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Le sûtra de la descente au Lanka, est censé avoir été transmis à la Chine par Bodhidharma, dont on dit qu'il s'en servait comme du seau de sa transmission. Cette version a été traduite de l'anglais au français par moi à partir de la version de Daisetz Teitaro Suzuki ainsi que d'autres éléments non identifiés. Je recevrai avec gratitude et humilité les observations des lecteurs.
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka (5°partie)
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Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous en plus sur ce qui constitue l'état d'auto-réalisation?
Le Béni du Ciel répondit: Dans la vie d'un disciple sincère il y a deux aspects qu'il doive distinguer: ce sont l'état d'attachement aux natures propres, état qui provient de la discrimination de lui-même et du champ de conscience auquel il est apparenté; et ensuite, l'excellent état exalté de l'auto-réalisation de la Noble Sagesse. Cet état d'attachement aux discriminations de la nature propre des choses, des idées et du soi s'accompagne d'émotions de plaisir ou d'aversion selon l'expérience ou ainsi qu'il est exposé dans les livres de logique. Se conformant à l'absence d'existence-propre des choses et repoussant les vues fausses sur son existence-propre, il doit abandonner ces pensées et s'en tenir fermement au trajet d'ascension continue par toutes les étapes.
L'état exalté de l'auto-réalisation tel qu'il se rapporte à un disciple sincère est un état de concentration mentale dans lequel il cherche à s'identifier à la Noble Sagesse. Dans cet effort il doit tenter d'annihiler toutes les pensées et notions errantes qui relèvent de l'externalité des choses, et toute idée d'individualité et de généralité, de souffrance et d'impermanence, et cultiver l'idée la plus noble de l'absence d'existence-propre, de la vacuité et de l'absence d'image; c'est ainsi qu'il accédera à une réalisation de la vérité qui soit libre de passion et qui sera pour toujours sereine. Lorsque cet effort actif de concentration mentale réussit il est suivi d'un état de Samadhi plus passif et réceptif, dans lequel le disciple sincère va pénétrer dans le domaine bienheureux de la Noble Sagesse et où il fera l'expérience de ses achèvements dans les transformations de Samapatti. Ceci sera la première expérience pour un disciple sincère de l'état exalté de réalisation, mais pour l'heure il n'y aura pas encore d'abandon de l'énergie de l'habitude ni de libération des transformations de la mort.
Ayant atteint cet état exalté et bienheureux de réalisation dans la mesure où il peut être atteint par les disciples, le Bodhisattva ne doit pas s'adonner à la jouissance de sa béatitude, car cela signifierait la cessation, mais il doit penser avec compassion aux autres êtres et maintenir frais ses voeux originels; il ne devrait jamais se reposer ni s'adonner à la béatitude des Samadhis.
Cependant, Mahâmati, les disciples sincères continuent de tenter d'avancer sur la voie qui amène à la pleine réalisation. Il y a un danger contre lequel ils doivent être prévenus. Les disciples peuvent ne pas apprécier que le système mental, à cause de son énergie de l'habitude accumulée, continue de fonctionner, plus ou moins inconsciemment, aussi longtemps qu'ils vivent. Ils peuvent parfois penser qu'ils peuvent accélérer l'accession à leur but de tranquillisation en supprimant entièrement les activités du système mental. Ceci est une erreur, car même si les activités de l'esprit étaient supprimées, l'esprit continuerait encore de fonctionner parce que les semences de l'énergie de l'habitude y demeureront. Ce qu'ils croient être l'extinction de l'esprit, n'est en réalité que le non-fonctionnement du monde extérieur de l'esprit auquel ils ne sont plus attachés. C'est-à-dire que le but de la tranquillisation ne s'atteint pas en supprimant toute activité de l'esprit mais en se débarrassant des discriminations et des attachements.
Ensuite, il y en a d'autres qui, par peur de la souffrance qui tient aux discriminations de la vie et de la mort, recherchent imprudemment le Nirvâna. Ils en sont venus à voir que toutes les choses sujettes à la discrimination n'ont pas de réalité et s'imaginent ainsi que le Nirvâna doit consister dans l'annihilation des sens et de leur champs de sensation; ils ne se rendent pas compte que la naissance-et-mort et le Nirvâna ne sont pas séparés l'un de l'autre. Ils ne savent pas que le Nirvâna est l'Esprit universel dans sa pureté. C'est pourquoi ces personnes stupides qui s'accrochent à la notion que le Nirvâna est un monde par lui-même extérieur à ce qui est vu par l'esprit, ignorant tous les enseignements des Tathagatas à propos du monde extérieur, continuent de rouler eux-mêmes avec la roue de la naissance-et-mort. Mais quand ils font l'expérience du «retournement» au plus profond de leur conscience qui doit entraîner la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse, alors ils comprennent.
