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Shôbôgenzô Bendôwa seconde partie
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   A ce moment-là, tout dans l'Univers, dans les dix directions -- le sol, la terre, l'herbe et les arbres; les clôtures, les tuiles et les cailloux -- accomplit l'oeuvre du Bouddha. Les gens qui reçoivent le bénéfice ainsi produit par le vent et l'eau sont tous aidés comme par magie par la délicate et impensable influence du Bouddha et ils montrent tous l'immédiat état de réalisation. Tous les êtres qui reçoivent et utilisent cette eau et ce feu répandent l'influence du Bouddha dans l'état originel de l'expérience, de sorte que ceux qui vivent et parlent aussi avec eux sont tous réciproquement dotés de la vertu sans limite du Bouddha. En étendant et en promouvant leur activité en long et en large, il imprègnent l'intérieur et l'extérieur de l'Univers tout entier de l'illimité, incessant, impensable et incalculable Bouddha-Dharma. [L'état] n'est pas offusqué par les vues de ces individus eux-mêmes, pourtant, parce que l'état dans la quiétude, sans activité intentionnelle, est expérience directe. Si nous divisons la pratique-et-expérience en deux étapes, comme dans la pensée des gens ordinaires, chaque partie peut être perçue et comprise séparément. [Mais] si la perception et la compréhension sont mélangées, ce n'est pas l'état normal de l'expérience, car ce dernier se situe au-delà de l'émotion induite par l'illusion. Quoique, dans la quiétude, l'esprit et le monde extérieur entrent ensemble dans l'état d'expérience et sortent ensemble de l'état de réalisation, [ces mouvements] sont l'état de recevoir et d'utiliser le soi [41].

En conséquence, [mouvements de l'esprits et monde extérieur] n'agitent pas une seule molécule et ne dérangent pas une seule forme, mais accomplissent le vaste et grand oeuvre du Bouddha et sa profonde et délicate influence. L'herbe, les arbres, le sol et la terre qu'atteint cette influence directrice irradient tous une grande clarté, et prêchent sans fin le délicat et profond Dharma. L'herbe, les arbres, les clôtures et les murs acquièrent la capacité de prêcher pour toutes les âmes, les gens du commun [comme] les saints; et inversement, toutes les âmes
, les gens du commun [comme] les saints,  prêchent pour l'herbe, les arbres, les clôtures et les murs. Le monde de la conscience de soi, et [le monde] de la conscience des objets extérieurs, ne manquent de rien -- ils sont déjà pourvus de la forme concrète de l'expérience réelle. L'état normal de l'expérience réelle, lorsqu'il est activé, ne permet aucun mouvement oiseux.

Zazen, même si ce n'est qu'un seul être humain assis pour un instant, entre ainsi en coopération mystique avec tous les dharmas et  pénètre complètement  tous les temps; et c'est pourquoi il accomplit, au sein de l'Univers sans limites, l'oeuvre éternel de l'influence directrice du Bouddha dans le passé, dans le futur et dans le présent. Pour chacun, c'est complètement la même pratique et la même expérience. La pratique n'est pas confinée au fait-même d'être assis; elle frappe l'espace et résonne [comme] la résonnace qui se poursuit avant et après avoir frappé une cloche. Comment pourrait [la pratique] être limitée à cet endroit? Toutes choses concrètes [42] ont la pratique originelle pour caractéristiques d'origine; c'est au-delà de la compréhension. Rappelez-vous, même si les innombrables bouddhas dans les dix directions, aussi nombreux que les sables du Gange, tentaient de toute leur puissance et de toute leur sagesse bouddhique de calculer les mérites du Zazen d'une seule personne, ils ne pourraient même pas s'en approcher.


[26]    Nous avons donc entendu dire combien haut et grand est le mérite de zazen. [Mais] quelque personne stupide pourrait bien demander, en proie au doute: "Il y a de nombreuses portes du Bouddha-Dharma. Pourquoi recommandez vous seulement de s'asseoir en zazen?" [43]

Je dis: parce que c'est l'entrée authentique du Bouddha-Dharma.


