas de cessation de l'esprit divin qui, en lui-même, est la demeure de la Réalité et la Matrice de la Vérité.

Par cessation des mentations sensorielles on entend, non pas la cessation de leurs fonctions perceptives, mais la cessation de leurs activités discriminantes et nominatives qui sont centralisées dans l'esprit mortel discriminant. Par cessation du système mental dans son ensemble on entend, la cessation de la discrimination, l'enlèvement des divers attachements, et donc l'enlèvement des souillures de l'énergie de l'habitude sur la face de l'Esprit universel, souillures accumulées depuis des temps immémoriaux en raison de ces discriminations, attachements, raisonnements erronés, et actes consécutifs. La cessation de l'aspect de continuation du système mental, c'est-à-dire que l'esprit mortel discriminant le monde de maya et du désir disparaît tout entier. Le Nirvâna, c'est se débarrasser de l'esprit mortel discriminant.

Mais la cessation de l'esprit discriminant ne peut avoir lieu tant qu'il n'y a pas eu «retournement» au siège le plus profond de la conscience. Il faut abandonner l'habitude mentale de regarder par l'esprit discriminant hors de soi sur un monde objectif extérieur, et mettre en place une nouvelle habitude de se rendre compte de la Vérité au sein de l'esprit intuitif en ne faisant plus qu'un avec La Vérité elle-même. Et cela, jusqu'à ce qu'on arrive à cette auto-réalisation intuitive de la Noble Sagesse. Le système mental évolutif continuera d'être. Mais quand on arrive à une pénétration dans les cinq Dharmas, dans les trois natures propres, et dans la double absence d'existence propre, la voie s'ouvre alors pour que ce «retournement» ait lieu. Avec la fin du plaisir et de la douleur, de idées contradictoires, des troublants intérêts de l'égoïsme, on arrive à un état de tranquillisation dans lequel la vérité de l'émancipation est pleinement comprise et où il n'y a plus de mauvais écoulements du système mental qui puissent interférer avec la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.

 


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