Le vrai fonctionnement de l'esprit est très subtil et difficile à comprendre pour les jeunes disciples, même les maîtres avec tous leur pouvoirs de connaissance correcte et leurs Samadhis le trouvent souvent déconcertant. Seuls les Tathagatas et les Bodhisattvas qui ont fermement établi le septième stade peuvent pleinement comprendre son fonctionnement. Ces disciples sincères et ces maîtres qui souhaitent pleinement comprendre tous les aspects des différents stades de l'état de Bodhisattva grâce à la connaissance correcte doivent le faire en se convainquant absolument que les objets de la discrimination ne sont que vus être ainsi par l'esprit, en se tenant loin de toute discrimination et tous faux raisonnements qui sont aussi du fait de l'esprit lui-même, en cherchant pour toujours à voir choses réellement (yathabhutam), et en plantant des racines de bonté dans les Terres de Bouddhas qui ne connaissent pas de limites dues à des différentiations.
Pour faire tout cela, le Bodhisattva doit bien se garder de tous troubles, excitations sociales et endormissements; qu'il se garde des traités et écrits des philosophes mondains, et du rituel et des cérémonies des prêtres professionnels. Qu'il se retire dans un endroit isolé, dans les forêts et qu'il s'y consacre à la pratique des diverses disciplines spirituelles, car ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra capable d'atteindre en ce monde de multiplicités une vraie pénétration du fonctionnement de l'Esprit universel dans son Essence. Là, entourés par leurs bons amis les Bouddhas, les disciples sincères seront capables de comprendre la signification du système mental et sa place en tant qu'agent de médiation entre le monde extérieur et l'Esprit universel, et il deviendra capable de traverser l'océan de la naissance-et-mort qui surgit de l'ignorance, du désir et des actes.
Etant arrivé à un complet entendement du système mental, des trois natures propres, de la double absence d'existence-propre, et s'étant établi dans la proportion d'auto-réalisation qui accompagne cette réalisation, toutes choses auxquelles il peut arriver par sa connaissance correcte, la voie sera libre pour les progrès ultérieurs du Bodhisattva tout au long des étapes de l'état de Bodhisattva. Le disciple devrait alors abandonner l'entendement de l'esprit auquel il est arrivé par la connaissance correcte, qui, en comparaison avec la Noble Sagesse, n'est qu'un âne boiteux, et en pénétrant dans les huit stades de l'état de Bodhisattva, il lui faudrait alors se discipliner lui-même dans la Noble Sagesse selon ses trois aspects.
Ces aspects sont: Tout d'abord, l'absence d'image qui vient au premier plan quand tout ce qui appartient à l'état de disciple, de maître et de philosophe est absolument maîtrisé. En second, le pouvoir ajouté par tous les bouddhas en raison de leurs voeux originels y-compris l'identification de leurs vies, le partage de leurs vies et de leurs mérites avec toutes les formes sensibles de vie. Troisièmement, la parfaite auto-réalisation que cela n'a été jusque là réalisé que dans une certaine mesure. Alors que le Bodhisattva réussit à se détacher lui-même de la considération de toutes choses, y-compris sa propre existence propre imaginées, dans leur phénoménalité, et réalise les états de Samadhi et de Samapatti par lesquels il compasse le monde comme une vision et un rêve, soutenu par tous les bouddhas, il sera capable de poursuivre vers la pleine réalisation du stade de Tathagata, qui est la Noble Sagesse elle-même. Ceci est la triplicité de la noble vie et c'est équipée de cette triplicité que l'on atteint la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.
Alors Mahâmati interrogea le Béni du Ciel, en disant: Béni du Ciel, la purification des mauvais écoulements de l'esprit qui proviennent de l'attachement aux notions d'un monde objectif et d'une âme empirique est-elle graduelle ou instantanée?
Le Béni du Ciel répondit: Il y a trois écoulements caractéristiques de l'esprit, c'est-à-dire, les mauvais écoulements qui surgissent de la soif, de la saisie et de l'attachement; les mauvais écoulements qui sont produits par les illusions de l'esprit et les obsessions de l'égoïsme; et du bien sans écoulements qui est produit par la Noble Sagesse.
