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Le sûtra de la descente au Lanka, est censé avoir été transmis à la Chine par Bodhidharma, dont on dit qu'il s'en servait comme du seau de sa transmission. Cette version a été traduite de l'anglais au français par moi à partir de la version de Daisetz Teitaro Suzuki ainsi que d'autres éléments non identifiés. Je recevrai avec gratitude et humilité les observations des lecteurs.
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka (6°partie)
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Alors Mahâmati demanda au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites nous combien de sortes de disciples il y a?
Le Béni du Ciel répondit: Il y a autant de sortes de disciples qu'il y a d'individus, mais en pratique on peut les répartir en deux groupes: les disciples du lignage des Arhats, et les disciples appelés Bodhisattvas. On peut considérer les disciples du lignage des Arhats sous deux aspects: D'abord, selon le nombre de fois où ils reviendront à cette vie de la naissance-et-mort; et ensuite, selon leur progrès spirituel. Sous le premier aspect, on les peut subdiviser en trois groupes: Ceux qui sont «Entrés-dans-le-courant,» ceux qui «Reviendront-une-fois,» et ceux qui «Ne-reviendront-jamais.»
Les Entrés-dans-le-courant sont ces disciples, qui, s'étant eux-mêmes libérés des attachements aux discriminations inférieures, s'étant eux-mêmes nettoyés du double obstacle et qui comprennent clairement le sens de la double absence d'existence-propre, s'accrochent pourtant encore à la notion d'individualité et de généralité et à leur propre individualité. Ils ne vont s'avancer au long des étapes jusqu'à la sixième, que pour succomber à l'envoûtante béatitude des Samadhis. Ils renaîtront sept fois, ou cinq fois, ou trois fois, avant de pouvoir dépasser la sixième étape. Ceux qui Reviendront-une-fois sont des Arhats, et ceux qui Ne-reviendront-jamais sont les Bodhisattvas qui ont atteint le septième stage.
La raison de ces graduations, c'est leurs attachement aux trois degrés de fausse-imagination: c'est-à-dire, la foi dans les pratiques morales, le doute, et la conception de leur personnalité individuelle. Lorsque ces trois obstacles sont surmontés, on pourra accéder aux stades supérieurs. Quant aux pratiques morales: les disciples simples d'esprit et ignorants obéissent aux règles de la moralité, de la piété et de la repentance, parce qu'ils désirent en tirer de l'avancement mondain et du bonheur, avec en plus l'espoir de renaître dans de plus favorables conditions. Les Entrés-dans-le-courant ne sont pas attachés aux pratiques morales en espérant une récompense car leur esprits sont fixés sur l'état exalté d'auto-réalisation; le raisonnement qu'ils consacrent eux-mêmes aux détails de moralité est qu'ils souhaitent maîtriser ces vérités qui sont en conformité avec les écoulements immaculés. En ce qui concerne l'obstacle du doute dans les enseignement du Bouddha, il continuera tant qu'on chérira toute notion de discrimination et disparaîtra en même temps que ces notions. Le disciple se défera de l'attachement à la conception d'une personnalité individuelle quand il accédera à un entendement plus complet des notions d'être et de non-être, de nature propre et d'absence d'existence-propre, se débarrassant ainsi des attachements à son propre soi, attachement qui va de pair avec ces discriminations. En rompant et dégageant ces trois obstacles, qui est Entré-dans-le-courant pourra un jour rejeter toute avidité, colère et bêtise.
Quant aux Arhats qui Reviendront-une-fois; il y eut jadis en eux la discrimination de la forme, des signes, et des apparences, mais comme ils ont graduellement appris par la connaissance correcte à ne pas voir les objets individuels sous l'aspect de la qualité et de la qualification, et comme ils se sont familiarisés avec celles des marques de l'accession à la pratique de dhyâna, ils ont atteint le stade de l'éveil où dans une renaissance de plus ils pourront mettre fin à l'attachement à leurs propres intérêts. Libérés de ce fardeau de l'erreur et de ses attachements, les passions s'imposeront plus et les obstacles seront dégagés pour toujours.