[26]    [Quelqu'un] demande: "Pourquoi le voyez-vous comme la seule entrée authentique?"

Je dis: Le grand-maître Shâkyamuni a transmis avec exactitude, car c'est la tradition authentique, cette subtile méthode de saisir l'état de vérité, et les tathâgatas des trois temps [44] sont tous arrivés à la vérité grâce à zazen. C'est ainsi que le fait que [zazen] soit la porte authentique a été transmis et reçu . Qui plus est, les patriarches des Paradis occidentaux et des Terres orientales sont tous arrivés à la vérité grâce à zazen.  C'est pourquoi je prêche maintenant [zazen] aux êtres humains et aux dieux en tant que porte authentique.

[27]    [Quelqu'un] demande: "Ce qui se base sur la réception de la transmission authentique de la méthode subtile du Tathâgata, ou sur le fait de suivre les traces des maîtres ancestraux, est sûrement au-delà de l'intellect de l'homme du commun. Lire des sûtras ou réciter les noms des bouddhas peut cependant devenir les causes et les conditions de l'éveil. Mais pour ce qui est de juste rester assis à rien faire, comment est-ce que cela pourrait être le moyen d'arriver à l'éveil?"

  Je dis: Là, si vous pensez que la samâdhi des bouddhas, le suprême et grand Dharma, c'est de rester assis à rien faire, vous êtes une personne qui insulte le Grand Véhicule [45]. [Une telle] illusion est si profonde que c'est pareil que d'être dans l'océan et de dire qu'il n'y a pas d'eau. [En zazen], nous sommes déjà assis, dans la stabilité et la gratitude, dans la samâdhi des bouddhas de réception et d'utilisation du soi. N'est-ce pas là l'accomplissement d'une grande et vaste vertu? Il est pitoyable que vos yeux ne soient pas encore ouverts et que votre esprit demeure dans une stupeur d'ivrogne. En général, l'état des bouddhas est impensable: l'intelligence ne peut y atteindre. Combien encore moins peuvent connaître cet état l'incrédulité ou la sagesse inférieure? Seuls les gens de grandes réalisations et de croyance correcte peuvent y entrer.  Pour les incrédules, même instruits, il leur est difficile de recevoir cet enseignement -- même sur le Pic des Vautours, il y eut des gens [dont le Bouddha put dire]: "Ça va aussi, s'ils se retirent". [46] En règle générale, quand la croyance juste émerge dans notre esprit, nous devons nous entraîner et apprendre en pratique. Autrement, il faut se reposer un moment. Regrettez-le si vous voulez, mais depuis les temps anciens, le Dharma est sec. De plus, connaissez-vous personnellement un quelconque mérite qu'il y aurait à des pratiques telles que lire des sûtras et réciter des noms de bouddhas? Ce n'est pas une chose très fiable que de croire que le seul fait d'agiter sa langue et d'élever la voix puissent posséder les mérites de l'oeuvre du Bouddha. Quand nous comparons ces pratiques avec le Bouddha-Dharma, elles s'effacent toujours plus loin dans le lointain.
Qui plus est, nous ouvrons les sûtras pour clarifier les critères enseignés par le Bouddha sur la pratique graduelle et instantanée [47], et ceux qui pratiquent selon l'enseignement sont invariablement menés à atteindre l'état d'expérience réelle. C'est quelque chose de totalement différent du fait d'aspirer à la vertu d'obtention de la bodhi en épuisant en vain l'intellect. Tenter d'arriver à l'état de vérité du bouddha [que] par l'action de la bouche, en psalmodiant stupidement des milliers ou des dizaines de milliers de fois, c'est comme d'espérer d'atteindre le [pays méridional de] Etsu  en dirigeant la voiture vers le nord. Ou bien comme de tenter d'ajuster une cheville carrée dans un trou rond. Lire des phrases tout en demeurant ignorant de la manière de pratiquer, [c'est comme] un étudiant de médecine qui oublierait comment composer ses ordonnances. A quoi cela sert-il? Ceux qui psalmodient sans cesse sont comme des grenouilles dans une rizière, coassant nuit et jour. A la fin, c'est totalement inutile. C'est encore plus difficile de laisser tomber ces choses pour ceux qui sont gravement dérangés par la gloire et le profit. L'esprit qui ambitionne le profit est très profond [ément enfoui] et c'est aussi comme cela que ce devait être par le lointain passé. Comment pourrait-ce ne pas être présent dans le monde d'aujourd'hui? C'est vraiment pitoyable. Rappelez-vous simplement: lorsqu'un pratiquant suit directement un maître qui est arrivé à la vérité et a clarifié l'esprit, et quand le pratiquant apparie cet esprit et ces expériences, et le comprend, et reçoit ainsi la transmission authentique du subtil Dharma des Sept Bouddhas [48], c'est alors que l'enseignement exact apparaît clairement, est reçu et est maintenu. Ceci est au-delà de l'entendement des maîtres de Dharma qui étudient les mots [49].  Cessez donc ces doutes et ces illusions et, en suivant les enseignements d'un vrai maître, atteignez par votre expérience la samâdhi des bouddhas qui reçoit et utilise le soi, en vous asseyant en Zazen et en recherchant la vérité.

