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1. Etablir l'envie de Vérité
L'envie
de
Vérité
a de nombreux noms1,
mais ils font tous référence au même état d'esprit. Dans les mots de
maître Nagârjuna: « Un esprit qui ne réfléchit que sur l'inconstance
du monde séculier, tel qu'il apparaît et disparaît, peut aussi être appelé
envie de Vérité ».
On peut donc pour le moment utiliser cette définition de l'envie de Vérité. Il est certes vrai que lorsque nous considérons la vanité du monde séculier, l'égoïsme ne s'empare pas de notre esprit, et le désir de gloire et de richesse ne se manifeste pas non plus. Au contraire, en voyant le temps fuir aussi vite, nous nous mettons à pratiquer la vérité comme s'il s'agissait d'éteindre un feu dans nos cheveux. Et sachant la fragilité de notre existence physique, nous faisons de notre mieux pour marcher, comme le Bouddha, sur la pointe des pieds2.
Nous pouvons écouter le chant céleste des oiseaux Kalavinka3, mais nos oreilles se perdent rapidement dans la brise du soir. Nous pouvons regarder le visage admirable de Mosho ou de Seishi4, mais la rosée du matin arrive et nos yeux se ferment pour toujours. Cependant, une fois que nous sommes libres des chaînes de l'attachement au son et à la forme, nous pouvons naturellement rencontrer le suprême principe de l'envie de Vérité. Nous avons entendu de nombreux exemples, des temps anciens jusqu'à nos jours, de gens à qui faisait défaut la connaissance, et de gens aux idées étroites. La plupart d'entre eux est tombé dans la fosse de la gloire et de la richesse, et ils ont gâché leur chance de vivre à jamais la vie bouddhique. C'est pitoyable, et tragique, mais nous devons savoir que cela arrive.
Même si on lit de splendides sûtras bouddhistes allégoriques et littéraux, ou même en ayant reçu des livres de théorie bouddhique, concrète ou ésotérique, si on n'a pas rejeté gloire et richesse, on ne pourra jamais prétendre avoir établi l'envie de Vérité.
Certains soutiennent que l'envie de Vérité est l'envie du suprême esprit éveillé, correct et équilibré, et que cela n'a donc rien à voir avec la gloire ou la richesse. D'autres disent que c'est un état d'esprit momentané dans lequel existent les trois mille concepts et entendements. D'autres encore prétendent que c'est la porte de l'enseignement bouddhique où l'esprit n'apparaît pas même momentanément. D'autres enfin soutiennent que l'envie de Vérité est l'esprit dans lequel on entre dans le Bouddhisme. Mais ceux qui disent ces choses n'ont eux-mêmes pas encore eu l'envie de Vérité, et c'est ainsi qu'elles la diffament n'importe comment. Ils s'éloignent toujours plus du coeur de la vérité bouddhique.
Par
exemple,
quand vous avez l'envie de gloire et de richesses, réfléchissez sur votre
propre esprit en ce lieu et en ce moment. Inclut-il alors les trois-mille
mondes de l'essence et de la forme, ou non? Faites-vous l'expérience de
l'enseignement bouddhique dans lequel l'esprit n'apparaît pas même
momentanément? Non, il n'y a là que l'envie de gloire et l'amour des
richesses; dans cet état, il n'existe aucune chance de saisir l'envie de
Vérité.
Depuis les temps les plus anciens, des saints bouddhistes qui ont eu accès à la Vérité et reçu les enseignements du Bouddha Gautama ont enseigné en se mêlant aux gens ordinaires, mais ils n'ont jamais, au grand jamais, eu la moindre idée mauvaise d'obtenir de la gloire et des richesses. Ils n'étaient même pas attachés aux enseignements du Bouddha. Inutile, donc, de rien dire sur leur attachement au monde séculier.
L'envie de Vérité, comme je l'ai dit auparavant, est un esprit qui réfléchit à l'impermanence de ce monde, et ceci n'est qu'une seule des nombreuses explications qu'on puisse en donner. Cela n'a rien à voir avec ce que dictent les lunatiques. Les images de la non-apparence, et les trois-mille mondes de formes, sont réalisés par l'action splendide, accomplie après l'établissement de l'envie de Vérité; ne confondons donc pas les étapes du processus. Bref, si vous vous oubliez un instant, et pratiquez en privé, vous vous familiariserez avec l'envie de Vérité.
On peut donc dire que les soixante-deux vues non-bouddhistes sont toutes enracinées dans l'égoïsme. Lorsque notre attitude devient égoïste, nous devons pratiquer zazen et réfléchir calmement sur nous-mêmes. Qu'avons-nous donc en nous et sur notre corps? A quoi devons-nous nous fier, fondamentalement? Nous avons reçu notre corps, cheveux et peau, de nos père et mère, sa semence à lui et son ovule à elle – comme rien, du début à la fin. L'esprit, les intentions, la conscience et la connaissance mentale semblent donner son intégrité à notre vie. Nous inspirons, nous expirons, mais à quoi cela nous avance-t-il à la fin? Nous ne pouvons pas non plus dire de ces choses qu'elles sont nous. Parmi tous ces phénomènes, ici et là, il n'est rien à quoi il faille s'attacher. Seuls sont qui sont dans l'illusion le font. Ceux qui ont atteint la vérité les laissent pour ce qu'ils sont. Pourtant, en se souciant de leur Soi qui n'est pas eux, et en se laissant prendre au piège de l'idée d'apparence qui est non-apparence, les gens manquent à exercer les pratiques bouddhiques qu'ils devraient pratiquer et à trancher les attaches séculières et émotionnelles qu'ils devraient trancher; ils haïssent les enseignements sincères et vont à la chasse d'enseignements fallacieux. Comment peuvent-ils se fourvoyer autant?
1 Bodaishin en japonais, bodhicitta en sanscrit.
2
On pourrait se contenter de traduire par « mettre nos pas
dans ceux du Bouddha ».
3 Oiseaux de l'Inde ancienne, renommés pour la beauté de leurs chants.
4 En chinois moderne: Maoqiang, et Xishi. Courtisanes célèbres de la cour impériale chinoise dans les temps anciens
La suite: Suite du texte du Gakudô Yôjin shu
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