Sous le second aspect les disciples peuvent être regroupés en quatre classes, selon leur progrès spirituel, c'est-à-dire, en disciples (sravaka), maîtres (pratyekabuddha), Arhats, et Bodhisattvas.
La première classe des disciples sont bien intentionnés mais ils trouvent les idées inhabituelles difficile à comprendre. Leur esprit est joyeux quand ils étudient et pratiquent les choses appartenant aux apparences qui peuvent être discriminées, mais se laisse confondre par la notion d'une chaîne ininterrompue de causalité, et ils prennent peur quand ils considèrent les agrégats qui constituent la personnalité et son monde objectif comme étant de la nature de maya, vides et sans existence-propre. Ils ont été capables d'avancer jusqu'au cinquième ou sixième stage où ils ont pu se défaire de l'apparition des passions, mais pas des notions qui donnent lieu à la passion et, comme ils sont incapables de se défaire de l'attachement à une âme dotée d'existence-propre et aux attachements qui l'accompagnent, des habitudes et de l'énergie de l'habitude. Dans cette même classe de disciples il y a les disciples sincères d'autres fois, qui en s'attachant à des notions comme celle de l'âme en tant qu'entité extérieure, d'Atman Suprême, d'un dieu personnel, vont en quête de ce qui est en harmonie avec ces notions. Il y en a d'autres, plus matérialistes dans leurs idées, qui pensent que toutes choses existent en rapport avec la causalité et que le Nirvâna doit donc être dans un pareil rapport. Mais aucun d'eux, aussi sincères qu'ils puissent être, n'est arrivé à une pénétration dans la vérité de la double absence d'existence-propre et, vu leurs pénétrations spirituelles limitées en ce qui concerne la délivrance et la non-délivrance, il n'y a pas pour eux d'émancipation. Ils ont une grande confiance en soi mais ils n'arriveront jamais à une vraie connaissance du Nirvâna tant qu'ils n'auront pas appris à se discipliner dans la patiente acceptation de la double absence d'existence-propre.
La seconde classe des maîtres comprend ceux qui ont accédé à un haut degré de compréhension intellectuelle de la vérités par rapport aux agrégats qui constituent la personnalité et son monde extérieur mais sont remplis de peur lorsqu'ils affrontent la signification et les conséquences de ces vérités, et les exigences de leur science, c'est-à-dire de ne pas s'attacher au monde extérieur et à ses multiples formes pour en tirer confort et pouvoir, et se garder des embrouilles de ses relations sociales. Ils sont attirés par les possibilités qu'on peut ainsi obtenir, c'est-à-dire, la possession de pouvoirs miraculeux comme de pouvoir diviser leur personnalité et apparaître à différents endroits en même temps, ou manifester des corps de transformation. Pour obtenir ces pouvoirs ils ont même recours à la vie solitaire, mais cette sorte de maître ne va jamais au-delà des séductions de leur science et de leur égoïsme, et leur discours sont toujours en conformité avec cette caractéristique et limitation. Parmi eux il y a beaucoup de disciples sincères qui montrent un degré de pénétration spirituelle qui est caractérisée par la sincérité et le désir jamais atterré de se conformer à toutes les exigences que leur présenteront les étapes. Lorsqu'ils voient que tout ce qui constitue le monde objectif n'est qu'une manifestation de l'esprit, qui est sans nature propre, non-née et sans existence-propre, ils l'acceptent sans peur, et quand ils voient que leur propre âme dotée d'existence-propre est également vide, non-née et sans existence-propre, ils ne sont ni troublés ni atterrés, et ils voient sincèrement à ajuster leurs vies aux pleines exigences de ces vérités, mais ne peuvent oublier les notions qui sous-tendent ces faits, en particulier la notion de leurs propre Soi conscient et sa relation au Nirvâna. Ils sont de la classe de ceux qui sont Entrés-dans-le-courant .