Les mauvais écoulements qui ont lieu du fait de reconnaître un monde extérieur, qui en vérité n'est qu'une manifestation de l'esprit, et du fait de s'y attacher, sont graduellement purifiés et pas de façon instantanée. Le bon comportement ne peut venir que par voie de contrainte et d'effort. C'est comme un potier qui fait des pots qui sont faits graduellement et avec attention et effort. C'est comme la maîtrise de la comédie, de la danse, du chant, du jeu de luth, de l'écriture et de tout autre art; il doit être acquis graduellement et laborieusement. Ses récompenses seront une pénétration éclairante dans la vacuité et l'impermanence de toutes choses.
Les mauvais écoulements qui sont le fruit des illusions de l'esprit et des obsessions de l'égoïsme, concernent la vie mentale plus directement et sont des choses comme la peur, la colère, la haine et l'orgueil; on les purifie par l'étude et la méditation et cela aussi doit être atteint graduellement et pas de façon instantanée. C'est comme le fruit de l'amra qui mûrit lentement; c'est comme l'herbe, les buissons, les herbes et les arbres qui poussent graduellement en terre. Chacun doit suivre la voie de l'étude et de la méditation graduellement et avec effort par lui-même, mais en vertu des voeux originels des Bodhisattvas et de tous les Tathagatas qui ont consacré leurs mérites et identifié leurs vies à toute vie animée qui puisse être émancipée, ils ne manquent pas d'aide et d'encouragements; mais même avec l'aide des Tathagatas, la purification des mauvais écoulements de l'esprit est au mieux lente et graduelle, mais requiert et du zèle et de la patience. Sa récompense est la compréhension graduelle de la double absence d'existence-propre et sa patiente acceptation, et les pieds bien posés sur les étapes de l'état de Bodhisattva.
Mais du bien sans écoulements qui vient avec l'auto-réalisation de la Noble Sagesse, il y a une purification qui vient de façon instantanée par la grâce des Tathagatas. C'est comme un miroir qui reflète toutes formes et images de façon instantanée et sans discrimination; c'est comme le soleil ou la lune qui révèle toutes formes de façon instantanée et les illumine sans passion avec sa lumière. De la même manière les Tathagatas conduisent les disciples sincères à un état d'absence d'image; toutes les accumulations de l'énergie de l'habitude et du karma qui s'accumule depuis des temps immémoriaux à cause d'attachement à des vues erronées qui ont été nourries à propos d'une âme dotée d'une existence-propre et de son monde extérieur, sont nettoyées, révélant ainsi de façon instantanée le domaine de l'Intelligence transcendantale qui appartient à la Bouddhéité. Tout comme l'Esprit universel souillé par des accumulations d'énergie de l'habitude et de karma révèle des multiplicités d'âmes-egos et de leur mondes extérieurs de fausse-imagination, de même l'Esprit universel nettoyé de ses souillures par les purifications graduelles des mauvais écoulements qui viennent par l'effort, l'étude et la méditation, et par l'auto-réalisation graduelle de la Noble Sagesse brille, à la toute fin, de façon instantanée, comme le Dharmata Bouddha brillant spontanément des rayons qui sortent de sa pure nature propre. Par lui, la mentalité de tous les Bodhisattvas mûrit de façon instantanée: ils se trouvent eux-mêmes dans les demeures palatiales des cieux Akanistha, qui eux-mêmes irradient spontanément les divers trésors de son abondance spirituelle.
Mahâmati demanda au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites nous, ô Béni du Ciel, ce qu'est la fructification qui vient avec l'auto-réalisation de la Noble Sagesse?
Le Béni du Ciel répondit: Tout d'abord, il se produira une pénétration éclairante dans le sens et la signification des choses à la suite de quoi il y aura une pénétration révélatrice dans la signification des idéaux spirituels (Pâramitâ) grâce à laquelle le Bodhisattva pourra pénétrer plus profondément dans la demeure de l'absence d'image, pourra faire l'expérience de Samadhis supérieurs et passer graduellement à travers les stades supérieurs de l'état de Bodhisattva.
