Accueil   Culture du Lotus   Maître Gudo    Articles   Doctrine   Canon Pali
Sutras Mahayana   Humour   Histoire   Galerie   Contact   Liens

© Nanabozho (Gichi Wabush)

Le sûtra de la descente au Lanka, est censé avoir été transmis à la Chine par Bodhidharma, dont on dit qu'il s'en servait comme du seau de sa transmission. Cette version a été traduite de l'anglais au français par moi à partir de la version de Daisetz Teitaro Suzuki ainsi que d'autres éléments non identifiés. Je recevrai avec gratitude et humilité les observations des lecteurs.

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka (2°partie)

[Aller à la première partie]

Chapitre III

Connaissance correcte ou Connaissance des Relations

Alors Mahâmati dit: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, de l'être et du non-être de toutes choses.

Le Béni du Ciel répondit: Les gens de ce monde dépendent dans leur pensée de l'une de deux choses : de la notion de l'être par laquelle ils prennent plaisir au réalisme, ou de la notion de non-être par laquelle ils prennent plaisir au nihilisme; dans chacun de ces cas, ils imaginent une émancipation là où il n'y a pas d'émancipation. Ceux qui dépendent des notions de l'être, considèrent que le monde tire son origine d'une causalité qui existerait réellement, et que ce monde qui existerait et deviendrait réellement ne tire pas son origine d'une causalité qui est non-existante. Ceci est la vue réaliste que soutiennent certaines personnes. Ensuite il y a d'autres gens qui dépendent de notion de non-être de toutes choses. Ces gens admettent l'existence de l'avidité, de la colère et de la bêtise, et en même temps ils nient l'existence de choses qui produisent l'avidité, la colère et la bêtise. Ceci n'est pas rationnel, car l'avidité, la colère et la bêtise ne doivent plus être tenues pour réelles; elles n'ont ni substance ni marques individuelles. Là où il y a un état d'asservissement, il y a des liens et des moyens pour lier ; mais là où il y a émancipation, comme dans le cas des Bouddhas, des Bodhisattvas, des maîtres et des disciples, qui ont cessé de croire et à l'être et au non-être, il n'y a ni asservissement, ni liens, ni moyens pour lier. Il vaut mieux chérir la notion d'une substance de l'existence propre que d'entretenir la notion d'une vacuité dérivée de la vue de l'être et du non-être, car ceux qui croient cela échouent à comprendre le fait fondamental que le monde extérieur n'est rien qu'une manifestation de l'esprit. Comme ils voient que les choses sont transitoires, provenant d'une cause et disparaissant en vertu d'une cause, parfois se divisant, parfois se combinant dans les éléments qui constituent les agrégats de la personnalité et son monde extérieur et parfois disparaissant, ils sont condamnés à souffrir à chaque instant des changements qui se suivent, l'un après l'autre, et sont finalement condamnés à la ruine.

* * *

Alors Mahâmati interrogea le Béni du Ciel, en disant: Dites-nous, ô Béni du Ciel, comment toutes choses peuvent être vides, non-nées, et ne pas avoir de nature propre, que nous puissions être éveillés et réaliser rapidement l'Eveil supérieur?

Le Béni du Ciel répondit: Qu'est-ce que la vacuité, effectivement! C'est là un terme dont la nature propre est elle-même une fausse-imagination, mais à cause de l'attachement de chacun à cette fausse-imagination, nous sommes obligés de parler de la vacuité, de la non-naissance, et de l'absence de nature propre. Il y a sept sortes de vacuité: la vacuité de mutualité qui est non-existante; la vacuité des marques individuelles; la vacuité de la nature propre; la vacuité du non-travail, la vacuité du travail; la vacuité de toutes choses au sens où ils sont imprédictibles, et la vacuité dans son sens le plus élevé de Réalité ultime.