La classe de ceux qu'on appelle Arhats sont ces maîtres sincères qui appartiennent à la classe de ceux qui retournent. Mais leur pénétration spirituelle a atteint les sixième et septième stades. Ils ont absolument compris la vérité de la double absence d'existence-propre et de l'absence d'image de la Réalité; avec eux il n'y a plus de discriminations, ni de passions, ni d'orgueil, ni d'égoïsme; ils ont gagné une pénétration exaltée et ont vue sur l'immensité des Terres de Bouddhas. En accédant à une perception intérieure de la véritable nature de l'Esprit universel, ils purifient avec constance leur énergie de l'habitude. Les Arhats ont atteint l'émancipation, l'éveil, les Dhyânas, les Samadhis, et toute leur attention est accordée à l'accession au Nirvâna, mais l'idée de Nirvâna est cause de perturbations mentales parce qu'ils ont une idée fausse du Nirvâna. Les notions de Nirvâna est divisées dans leur esprit: ils séparent le Nirvâna d'eux-mêmes, et eux-mêmes des autres. Ils ont atteint certains des fruits de l'auto-réalisation mais ils pensent et discourent toujours sur les Dhyânas, les sujets de méditation, les Samadhis, les fruits. Ils disent avec orgueil: «Il y a des chaînes, mais j'en suis dégagé.» C'est une double faute de leur part: il dénoncent en même temps les vices de l'existence-propre, et s'accrochent toujours à leurs chaînes. Tant qu'ils continueront à discriminer des notions de dhyâna, de pratique du dhyâna, de sujets de dhyâna, de connaissance correcte et de vérité, leur état d'esprit restera confus &emdash; ils n'auront pas atteint l'émancipation parfaite. Cette dernière vient avec l'acceptation de l'absence d'image.
Ils sont maîtres des Dhyânas et entrent dans les Samadhis, mais pour atteindre les stades supérieurs, il leur faut passer au-delà des Dhyânas, des incommensurables, du monde du sans-forme, et de la béatitude des Samadhis dans les Samapattis qui mènent à la cessation de la pensée elle-même. Le pratiquant du dhyâna, le dhyâna, le sujet du dhyâna, la cessation de la pensée, ceux qui Reviendront-une-fois, ceux qui Ne-reviendront-jamais, sont tous des états de l'esprit divisés et confondants. Ce n'est que lorsque toute discrimination est abandonné qu'il y a émancipation parfaite.
C'est ainsi que les Arhats, maître des dhyânas, qui participent aux Samadhis, mais qui ne sont pas soutenus par les Bouddhas cèdent à la béatitude envoûtante des Samadhis &emdash; et passent à leur Nirvâna. Les disciples, les maîtres et les Arhats peuvent gravir les étapes jusqu'à la sixième. Ils perçoivent que le triple monde n'est rien de plus que l'esprit lui-même; ils perçoivent que ce n'est que par les discriminations et activités de l'esprit lui-même qu'on peut s'attacher aux multiplicités des objets extérieurs; ils perçoivent qu'il n'y a pas d'âme dotée d'existence-propre; et c'est pour cela qu'ils accèdent à la tranquillisation dans une certaine mesure. Mais leur tranquillisation n'est pas parfaite à chaque minute de leurs vies, car avec eux il reste des choses productrices d'effets, un peu de saisie et quelque chose de saisi, quelque trace attardée de dualisme et d'égoïsme. Quoique dégagés de l'énergie de l'habitude de la passion et qu'ils se laissent enivrer par le vin des Samadhis, ils auront leur demeure dans le domaine des écoulements. La parfaite tranquillisation n'est possible qu'au septième stage. Tant que leur esprits est dans la confusion, ils ne peuvent accéder à une claire conviction sur la cessation de toute multiplicité et la réalité de la parfaite unité de toutes choses. Dans leur esprit, ils discriminent encore la nature propre des choses comme bonnes et mauvaises, c'est pourquoi leur esprit est dans la confusion et qu'ils ne peuvent passer au-delà du sixième stage. Mais au sixième stage toute discrimination cesse au moment où ils se laissent séduire par la béatitude des Samadhis dans laquelle ils chérissent la pensée du Nirvâna et, comme le Nirvâna est possible au sixième stage, ils passent dans leur Nirvâna, mais il n'est pas là le Nirvâna des Bouddhas.