Après avoir vécu le «retournement» au plus profond de la conscience, ils feront l'expérience d'autres Samadhis jusqu'au plus élevé, le Vajravimbopama, qui appartient aux Tathagatas et à leurs transformations. Ils pourront pénétrer dans le domaine de la conscience qui se trouve au-delà de la conscience du système mental, même la conscience de l'Ainsité. Ils seront comme dotés de tous les pouvoirs, facultés psychiques, maîtrise de soi, compassion aimante, moyens habiles, et capacité à pénétrer dans d'autres Terres de Bouddhas. Avant qu'ils aient atteint l'auto-réalisation de la Noble Sagesse ils avaient été influencés par les intérêts propres de l'égoïsme, mais après leur accession à l'auto-réalisation ils se verront eux-mêmes réagir spontanément aux impulsions d'un grand coeur compatissant doté de moyens habiles et sans limites sincèrement et pleinement consacré à l'émancipation de tous les êtres.
Mahâmati dit: Béni du Ciel, parlez-nous du pouvoir de soutien des Tathagatas par lequel les Bodhisattvas sont aidés dans leur accession à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse?
Le Béni du Ciel répondit: Il y a deux sortes de pouvoir de soutien, qui sont issus des Tathagatas et sont au service des Bodhisattvas, qui les soutiennent et devant lesquels les Bodhisattvas devraient se prosterner et montrer leur appréciation en posant des questions. La première sorte de pouvoir de soutien est la propre adoration et foi dans les Bouddhas par le Bodhisattva, grâce auxquelles les Bouddhas sont capable de se manifester eux-mêmes et d'apporter leur aide et à les ordonner de leurs propres mains. La seconde sorte de pouvoir de soutien est le pouvoir qui irradie des Tathagatas, ce qui permet aux Bodhisattvas d'accéder aux, et de passer à travers les divers Samadhis et Samapattis sans se laisser intoxiquer par leur béatitude.
Soutenu par le pouvoir des Bouddhas, le Bodhisattva, même au premier stade, pourra accéder au Samadhi appelé Lumière du Mahâyana. Dans ce Samadhi, les Bodhisattvas prendront conscience de la présence des Tathagatas provenant de toutes leur différentes demeures dans les dix quartiers pour impartir aux Bodhisattvas leur pouvoir de soutien de différentes façons. De même que le Bodhisattva Vajragarbha fut soutenu dans ses Samadhis et de même que beaucoup d'autres Bodhisattvas de pareils degré et vertu ont été soutenus, de même tous les disciples sincères, maîtres et Bodhisattvas pourront faire l'expérience de ce pouvoir de soutien des Bouddhas dans leur Samadhis et Samapattis. La foi du disciple et le mérite du Tathagata sont deux aspects du même pouvoir de soutien et c'est par lui seul que les Bodhisattvas peuvent ne faire qu'un avec la compagnie des Bouddhas.
Quels que soient les Samadhis, facultés psychiques et enseignements qui sont réalisée par les Bodhisattvas, ils ne sont rendus possibles que par le pouvoir de soutien des Bouddhas; s'il en était autrement, les ignorants et les simples d'esprit seraient en mesure d'accéder à la même fructification. Partout où entrent les Tathagatas avec leur pouvoir de soutien, il y aura de la musique, pas seulement de la musique faite par des lèvres humaines et jouée par des mains humaines sur divers instruments, mais il y aura de la musique dans l'herbe, les buissons et les arbres, dans les villes et les montagnes, et les palais et les masures; bien plus y aura-t-il de la musique dans le coeur de ceux qui sont dotés de sentiment. Les sourds, les muets et les aveugles seront guéris de leurs déficiences et se réjouiront dans leur l'émancipation. Telle est l'extraordinaire vertu du pouvoir de soutien imparti par les Tathagatas.
Grâce au transfert de ce pouvoir de soutien, les Bodhisattvas sont en mesure d'éviter les maux de la passion, de la haine et du karma asservissant; ils sont en mesure de transcender le dhyâna des débutants et à avancer au-delà de l'expérience et de la vérité déjà atteintes; ils sont en mesure de démontrer les Pâramitâs; et finalement, d'accéder aux stades de l'Ainsité. Mahâmati, si ce n'était de ce pouvoir de soutien, ils retomberaient dans les voies et pensées des philosophes, des disciples peu exigeants ou mal intentionnés, et passeraient ainsi à côté de la réalisation la plus élevée. Pour ces raisons, les disciples et Bodhisattvas sincères sont soutenus par le pouvoir de tous les Tathagatas.
Alors Mahâmati dit: Il a été dit par le Béni du Ciel que c'est en accomplissant les six Pâramitâs qu'on réalise la Bouddhéité. Je vous en prie, dites-nous ce que sont les Pâramitâs, et comment elles doivent être accomplies?