Par la vacuité de mutualité qui est non-existante on entend que lorsqu'une chose manque ici, on en parle comme étant vides ici. Par exemple: dans la salle de conférences de Mrigarama il n'y a pas d'éléphants présents, ni de taureaux, ni de moutons; mais pour ce qui est des moines, il y en a beaucoup de présents. Nous pouvons correctement parler de la salle comme étant vide dans la mesure où il s'agit d'animaux. On ne dit pas que la salle est vide de ses propres caractéristiques, ou que les moines sont vides de ce qui fait leur état de moine, ni qu'à d'autres endroits, il n'y a pas d'éléphants, de taureaux, ni de moutons. Dans ce cas nous parlons de choses sous leur aspect de l'individualité et la généralité, mais du point de vue de la mutualité certaines choses n'existent pas quelque part. Ceci est la forme la plus basse de la vacuité et elle doit être scrupuleusement écartée.

Par la vacuité des marques individuelles on entend que toutes choses n'ont aucunes marques distinctives d'individualité et de généralité. A cause des relations et interactions mutuelles, les choses sont superficiellement discriminées mais quand elles sont examinées et analysées plus avant et avec plus de soins, elles s'avèrent non-existantes et rien ne peut en être prédiqué selon l'individualité et la généralité. Donc quand les marques individuelles ne se peuvent plus voir, les idées de soi, d'altérité et de dualité, ne tiennent plus.

Il faut donc dire que toutes choses sont vides de marques du soi. Par vacuité de la nature propre on entend que toutes choses dans leur nature propre sont non-nées; c'est pourquoi l'on dit que les choses sont vides de nature propre. Par la vacuité de non-travail on entend que l'agrégat d'éléments qui constitue la personnalité et son monde extérieur est le Nirvâna lui-même et depuis le début il n'y a pas d'activité en eux; en conséquence de quoi, on parle de la vacuité de non-travail. Par la vacuité du travail on entend que les agrégats, étant dépourvus d'une existence propre et de ses accessoires, continuent de fonctionner automatiquement car il y a conjonction mutuelle de causes et conditions; c'est ainsi que l'on parle de la vacuité du travail. Par la vacuité de toutes choses au sens où elles sont imprédictibles on entend que, comme la nature propre de la fausse-imagination est en elle-même inexprimable, de même toutes choses sont imprédictibles, et sont en conséquence vides en ce sens. Par la vacuité au sens le plus élevé de la vacuité de la Réalité ultime, on entend que dans l'accession à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse il n'y a pas de trace de l'énergie de l'habitude générée par des conceptions erronées ; c'est ainsi que l'on parle de la plus élevée Vacuité de la Réalité ultime.

Lorsqu'on examine les choses au moyen de la connaissance correcte, on ne peut pas obtenir de signes qui pourraient les caractériser avec des marques d'individualité et de généralité, c'est pourquoi ils sont dits ne pas avoir de nature propre. Comme on voit que ces signes d'individualité et de généralité sont existants, tout autant qu'on sait qu'ils sont non-existants, qu'on voit qu'ils sortent, tout autant qu'on sait qu'ils ne sortent pas, ils ne sont jamais annihilés. Pourquoi est-ce vrai? Pour la raison qui suit : les signes individuels qui devraient constituer la nature propre de toutes choses sont non-existants. Encore une fois, dans leur nature propre, les choses sont et éternelles et non-éternelles. Les choses ne sont pas éternelles parce que les marques d'individualité apparaissent et disparaissent, c'est-à-dire que les marques de la nature propre sont caractérisées par la non-éternité. D'autre part, comme les choses sont non-nées et ne sont que créations de l'esprit, elles sont en un sens profond éternelles. C'est-à-dire que les choses sont éternelles à cause de leur non-éternité même.

Qui plus est, en plus de comprendre la vacuité de toutes choses autant en considération de la substance et de la nature propre, il est nécessaire que les Bodhisattvas comprennent clairement que toutes choses sont non-nées. Ce n'est pas en un sens superficiel qu'on postule que les choses ne sont pas nées, mais bien qu'au sens profond elles ne sont pas nées d'elles-mêmes.