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Nous parlerez-vous maintenant des disciples qui sont des Bodhisattvas?
Le Béni du Ciel répondit: Les Bodhisattvas sont ces disciples sincères qui sont éveillés en raison de leurs efforts pour accéder à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse et qui ont pris sur eux la tâche d'éveiller les autres. Ils ont gagné une claire compréhension de la vérité que toutes choses sont vides, non-nées, et de la nature de maya; ils ont cessé de voir les choses de façon discriminante et de les considérer dans leurs relations; ils comprennent absolument la vérité de la double absence d'existence-propre et se sont ajustés à cette vérité dans une patiente acceptation; ils ont atteint une réalisation finale de l'absence d'image; et ils demeurent dans la connaissance parfaite qu'ils ont gagnée par l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
Bien marqués par le sceau de «l'Ainsité» ils ont pénétré dans le premier des stades du Bodhisattva. Le premier stade s'appelle le stade de la Joie (Pranudita). Arriver à ce stade, c'est comme de retrouver l'éblouissement des ombres dans un royaume du «pas-d'ombres»; c'est comme de retrouver le bruit et le tumulte d'une cité encombrée dans le calme de la solitude. Le Bodhisattva ressent en lui-même l'éveil d'un grand coeur de compassion et il prononce ses dix voeux originels: Honorer et servir tous les Bouddhas; répandre la connaissance et la pratique du Dharma; accueillir tous les Bouddhas à venir; à pratiquer les six Pâramitâs; persuader tous les êtres d'embrasser le Dharma; accéder à une parfaite compréhension de l'univers; accéder à une parfaite compréhension de la mutualité de tous les êtres; accéder à la parfaite auto-réalisation de l'unité de tous les bouddhas et Tathagatas en nature propre, but et ressources; à se familiariser avec tous les moyens habiles pour l'accomplissement de ces voeux pour l'émancipation de tous les êtres; à réaliser l'éveil suprême par la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse, en franchissant les étapes et en entrant dans l'Ainsité.
Dans l'esprit de ces voeux, le Bodhisattva gravit progressivement les étapes jusqu'à la sixième. Tous les disciples sincères, maîtres et Arhats y sont arrivés, mais enchantés qu'ils étaient par la béatitude de les Samadhis et n'étant pas soutenus par le pouvoir des Bouddhas, ils passent dans leur Nirvâna. Le même sort s'abattrait sur les Bodhisattvas si ce n'était du pouvoir de soutien des Bouddhas, par lequel ils sont en mesure de refuser d'entrer en Nirvâna tant que tous les êtres n'auront pu y entrer avec eux. Les Tathagatas leur désignent les vertus de la Bouddhéité qui sont au-delà des capacités de l'esprit intellectuel, et ils encouragent et affermissent les Bodhisattvas à ne pas s'abandonner à l'enchantement de la béatitude des Samadhis, mais au contraire à s'efforcer d'avancer plus loin tout au long des étapes. Si les Bodhisattvas étaient entrés en Nirvâna à ce stade, et qu'ils l'avaient fait sans le pouvoir de soutien des Bouddhas, cela aurait été la cessation de toutes choses et la famille des Tathagatas se serait éteinte.
Raffermis par la nouvelle force qui vient pour eux de les Bouddhas et avec la pénétration plus parfaite qui est leur en raison de leur avancement dans l'auto-réalisation de la Noble Sagesse, ils réexaminent la nature du système mental, l'absence d'existence-propre de la personnalité, et la part que la saisie, l'attachement et l'énergie de l'habitude jouent dans les tragédies de la vie qui se déroulent; ils réexaminent les illusions de la quadruple analyse logique, et les divers éléments qui entrent dans l'éveil et l'auto-réalisation, et, dans l'excitation de leurs nouveaux pouvoirs de maîtrise de soi, les Bodhisattvas accèdent au septième stage de l'Aller Loin (Durangama).