Le Béni du Ciel répondit: Les Pâramitâs sont des idéaux de perfection spirituelle qui doivent être le guide des Bodhisattvas sur le chemin de l'auto-réalisation. Il y en a six mais ils faut les considérer de trois différentes façons selon à les progrès du Bodhisattva à travers les étapes. En tout premier, ils faut les considérer comme des idéaux pour la vie mondaine; ensuite comme des idéaux pour la vie mentale; et, finalement, comme des idéaux de la vie spirituelle et intuitive.
Dans la vie mondaine où on tient encore solidement à la notion d'une âme dotée d'une existence-propre et à ce qui s'y rapporte, et s'agrippant solidement aux discriminations du dualisme, ne fut-ce que pour les bénéfices mondains, on devrait chérir les idéaux de charité, de bon comportement, de patience, de zèle, de prévenance et de sagesse. Même dans la vie mondaine, la pratique de ces vertus rapportera des récompenses de bonheur et de succès.
C'est d'autant plus que, dans leur monde mental, leur pratique apportera aux disciples sincères et maîtres les joies de l'émancipation, de l'éveil et de la paix de l'esprit, parce que les Pâramitâs sont fondées sur la connaissance correcte et conduisent aux pensées de Nirvâna, même si le Nirvâna de leurs pensées est pour eux-mêmes. Dans le monde mental, les Pâramitâs deviennent plus idéales et sympathiques; la charité ne pourra plus s'exprimer dans des dons impersonnels mais requerra les dons plus précieux de la sympathie et de la compréhension; le bon comportement requerra quelque chose de plus qu'une conformité superficielle avec les cinq préceptes parce qu'à la lumière des Pâramitâs il faudra pratiquer l'humilité, la simplicité, la mesure et le don de soi. La patience requerra quelque chose de plus que l'indulgence pour les circonstances extérieures et le tempérament des autres: il faudra désormais faire preuve de patience avec soi-même. Le zèle requerra quelque chose de plus que l'industrie et les démonstrations superficielles de sérieux: il faudra plus de contrôle de soi dans les tâches qui consistent à suivre le Noble Sentier et à manifester le Dharma dans sa propre vie. La prévenance cédera la place à l'attention, cependant que la discrimination des significations, des déductions logiques et des rationalisations cédera la place aux intuitions de signification et d'esprit. Le Pâramitâ de Sagesse (Prajñâ) n'aura plus à faire avec la sagesse pragmatique et l'érudition, mais se révélera lui-même dans sa vrai perfection de Vérité englobante qu'est l'Amour.
Le troisième aspect des Pâramitâs tel qu'il est vu dans la perfection idéale des Tathagatas ne peut être pleinement compris que par les Bodhisattva-Mahasattvas qui se sont consacrés au disciple spirituel le plus élevé et qui ont pleinement compris qu'il n'y a rien à voir dans le monde à part ce qui est issu de l'esprit lui-même; dans l'esprit desquels la discrimination des dualités a cessé de fonctionner; et chez qui la saisie et l'attachement n'existent plus. Libres donc de tous attachements aux objets et idées individuels , leur esprits sont libres de considérer les manières de faire du bien et de donner du bonheur aux autres, voire à tous les êtres sensibles. Pour les Bodhisattva-Mahasattvas, l'idéal de charité est montré par l'abandon délibéré de l'espoir de Nirvâna du Tathagata, afin que tous puissent en jouir ensemble. Tant qu'ils ont des relations avec un monde objectif, il ne vient pas à l'esprit des Tathagatas de discriminer entre ses intérêts et ceux des autres, entre le bon et le mauvais,- il n'y a que la spontanéité et la réalité sans effort du parfait comportement. Pratiquer la patience avec la pleine connaissance de ceci et de cela, de l'attachement et de la saisie, mais sans pensée de discrimination ni d'attachement &emdash; tel est le Pâramitâ de Patience des Tathagatas. S'exercer avec énergie du début de la nuit à sa fin en conformité avec les mesures disciplinaires sans faire intervenir de discrimination entre confort et inconfort &emdash; tel est le Pâramitâ du Zèle des Tathagatas. Ne pas discriminer entre soi et les autres dans ses pensées de Nirvâna, mais garder l'esprit fixé sur le Nirvâna &emdash; tel est le Pâramitâ de l'Attention. Pour ce qui est du Prajñâ-Pâramitâ, qui est la Noble Sagesse, qui peut le prédiquer? Lorsqu'en Samadhi l'esprit cesse de discriminer et qu'il n'y a plus que parfaite absence d'image remplie d'amour, alors aura lieu un inscrutable «retournement» dans la conscience la plus intérieure et on aura atteint l'auto-réalisation de la Noble Sagesse &emdash; tel est le plus élevé Prajñâ-Pâramitâ.