Tout ce qui peut être dit, c'est que, relativement dit, il y a un flux constant de devenir, un changement momentané et ininterrompu d'un état d'apparence à un autre. Lorsqu'il est reconnu que le monde tel qu'il se présente lui-même n'est rien de plus qu'une manifestation de l'esprit, alors la naissance est vue comme non-naissance, et tous les objets existants, à propos desquels la discrimination postule qu'ils sont et ne sont pas, sont non-existants et ce, parce que non-nés; étant dépourvus d'agent et d'action, les choses sont non-nées.

Si les choses ne sont pas nées de l'être et du non-être, mais ne sont que des manifestations de l'esprit lui-même, elles n'ont pas de réalité, pas de nature propre : elles sont comme les cornes d'un lièvre, d'un cheval, d'un âne ou d'un chameau. Mais les ignorants et les simples d'esprit, qui pris au piège de leurs imaginations fausses et erronées, discriminent des choses là où elles ne sont pas. Pour les ignorants, la caractéristique des marques de la nature propre des propriétés et demeure du corps paraissent fondamentales et enracinées dans la nature même de l'esprit, c'est pourquoi ils discriminent leur multiplicité et s'y attachent.

Il y a deux sortes d'attachement: l'attachement aux objets en tant qu'ayant une nature propre, et l'attachement aux mots en tant qu'ayant une nature propre. Le premier vient du fait de ne pas savoir que le monde extérieur n'est qu'une manifestation de l'esprit lui-même; et le second provient de l'attachement aux mots et noms en raison de l'énergie de l'habitude. Dans l'enseignement de la non-naissance, la causalité n'est pas à sa place parce que, en voyant que toutes choses sont comme maya et un rêve, on ne discrimine pas entre les signes individuels. Que toutes choses soient non-nées et n'aient pas de nature propre parce qu'elles sont comme maya est postulé correspondre à la thèse des philosophes que la naissance est un produit de la causalité. Ils entretiennent la notion que la naissance de toutes choses dérive du concept de l'être et du non-être, et ils échouent à la considérer pour ce qu'elle est vraiment, causée par les attachements à la multiplicité qui provient des discriminations de l'esprit lui-même.

Ceux qui croient dans la naissance de quelque chose qui n'a jamais existé et qui, venant à exister, disparaît, sont obligés de postuler que les choses viennent à exister et disparaissent par voie de causalité &endash; ces gens ne trouvent pas pied dans mes enseignements. Lorsqu'on se rend compte qu'il n'y a rien qui soit né, et rien qui disparaisse, alors il n'y a pas de possibilité d'admettre l'être et le non-être, et l'esprit se tranquillise.

* * *

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Les philosophes déclarent que le monde surgit d'agents aléatoires selon la loi de causalité; ils posent que leur cause est non-née et n'est pas annihilée. Ils mentionnent neuf éléments primaires: Ishvara le Créateur, la Création, les atomes, etc., lesquels, étant élémentaires, sont non-nés et ne peuvent être annihilés. Le Béni du Ciel, tout en enseignant que toutes choses sont non-nées et qu'il n'y a pas d'annihilation, déclare aussi que le monde provient de l'ignorance, de la discrimination, de l'attachement, des actes, etc., qui travaillent selon la loi de causalité. Quoique les deux ensembles d'éléments puissent différer en forme et nom, il ne semble pas qu'il y ait une différence essentielle entre les deux positions. S'il y a quoi que ce soit qui soit distinctive et supérieur dans l'enseignement du Béni du Ciel, je vous prie de nous dire, ô Béni du Ciel, qu'est-ce que c'est?