Soutenus par le pouvoir de soutien des Bouddhas, les Bodhisattvas entrent à ce stade dans la béatitude du Samadhi de parfaite tranquillisation. Etant donné leurs voeux originels, ils sont transportés par des émotions d'amour et de compassion en prenant conscience de la part qu'ils ont eue dans l'accomplissement de leurs voeux pour l'émancipation de tous les êtres. Ils n'entrent donc pas en Nirvâna, mais, à dire vrai, eux-aussi sont déjà en Nirvâna parce que, dans leurs émotions d'amour et de compassion, il n'y a pas de naissance de la discrimination; à partir de là, chez eux, la discrimination n'a plus lieu. A cause de l'Intelligence transcendantale une seule conception est présente &emdash; la promotion de la réalisation de la Noble Sagesse. Ceci s'appelle le Nirvâna du Bodhisattva &emdash; se perdre dans la béatitude du parfait lâcher-prise de soi. Ceci est la septième étape, le stade de l'Aller Loin.
Le huitième stade, est celui de la Non-récession (Acala). Jusque là, à cause des souillures sur la face de l'Esprit universel causées par l'accumulation de l'énergie de l'habitude depuis des temps immémoriaux, le système mental et tout ce qui s'y rapporte a évolué et a été soutenu. Le système mental fonctionnait par les discriminations d'un monde extérieur et objectif auquel il s'était attaché et par lesquels il avait été perpétué. Mais avec l'accession du Bodhisattva au huitième stade, il se produit un «retournement» au sein de sa conscience la plus profonde de l'égoïsme centré sur soi vers la compassion universelle envers tous les êtres, par lesquels il accède à la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse. Il y a un instant de cessation des activités illusionnantes de tout le système mental; la danse des vagues de l'énergie de l'habitude sur la face de l'Esprit universel est pour toujours arrêtée, révélant ainsi sa propre et inhérente tranquillité et solitude, l'inconcevable Unité de la Matrice de l'Ainsité.
A partir de là, il n'y a plus à regarder vers un monde extérieur grâce aux sens et aux mentations sensorielles, pas plus que de discrimination entre concepts, idées et propositions particularisés par un esprit intellectuel, ni saisie, ni attachement, ni égoïsme de l'orgueil, ni énergie de l'habitude. A partir de là, il n'y a que l'expérience intérieure de la Noble Sagesse qui ait été atteinte en entrant dans sa parfaite Unité.
Donc, en se haussant au huitième stade de la non-récession, le Bodhisattva entre dans la béatitude des dix Samadhis, mais tout en évitant la voie des disciples et des maîtres qui se sont laissés aller à leur béatitude envoûtante et qui sont passés à leurs Nirvanas, et soutenu par ses voeux et par l'Intelligence transcendantale qui est désormais sienne, ainsi que par le pouvoir des Bouddhas, il entre dans les chemins supérieurs qui conduisent à l'Ainsité. Il passe par la béatitude des Samadhis pour assumer le corps de transformation d'un Tathagata afin que grâce à lui tous les êtres puissent être émancipés.
Mahâmati, s'il n'y avait pas eu de Matrice de Tathagata ni d'esprit divin il n'y aurait alors pas eu de naissance ni de disparition des agrégats qui constituent la personnalité et son monde extérieur, pas de naissance ni de disparition des ignorants ni des saints, et pas de tâche pour les Bodhisattvas; c'est pourquoi tout en marchant sur la voie de l'auto-réalisation et en entrant dans la jouissances des Samadhis, vous ne devrez jamais cesser de travailler dur à l'émancipation de tous les êtres et votre amour d'abandon de soi ne sera jamais en vain. Pour les philosophes le concept de Matrice de Tathagata semble dépourvu de pureté et souillé par ces manifestations extérieures, mais il n'est pas compris ainsi par les Tathagatas : pour eux, ce n'est pas une proposition de philosophie mais une expérience intuitive aussi réelle que si on tenait un fruit d'amalaka dans la main.