[32]    [Quelqu'un] demande: "La fleur du Dharma [50] et l'enseignement [du sûtra] de la Guirlande [51], qui ont désormais été transmis dans ce pays, sont tous deux des expressions ultimes du Grand Véhicule. Qui plus est, dans le cas de l'Ecole Shingon [52], [la transmission] passe directement du Tathâgata Vairocana à Vajra-sattva, et ainsi, [la trasmission de] maître à disciple ne se fait pas au hasard. Pour citer les principes qui y sont discutés, que "l'esprit ici et maintenant est Bouddha," et que "cet esprit devient Bouddha" [53], [l'Ecole Shingon] proclame que nous réalisons la réalisation correcte des cinq bouddhas [54] en une séance sans passer par de nombreux kalpas [55] d'entraînement. On peut dire que ceci est le raffinement ultime du Dharma du Bouddha. Qu'y a-t-il, alors, de si excellent dans la seule pratique que vous recommandiez, désormais, à l'exclusion de ces autres [pratiques]?"

Je dis: Rappelez-vous, entre bouddhistes, nous ne disputons pas de la supériorité et de l'infériorité des philosophies, ni ne choisissons entre le manque de profondeur ou la profondeur du Dharma; qu'il nous suffise de savoir si la pratique est authentique ou artificielle. Certains sont entrés dans le courant de la vérité du Bouddha à l'invitation de l'herbe, des fleurs, des montagnes et des rivières. Certains ont reçu et maintenu le sceau du Bouddha en saisissant de la terre, des cailloux, du sable et des galets. Qui plus est, le Grand et Vaste Monde [56] est encore plus abondant que les myriades de phénomènes. Et la mise en mouvement de la grande Roue du Dharma est contenue dans chaque molécule. Cela étant, les paroles 
"l'esprit ici et maintenant est Bouddha," ne sont que la lune dans l'eau [57] et l'idée que "juste s'asseoir c'est devenir Bouddha" est aussi un reflet dans un miroir. Nous ne devons pas nous laisser prendre par l'habileté des mots. Or, quand je recommande la pratique dans laquelle on fait directement l'expérience de la bodhi, j'espère démontrer la vérité subtile que les patriarches bouddhistes se sont transmis de l'un à l'autre et ainsi vous transformer en personnes de l'état réel de vérité. Qui plus est, pour la transmission du Bouddha-Dharma, nous devons toujours prendre pour maître une personne qui a fait l'expérience de l'état [du Bouddha]. il ne suffira jamais de prendre pour guide-enseignant un savant qui compte les mots; cela serait comme un aveugle guidant d'autres aveugles. En cette lignée de la transmission authentique des patriarches bouddhistes, tous nous vénérons les sages maîtres qui ont atteint la vérité et fait l'expérience de l'état, et nous faisons en sorte qu'ils demeurent dans le Bouddha-Dharma et qu'ils le maintiennent.