Le Béni du Ciel répondit: Mon enseignement de la non-naissance et de la non-annihilation n'est pas comme celui des philosophes, ni n'est-il comme leur doctrine de la naissance et l'impermanence. Ce à quoi les philosophes attribuent la caractéristique de la non-naissance et de la non-annihilation, c'est la nature propre de toutes choses, qui fait qu'elles tombent dans le dualisme de l'être et du non-être. Mon enseignement transcende l'entière conception de l'être et du non-être; il n'a rien à voir avec la naissance, la demeure et la destruction; ni avec existence ni la non-existence. J'enseigne que la multiplicité des objets n'ont pas de réalité en eux-mêmes mais ne sont que vues de l'esprit et, c'est pourquoi ils ont la nature de maya et d'un rêve. J'enseigne la non-existence des choses parce qu'elles ne portent les signes d'aucune nature propre inhérente. Il est vrai qu'en un sens elles sont vues et discriminées par les sens en tant qu'objets individualisés; mais dans un autre sens, à cause de l'absence de toute caractéristique des marques de la nature propre, elles ne sont pas vues mais ne sont qu'imaginées. Dans un sens, on peut les saisir, mais dans un autre sens, on ne peut pas les saisir.

Lorsqu'il est clairement compris qu'il n'y a rien au monde qui ne soit qu'une vue de l'esprit lui-même, la discrimination n'a plus lieu, et les sages sont installés dans leur vraie demeure qui est le domaine de la quiétude. Les ignorants discriminent et s'efforcent de s'ajuster aux conditions extérieures, et ont l'esprit constamment perturbé; on imagine et on discrimine des irréalités, cependant que les réalités ne sont pas vues et sont ignorées. Il n'en va pas de même avec les sages. Pour illustrer: Ce que voient les ignorants, c'est comme la cité magiquement créée des Gandharvas, où on peut voir des enfants, des rues et des maisons, et des marchands fantômes, et des gens qui entrent et sortent. Celle-ci, avec ses rues et maisons et ses gens qui entrent et sortent, on n'en pense pas qu'elle soit née ou annihilée, parce qu'en ce cas, il n'est pas question de leur existence ou non-existence. De la même manière, j'enseigne, qu'il n'y a rien de fait ni de défait; qu'il n'y a rien qui soit en rapport avec la naissance et la destruction sauf quand les ignorants chérissent des notions faussement imaginées sur la réalité du monde extérieur. Lorsqu'on ne voit pas et qu'on ne juge pas les objets selon ce qu'ils sont réellement en eux-mêmes, il y a discrimination et attachement aux notions de l'être et du non-être, et de la nature propre individualisée, et aussi longtemps que ces notions d'individualité et de nature propre persisteront, Les philosophes devront expliquer le monde extérieur par une loi de causalité.

Cette position soulève la question d'une cause première que les philosophes apportent en postulant que leur cause première, Ishvara et les éléments primaires, sont non-nés et non-annihilés; position qui est sans preuve et irrationnelle. Les gens ignorants et les philosophes mondains chérissent une sorte de non-naissance, mais ce n'est pas la non-naissance que j'enseigne. J'enseigne la "non-né-ité" de l'essence non-née de toutes choses, enseignement qui est établi dans l'esprit des sages par leur auto-réalisation de la Noble Sagesse. Une louche, de l'argile, un récipient, une roue, des semences ou des éléments &emdash; ce sont là des conditions extérieures; ignorance, discrimination, attachement, habitude, karma, - ce sont là des conditions intérieures. Lorsqu'on considère cet univers tout entier comme une concaténation et rien d'autre qu'une concaténation, alors l'esprit, par sa patiente acceptation de la vérité que toutes choses sont non-nées, obtient la tranquillité.


[Aller à la troisième partie]

Accueil   Culture du Lotus   Maître Gudo    Articles   Doctrine   Canon Pali
Sutras Mahayana   Humour   Histoire   Galerie   Contact   Liens

© Nanabozho (Gichi Wabush)