Avec la cessation du système mental et de tous ses discriminations évolutives, il y une cessation de tous effort et contrainte. C'est comme un homme dans un rêve qui s'imagine traverser une rivière et qui s'exerce au maximum à le faire, qui s'éveillerait tout soudain. Réveillé, il penserait : «Est-ce réel ou irréel?» Etant maintenant réveillé il saurait que ce n'est ni réel ni irréel. Donc même quand le Bodhisattva arrives au huitième stade, il peut voir toutes choses avec sincérité et, qui plus est, il peut absolument comprendre la signification de toutes les choses de sa vie qui sont comme un rêve, selon la façon dont elles se produisent et selon la manière dont elles passent. Depuis des temps immémoriaux, le système mental a perçu la multiplicité des formes, des conditions et des idées que l'esprit pensant a discriminées, et dont l'esprit empirique a fait l'expérience, dont il s'est saisi et auxquelles il s'est attaché. C'est de là que vient l'énergie de l'habitude qui par son accumulation a conditionné les illusions de l'existence et de la non-existence, de l'individualité et de la généralité, et c'est ainsi que s'est perpétué l'état de rêve de la fausse-imagination. Mais maintenant, pour les Bodhisattvas du huitième stade, la vie a passé et on s'en rappelle pour ce qu'elle était réellement : un rêve fugace.
Tant que le Bodhisattva n'avait pas passé le septième stade, même en ayant atteint un entendement intuitif du vrai sens de la vie et de sa nature de maya, et étant donné la façon dont l'esprit effectuait ses discriminations et ses attachements, le chérissement des notions de ces choses s'était néanmoins poursuivi et, quoiqu'il ne ressentait plus en lui-même aucun ardent désir pour les choses ni aucune impulsion à s'en saisir, les notions à leur sujet avaient néanmoins persisté et a teinté ses efforts dans la pratique des enseignements des Bouddhas et dans son labeur pour l'émancipation de tous les êtres. Là, dans le huitième stade, même les notions en ont disparu, et tous ces efforts sont vus être inutiles. Le Nirvâna du Bodhisattva est parfaite tranquillisation, mais il n'est ni extinction ni inertie; tout en étant totale absence de discrimination et de but, il y a une liberté et une spontanéité du potentiel qui vient avec l'accession à, et la patiente acceptation de, les vérités de l'absence d'existence-propre et de l'absence d'image. Ici est la parfaite solitude, non troublée par aucune gradation ni succession continue, mais irradiant de la puissance et de la liberté de sa nature propre qui est celle de la Noble Sagesse, heureusement paisible dans la sérénité de l'Amour Parfait.
En accédant au huitième stade, avec le «retournement» au plus profond de la conscience, le Bodhisattva prend conscience de ce qu'il a reçu la seconde sorte de Corps transcendantal (Manomayakaya). La transition de corps mortel à Corps transcendantal n'a rien à voir avec la mort mortelle, car le vieux corps continue de fonctionner et le vieil esprit sert les besoins du vieux corps, mais maintenant c'est libre du contrôle de l'esprit mortel. Il y a eu une inconcevable mort de transformation (accintya-parinama-cyuti) par laquelle la fausse-imagination de sa personnalité individuelle particularisée a été transcendée par une réalisation de son unité avec l'esprit universel de l'Ainsité, de réalisation duquel il n'y aura pas de récession. Avec cette réalisation il se trouve amplement doté de tous les pouvoirs, facultés psychiques, et maîtrise de soi du Tathagata, et, tout comme la bonne terre est le support de tous les êtres au monde du désir (karmadathu), de même les Tathagatas deviennent le support de tous les êtres dans le Monde Transcendantal de la Non-forme.