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Notes:

41- JIJUYO no KYOGAI, litt., "l'aire de la réception et de l'utilisation du soi", c'est-à-dire l'état d'équilibre naturel. Voir note 3[retour]
42- HYAKUTO, litt., "centaines de têtes," ce qui suggère diverses choses concrètes. 
[retour]
43- Les questions et réponses ne sont pas séparées dans le texte source. On les a ici séparées pour la facilité de lecture. [retour]
44- SANZE, passé, présent et avenir; l'éternité. [retour]
45- DAIJO, le Bouddhisme Mahâyâna. [retour]
46- TAIYAKUKEI. Voir SdL 1.86-88. [retour]
47- TONZEN-SHUGYO. TONZEN est une abbréviation de TONGO, "réalisation instantanée" et de ZENGO, "réalisation graduelle". Ce sont deux conceptions de la réalisation -- comme elle se produit juste au moment de la pratique, et en tant que processus se poursuivant sur une longue ligne d'instants -- fondées sur ces deux conceptions du temps. [retour]
48- Les sept anciens bouddhas étaient Vipaçyin, Çikhin, Viçyabû, Krakucchanda, Kanakamuni, Kâçapa et Çâkyamuni. La croyance en ces Sept Bouddhas renvoie à l'idée que le Dharma est éternel, antérieur au Bouddha historique, Çâkyamuni [retour]
49- HOSSHI. A l'époque de maître Dôgen, c'était le titre de certains prêtres de l'école Tendai.  [retour]
50- HOKKESHU. HOKKE résume HOKKEKYO, le "Sûtra de la Fleur du Dharma", autrement dit, le Sütra du Lotus. SHU signifie religion ou école. HOKKESHU était l'ancien nom de l'Ecole Tendai. Celle-ci fut fondée en Chine par maître Tendai Chigi, sur la base du Sûtra du Lotus. Elle fut introduite au Japon par maître Saicho (767-822).  [retour]
51- KEGONKYO, litt., "enseignement du Kegon", c'est-à-dire l'enseignement de l'Ecole Kegon qui fut elle aussi fondée en Chine, sur la base du Sûtra Kegon (de la Guirlande). Elle fut introduite au Japon en 736.  [retour]
52- SHINGONSHU. L'Ecole Shingon est dérivée du Bouddhisme Vajrayâna. Maître Kukai se rendit en Chine et en rapporta les enseignements de l'Ecole Shingon au Japon en 806. Le Bouddhisme vajrayâna vénère Vajra-sattva, le Bouddha de Diamant, dont on dit qu'il a reçu la transmission de Vairocana, le Bouddha du Soleil.  [retour]
53- "L'esprit ici et maintenant est Bouddha" est SOKU SHIN ZE BUTSU, qui est aussi le titre du chapitre 6. "Cet esprit devient Bouddha" est ZE SHIN SA BUTSU.    [retour]
54- C'est-à-dire les cinq bouddhas du mandala utilisé dans le Bouddhisme ésotérique de l'Ecole Shingon. Il s'agirait d'une image comportant le Bouddha Vairocana au milieu, entouré par des bouddhas au nord, au sud, à l'est et à l'ouest.  [retour]
55- GO (ou KO) représente le son du mot sanscrit kalpa, qui signifie une période infiniment longue. On a expliqué un kalpa, par exemple, comme le temps qu'il faudrait à un ange pour user un gros rocher en l'effleurant avec sa manche une fois tous les trois ans.   [retour]
56- KODAI no MONJI, litt., "les grands et gros caractères" suggère le Dharma comme n'étant pas seulement une accumulation de phénomènes matériels, mais également quelque chose qui a du sens. [retour]
57- Une image de la lune, qui n'est pas la lune elle-même. [retour]


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