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Vous avez parlé d'un corps astral, d'un «corps de vision de l'esprit» (manomayakaya) que les Bodhisattvas peuvent revêtir, comme étant un des fruits de l'auto-réalisation de la Noble Sagesse: je vous prie de nous dire, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend par ce corps transcendantal?
Le Béni du Ciel répondit: Il y a trois sortes de tels corps transcendantaux: D'abord, il y en a un dans lequel le Bodhisattva accède à la jouissance des Samadhis et des Samapattis. Ensuite, il y a celui qui est revêtu par les Tathagatas selon la classe d'êtres qu'il faut soutenir, et qui accomplit spontanément la perfection sans attachement et sans effort. Et enfin, il y a celui dans lequel les Tathagatas reçoivent leur intuition du Dharmakaya.
La personnalité transcendantale qui entre dans la jouissance des Samadhis arrive avec le troisième, quatrième et cinquième stades lorsque les mentations du système mental se calment et que les vagues de conscience ne sont plus agitées à la face de l'Esprit universel. Dans cet état, l'esprit conscient a toujours conscience, dans une certaine mesure, de la béatitude qu'il ressent grâce à cette cessation de l'activité de l'esprit.
La seconde sorte de personnalité transcendantale est celle que revêtent Bodhisattvas et Tathagatas en tant que corps de transformation par lesquels ils démontrent leurs voeux originels dans le travail de complétion et de perfection; elle vient avec le huitième stade de l'état de Bodhisattva. Lorsque le Bodhisattva arrive à une pénétration absolue de ces choses qui participent de la nature de maya et comprend le dharma de l'absence d'image, il fait l'expérience du «retournement» dans sa conscience la plus profonde et devient capable d'une expérience des Samadhis supérieure, même au niveau le plus élevé. En entrant dans ces Samadhis exaltés, il accède à la personnalité qui transcende l'esprit conscient, grâce à laquelle il obtient des pouvoirs supernaturels de maîtrise de soi et d'activités grâce auxquels il pourra se déplacer à sa guise, aussi rapidement que change un rêve, aussi rapidement que change une image dans un miroir. Ce corps transcendental n'est pas un produit des éléments et pourtant, il y a quelque chose dedans qui est analogue à ce qui est ainsi produit; il est pourvu de toutes les différences relatives au monde la forme mais sans leur limitations; en possession de ce «corps de vision de l'esprit» il peut être présent dans toutes les assemblées dans toutes les Terres de Bouddhas. Tout comme ses pensées se déplacent instantanément et sans obstacle par-dessus murs et rivières, et arbres et montagnes, et de même qu'en mémoire, il se rappelle et visite les scènes de ses expériences passées, de même, pendant que son esprit continue de fonctionner dans son corps, ses pensées peuvent bien être à cent mille yojanas de distance. De la même façon, la personnalité transcendantale qui fait l'expérience de la Samadhi Vajravimbopama sera dotée de pouvoirs surnaturels, de facultés psychiques et de maîtrise de soi grâce auxquels elle sera capable de suivre les Nobles Sentiers qui conduisent aux assemblées des Bouddhas, se déplaçant librement à son gré. Mais ses souhaits ne seront plus auto-centrés ni viciés par la discrimination et l'attachement, car cette personnalité transcendantale n'est pas son vieux corps, mais bien l'incarnation transcendantale de ses voeux originels d'abandon de soi pour amener tous les êtres à maturité.
La troisième sorte de personnalité transcendantale est si ineffable qu'elle peut accéder aux intuitions du Dharmakaya, c'est-à-dire qu'elle accède aux intuitions de la cognition illimitée et inscrutable de l'Esprit universel. Au fur et à mesure que les Bodhisattva-Mahasattvas accéderont aux étapes les plus élevées et deviendront familiers avec tous les trésors à réaliser dans la Noble Sagesse, ils accéderont à cet inconcevable corps de transformation qui est la véritable nature de tous les Tathagatas passés, présents et futurs, et participeront de la paix bienheureuse qui compénètre le Dharma de tous les Bouddhas.
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