Les premiers sept stades du Bodhisattva se situaient dans le domaine de l'esprit et le huitième, tout en transcendant l'esprit, était toujours en contact avec lui; mais dans le neuvième stade de l'Intelligence transcendantale (Sadhumati), en raison de sa parfaite intelligence et pénétration dans l'absence d'image de l'Esprit Divin qu'il avait atteint par l'auto-réalisation de la Noble Sagesse, c'est dans le domaine de l'Ainsité. Graduellement le Bodhisattva va réaliser sa nature de Tathagata ainsi que la possession de tous ses pouvoirs et facultés psychiques, maîtrise de soi, compassion aimante, et moyens habiles, et grâce à eux il entrera dans toutes les Terres de Bouddhas. En se servant de ces nouveaux pouvoirs, le Bodhisattva revêtira divers corps de transformation et personnalités pour le bénéfice des autres. Tout comme dans les précédentes vies mentales, l'imagination avait surgi de la connaissance relative, c'est donc spontanément que les moyens habiles vont maintenant surgir de l'Intelligence transcendantale. C'est comme la gemme magique qui reflète de façon instantanée les réponses appropriées à nos voeux. Le Bodhisattva accède à toutes les assemblées des Bouddhas et les écoute, pendant qu'ils discourent de la nature onirique de toutes choses et de vérités qui transcendent toutes notions de l'être et du non-être, qui n'ont pas de relation à la naissance et la mort, ni à l'éternité ni à l'extinction. Faisant donc face aux Tathagatas comme ils discourent de la Noble Sagesse qui est bien au-delà des capacités mentales des disciples et des maîtres, il va effectivement accéder à cent mille Samadhis, à cent mille nayutas de kotis de Samadhis, et dans l'esprit de ces Samadhis il va instantanément passer d'une Terre de Bouddha à une autre, rendant hommage à tous les Bouddhas, nés dans toutes les demeures célestes, manifestant des corps de Bouddha, et discourant lui-même du Triple Trésor aux moindres Bodhisattvas afin qu'eux aussi puissent partager les fruits de l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
C'est ainsi que passant au-delà du dernier stade de l'état de Bodhisattva, il devient lui-même un Tathagata doté de toute la liberté du Dharmakaya. Le dixième stade appartient aux Tathagatas. Ici, le Bodhisattva va lui-même se trouver assis sur un trône en forme de lotus dans un splendide palais décoré de joyaux et entouré de Bodhisattvas de même rang. Des Bouddhas de toutes les Terres de Bouddhas se rassembleront autour de lui et de leurs pures et fragrantes mains posées sur son front, ils lui donneront l'ordination et l'admettront comme un des leurs. Alors ils lui assigneront une Terre de Bouddha qu'il puisse posséder et parfaire comme sienne propre.
Le dixième stade s'appelle le Grand Nuage de la Vérité (Dharmamegha), inconcevable, inscrutable. Seuls les Tathagatas peuvent réaliser la parfaite absence d'image, l'Unité et la Solitude. C'est Mahesvara, la Terre Radieuse, la Terre Pure, la Terre des Distances lointaines; entourant et surpassant des moindres mondes de la forme et du désir (karmadathu), dans lesquels le Bodhisattva se retrouvera lui-même en un instant. Ses rayons de Noble Sagesse qui est la nature propre des Tathagatas, multicolores, fascinants, auspicieux, transforment le triple monde comme d'autres mondes ont été transformés par le passé, et encore d'autres mondes seront transformés dans le futur. Mais dans la Parfaite Unité de la Noble Sagesse il n'y a pas de gradation, de succession ni d'effort. Le dixième stade est le premier, le premier est le huitième, le huitième est le cinquième, le cinquième le septième: quelle gradation peut-il y avoir là où prévalent la parfaite absence d'image et l'Unité? Et quelle est la réalité de la Noble Sagesse? C'est l'ineffable puissance du Dharmakaya; il n'a pas de frontières ni de limites; il surpasse toutes les Terres de Bouddhas, et compénètre l'Akanistha et les demeures célestes du Tushita.
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